La découverte de deux diamants provenant des profondeurs du manteau terrestre révèle une coexistence chimique que les scientifiques jugeaient jusqu'à maintenant inimaginable. Ces pierres précieuses, formées à plusieurs centaines de kilomètres sous la
surface, contiennent des inclusions minérales qui devraient normalement se neutraliser mutuellement.
Ces deux spécimens exceptionnels ont été extraits d'une mine sud-africaine et présentent la particularité de renfermer simultanément des carbonates riches en oxygène et des alliages de nickel pauvres en cet élément. En chimie, on qualifie ces états respectivement d'oxydé et de réduit, deux conditions qui s'opposent fondamentalement.
La présence conjointe de ces matériaux dans un même diamant a tellement surpris l'équipe de
recherche dirigée par Yaakov Weiss de l'
Université hébraïque de Jérusalem qu'ils ont mis les échantillons de côté pendant près d'une
année avant de reprendre leurs investigations.
Diamant provenant des profondeurs terrestres montrant des inclusions exceptionnelles
Crédit: Yael Kempe et Yakov Weiss
L'analyse approfondie a finalement démontré que ces inclusions ont été capturées au moment précis où les diamants se sont formés, entre les carbonates oxygénés et les métaux réduits du manteau.
Cette observation constitue la première preuve directe d'un tel mécanisme de formation dans la nature. Les chercheurs expliquent que cette réaction se produit probablement lorsque des fluides carbonatés sont entraînés en profondeur par le mouvement des plaques tectoniques, entrant ainsi en contact avec les alliages métalliques du manteau terrestre.
La profondeur d'origine de ces diamants, estimée entre 280 et 470 kilomètres, apporte des informations sur la composition chimique des couches profondes de notre planète. Les modèles théoriques prévoyaient une diminution progressive de l'oxygène disponible avec la profondeur, mais ces échantillons révèlent la présence de matériaux oxydés à des niveaux beaucoup plus profonds qu'anticipé. Cette découverte remet en question certaines hypothèses concernant l'origine des kimberlites, ces roches volcaniques qui transportent les diamants vers la surface.
Les inclusions riches en nickel pourraient également expliquer un phénomène énigmatique observé dans certains diamants: la présence occasionnelle d'atomes de nickel substituant des atomes de carbone dans la
structure cristalline. Maya Kopylova, professeure Ă l'
Université de Colombie-Britannique, souligne que cette substitution paraissait improbable étant donné la différence de masse entre ces éléments. La nouvelle étude suggère que cette particularité pourrait être la signature d'une formation à grande profondeur, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives de recherche.
La formation des diamants dans le manteau terrestre
Les diamants se forment dans des conditions extrêmes de température et de pression, typiquement entre 150 et 200 kilomètres de profondeur dans le manteau terrestre. Contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, ils ne proviennent pas du charbon mais de carbone pur soumis à des pressions colossales dépassant 50 000 fois la
pression atmosphérique normale.
Le processus de cristallisation peut prendre des millions d'années et se produit généralement dans des zones stables du manteau où les conditions restent constantes sur de longues périodes. Les diamants se forment soit par précipitation à partir de fluides riches en carbone, soit par transformation directe du graphite sous l'effet de la pression.
Ce qui rend les diamants si précieux pour les géologues, c'est leur capacité à piéger des minéraux environnants pendant leur formation. Ces inclusions préservent des échantillons intacts du manteau profond, offrant aux scientifiques des témoins directs de conditions autrement inaccessibles.
Les diamants remontent ensuite vers la surface grâce à des éruptions volcaniques rapides appelées éruptions kimberlitiques, qui peuvent les transporter de plusieurs centaines de kilomètres de profondeur en seulement quelques jours.