Les prés qui contiennent en abondance des plantes qui maximisent l'apport énergétique instantané sont davantage fréquentés par le bison.
Photo: Karine Dancose Les objectifs alimentaires du bison des plaines permettent de prédire comment il utilisera un nouvel habitat, démontrent des chercheurs du Département de
biologie.
Il en va de l'animal comme du consommateur: la connaissance intime de ses motivations peut servir à prédire son comportement dans un nouvel environnement. C'est la
leçon qui semble se dégager d'une étude publiée par une équipe de biologistes dans un récent numéro de la revue
scientifique Ecology. Jean-Sébastien Babin, Daniel Fortin et Marie-Ève Fortin, du Département de biologie et du Centre d'étude de la
forêt, et leur collègue de Parcs Canada, John Wilmshurst, en ont fait la
démonstration en étudiant le cas du
bison des plaines.
Les chercheurs se sont intéressés à la sélection d'habitats par le bison dans le parc national de Prince Albert et dans le parc national des Prairies, où cette espèce a été réintroduite en 1969 et en 2005 respectivement. La végétation de ces deux parcs diffère à un tel
point qu'il aurait été impossible de prédire, à partir des préférences alimentaires exprimées par le bison dans le parc de Prince Albert, quelles zones du parc des Prairies allaient être utilisées par ce grand
mammifère.
Pour tenter de comprendre pourquoi certains secteurs de chaque parc étaient prisés par les bisons au moment des repas, les chercheurs ont observé leurs comportements sur le terrain, ils ont suivi leurs déplacements à l'aide de colliers émetteurs et ils ont effectué des inventaires de végétation dans les zones d'alimentation. Les données recueillies dans le parc de Prince Albert leur ont permis de déduire que les bisons choisissaient des plantes qui leur procuraient le plus grand apport énergétique instantané, plutôt que le plus grand apport énergétique quotidien. Les prés qui contiennent en abondance des plantes qui maximisent l'apport énergétique instantané sont davantage fréquentés par le bison. La chose est également vraie à l'intérieur même d'un pré; les bisons se retrouvent surtout dans les secteurs où abondent les plantes qui maximisent la prise énergétique instantanée.
À l'aide des inventaires végétaux effectués dans le parc des Prairies et d'analyses du contenu énergétique des plantes qu'ils y ont trouvées, les chercheurs ont produit un modèle prédisant ce que devrait être la répartition du bison sur ce territoire. Résultat? La répartition spatiale du bison y épouse là aussi la répartition des plantes leur assurant le plus grand apport énergétique instantané.
Cette stratégie alimentaire, qui se fait au détriment d'un plus grand gain quotidien, peut sembler sous-optimale, mais elle traduit peut-être un compromis avec d'autres nécessités de la vie d'un bison, avancent les chercheurs. "En optant pour le gain instantané, les bisons peuvent consacrer plus de temps à d'autres activités comme se mettre à l'abri des prédateurs, des
insectes piqueurs ou des éléments", fait valoir Daniel Fortin.
La connaissance des motivations alimentaires d'un animal peut s'avérer fort utile pour prédire son comportement dans un nouvel environnement ou dans un environnement en mutation. "Par exemple, notre modèle permet de prédire comment le bison utilisera un nouvel habitat dans lequel on pense le réintroduire, explique le chercheur. Il permet aussi d'établir comment la répartition du bison évoluera en réponse aux perturbations des communautés végétales qui seront entraînées par les changements climatiques. Cette stratégie est applicable aux autres espèces. Il suffit de déterminer les motivations qui guident chacune d'elles."