Des fourmis symbiotiques et leur plante-hôte carnivore

Publié par Michel le 30/05/2012 à 00:00
Source: CNRS-INEE
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Dans les zones inondées des forêts tropicales humides, l'azote est difficilement assimilable par les racines, la nutrition est un véritable défi pour les plantes. Certaines ont développé des adaptations qui leur permettent de retirer un bénéfice nutritionnel des insectes. C'est le cas des plantes carnivores et des plantes myrmécotrophes qui ont développé respectivement des relations antagonistes avec les insectes ou mutualistes avec les fourmis.

Nepenthes bicalcarata est une liane carnivore qui pousse dans les forêts tourbeuses et marécageuses de Bornéo et qui capture des insectes dans ses feuilles modifiées en urnes. Elle présente la particularité d'abriter dans sa vrille la fourmi Camponotus schmitzi qui obtient respectivement de son nectar et de ses proies un bénéfice glucidique et protéique. En revanche, le bénéfice que retire la plante de ce mutualisme potentiel n'avait pas été clairement élucidé. Des travaux récents de scientifiques de l'UMR AMAP à Montpellier suggéraient que ces fourmis aident la plante à capturer ses proies en attaquant en embuscade les insectes qui tombent dans l'urne. Mais comme les fourmis consomment une partie de ces proies, il leur restait à tester si au final la plante retirait un avantage nutritionnel de cette association.


© Vincent Bazile et Laurence Gaume
La photo du haut montre une reine de Camponotus schmitzi sur une urne de Nepenthes bicalcarata. On voit le
trou qu'elle a creusé dans la vrille pour établir son logement: la domatie.
La photo du bas montre l'intérieur d'une domatie habitée par une reine et son couvain.

Les travaux menés principalement par le doctorant Vincent Bazile et tout juste publiés dans PLoSone répondent à cette question. En utilisant les isotopes stables de l'azote, des mesures de la réflectance des feuilles, de l'herbivorie et de la biomasse en proies de la plante, les auteurs montrent que les fourmis contribuent à la nutrition azotée de leur plante-hôte dans une relation mutualiste à plusieurs facettes. Elles protègent les organes assimilateurs que sont les urnes et diminuent leur taux d'avortement provoqué en partie par un charançon. Elles augmentent le taux de capture d'insectes par urne. Enfin elles fournissent à la plante une part significative de l'azote des insectes capturés via leurs déchets et fèces déversés dans les urnes. Ainsi, les plantes occupées par les fourmis triplent leur surface foliaire et leur quantité d'azote par rapport aux plantes inoccupées.

Le rôle nutritif de la fourmi est d'autant plus crucial chez Nepenthes bicalcarata que les urnes sont dénuées des traits classiquement utilisés par les autres espèces de Nepenthes pour capturer et digérer leurs proies: une zone cireuse glissante et un fluide viscoélastique et corrosif. La fourmi agit donc à la fois comme organe de préhension principal et comme estomac de sa plante-hôte !


La photo du haut montre Alcidodes sp., le charançon qui s'attaque aux urnes en développement de Nepenthes
(deux individus sont en train de se nourrir et de copuler). En bas, les ouvrières de Camponotus. schmitzi consomment une grosse proie (une ouvrière de Camponotus gigas, la fourmi géante de Bornéo) qu'elles ont
tuée dans l'urne.


Référence:

A Carnivorous Plant Fed by its Ant Symbiont: a Unique Multi-Faceted Nutritional Mutualism - PLoS ONE 7(5): e36179. doi:10.1371/journal.pone.0036179, Vincent Bazile, Jonathan A. Moran, Gilles Le Moguédec, David J. Marshall and Laurence Gaume
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