Expliquer le mécanisme microscopique de diffusion des ions dans les électrodes de supercondensateurs, c'est la prouesse que viennent d'accomplir des chercheurs du laboratoire Physicochimie des électrolytes et nanosystèmes interfaciaux (CNRS / UPMC) et du Centre inter-universitaire de
recherche et d'
ingénierie des
matériaux (CNRS /
Université Paul Sabatier)
(*). Ces travaux sont parus dans le
Journal of the American Chemical Society.
La diffusion des ions dans les électrodes poreuses des supercondensateurs est caractérisée par une succession d'évènements à l'échelle microscopique. Ainsi, pour
passer d'un pore à un autre, un ion va se désolvater/resolvater (perdre/gagner des interactions avec les molécules du solvant), s'adsorber/se désorber sur les parois (attachement/détachement via des interactions faibles à la
surface des électrodes), et ce à plusieurs reprises. La seule technique permettant de sonder cette
dynamique était, jusqu'à présent, la spectroscopie d'
impédance, qui ne donnait accès qu'à la
résistivité du
liquide dans les pores, une information très partielle...
Expérimentalement, il est en effet très difficile de mesurer la diffusion des ions dans un milieu poreux. Le cas des supercondensateurs ajoute une
complexité supplémentaire puisqu'il s'agit d'un
système dynamique, à étudier "in situ", c'est-à-dire avec un
potentiel électrique appliqué. L'approche par la simulation prend donc ici tout son sens. Les chercheurs ont ainsi pu réaliser des simulations sur des systèmes réels, comparables aux résultats des expériences !
Un nouveau code de calcul a été mis au point pour réaliser des simulations à potentiel électrique constant au sein des électrodes. En optimisant le parallélisme, il permet de réaliser les calculs sur des milliers de processeurs de supercalculateurs tels qu'OCCIGEN, un des plus gros calculateurs européens localisé à Montpellier.
Les résultats obtenus par les chercheurs sont sans ambiguïté: les simulations montrent que les différents évènements (désolvatation, adsorption sur les parois, diffusion d'un pore à l'autre) se déroulent à des échelles de temps très différentes, pouvant couvrir plusieurs ordres de grandeur. Ainsi, la désolvatation, qui a longtemps été vue comme un événement énergétiquement coûteux a, en réalité, une
cinétique très rapide, et n'est donc pas un facteur limitant pour la diffusion des ions dans les pores. Des expériences d'électrochimie ont ensuite été réalisées pour vérifier l'accord entre expérience et simulation: cet accord est pratiquement quantitatif sur la capacité de stockage et la résistivité du liquide dans les pores, une première !
Pour aller plus loin, les scientifiques vont maintenant tenter d'étendre le couplage des simulations et de l'électrochimie à d'autres techniques spectroscopiques pouvant être mises en œuvre in situ comme par exemple la RMN.
Note:
(*) Laboratoires membres du Réseau sur le stockage électrochimique de l'énergie
Pour plus d'information voir:
Clarisse Péan, Barbara Daffos, Benjamin Rotenberg, Pierre Levitz, Matthieu Haefele, Pierre-Louis Taberna, Patrice Simon & Mathieu Salanne
Confinement, desolvation, and electrosorption effects on the diffusion of ions in nanoporous carbon electrodes
Journal of the American Chemical Society 25 septembre 2015
DOI: 10.1021/jacs.5b07416