Et si la clé de notre lutte contre la pollution plastique se trouvait dans l'intestin d'un insecte ?
Une récente découverte scientifique met en lumière une espèce de ver capable de dégrader le polystyrène, ouvrant la voie à des solutions inédites et écologiques pour gérer nos déchets plastiques.
a) Bloc de polystyrène avant consommation. b) Bloc de polystyrène après 30 jours, montrant trous et tunnels. c) Vers de farine nourris au polystyrène et au son. d) Vers de farine nourris exclusivement au polystyrène.
Le plastique, matériau miracle du XXe siècle, est devenu un fléau environnemental. Sa production annuelle serait de 500 millions de tonnes, et une grande partie termine son existence en décharge ou dans les océans. Le fameux "7ᵉ continent", immense amas de déchets flottant dans le Pacifique, illustre la gravité de la situation avec ses 1,6 million de kilomètres carrés de surface.
Parmi les plastiques les plus problématiques figure le polystyrène, un matériau omniprésent mais difficilement recyclable. Ses applications, allant des emballages alimentaires aux isolants, génèrent près de 20 millions de tonnes de déchets chaque année, souvent traités par des méthodes polluantes.
Des solutions biologiques commencent à émerger, et l'étude récente menée par l'ICIPE (Centre international de physiologie et d'écologie des insectes) au Kenya a révélé l'existence d'un ver de farine capable de décomposer le polystyrène grâce à son microbiote intestinal. Ce ver, une sous-espèce d'Alphitobius, pourrait devenir un acteur clé dans le recyclage durable.
Les chercheurs ont observé que ces vers digèrent le polystyrène plus efficacement lorsqu'ils bénéficient d'un régime mixte incluant des nutriments. Alimentés avec un mélange de son et de plastique, ils ont dégradé 11,7 % du polystyrène en un mois. À l'inverse, un régime plastique exclusif limite leur efficacité.
Le séquençage de leur microbiome a révélé des bactéries spécifiques, comme Klebsiella et Citrobacter, capables de produire des enzymes décomposant les polymères synthétiques. Ces bactéries pourraient être isolées pour un usage à grande échelle (il n'est évidemment pas question de disperser massivement des insectes pour lutter contre la pollution).
Cette découverte est particulièrement prometteuse pour les régions fortement touchées par la pollution plastique, comme l'Afrique, où les infrastructures de recyclage sont insuffisantes. Les conditions locales offrent des perspectives uniques pour adapter cette solution à des besoins régionaux.
Cependant, des défis subsistent. Il faudra déterminer si les enzymes des bactéries peuvent être produites en quantité industrielle et évaluer leur efficacité sur d'autres types de plastiques. Les impacts écologiques et sanitaires de cette méthode devront également être étudiés.
En combinant innovations biologiques et stratégies locales, les insectes pourraient bien devenir nos alliés dans la réduction des déchets plastiques, amorçant une nouvelle ère dans la gestion des polluants modernes.
Qu'est-ce que le polystyrène ?
Le polystyrène est un polymère synthétique fabriqué à partir de styrène, un hydrocarbure liquide dérivé du pétrole. Il est l'un des plastiques les plus courants en raison de son coût de production faible et de sa grande versatilité.
On le trouve sous deux formes principales: rigide et expansé. Le polystyrène rigide est utilisé pour des objets comme les couverts en plastique ou les boîtiers de CD, tandis que le polystyrène expansé (ou mousse) est utilisé pour l'emballage ou l'isolation thermique.
Ce matériau est apprécié pour sa légèreté, sa résistance mécanique et ses propriétés isolantes. Cependant, il est très difficile à recycler et met des centaines d'années à se décomposer dans la nature.
Sa durabilité pose un problème majeur de pollution, surtout dans les océans, où il s'accumule sous forme de microplastiques nocifs pour la faune marine.