En effectuant des mesures de masse des isotopes exotiques du calcium à l'aide d'un nouvel instrument auprès de l'installation Isolde du Cern, les chercheurs de la collaboration Isoltrap
(1), dont une équipe du Centre de sciences nucléaires et de sciences de la
matière - CSNSM (CNRS /
Université Paris Sud), ont établi un nouveau "
nombre magique" (32 neutrons) conférant aux noyaux exotiques une stabilité exceptionnelle. Ces résultats montrent en outre que l'étude des noyaux extrêmement riches en neutrons peut améliorer notre compréhension des forces nucléaires. Ils sont publiés le 20 juin dans la revue
Nature.
Un tel nombre magique de neutrons dans les isotopes de calcium comportant un nombre magique de protons (20) n'était pas prédit par le "modèle en couches", pour lequel Maria Goeppert-Mayer et Hans Jensen reçurent le prix Nobel en 1963, il y a
tout juste 50 ans. Dans ce modèle, les protons et les neutrons dans un noyau occupent des couches semblables à celles des électrons dans les
atomes. Les nombres magiques correspondent aux couches nucléaires complètes, dans lesquelles les nucléons sont les plus fortement liés entre eux.
L'équipe d'Isoltrap a utilisé l'installation Isolde au Cern pour produire des isotopes de calcium-52 et de calcium-54 et mesurer leurs masses: l'écart entre les énergies de liaison de ces deux noyaux, d'environ 4 MeV, a révélé un nouveau nombre magique de neutrons, N=32, en excellent accord avec des résultats spectroscopiques réalisés par une équipe de l'IN2P3/CNRS à Strasbourg publiés en 1985.
Ces mesures ont pu être effectuées grâce à l'intégration d'un nouveau type de dispositif permettant, à l'aide de deux miroirs électrostatiques séparés de 50 cm, de séparer les ions et de déterminer leur masse en mesurant leur temps de vol sur une distance de plusieurs
kilomètres.
Les résultats d'Isoltrap sont également en accord avec les prédictions d'une nouvelle théorie qui comprend des forces à trois corps
(2). La description des noyaux extrêmement riches en neutrons peut ainsi nous aider à mieux comprendre les mécanismes à l'origine des forces nucléaires.
Notes:
(1) Cern ; CSNSM/IN2P3-Université Paris Sud ; Université de Greifswald, GSI; Max Planck Institut fuer Kernphysik, Heidelberg; Université de Dresde.
(2) Université de Darmstadt ; GSI. Le calcium est la chaîne isotopique la plus lourde pour laquelle cette approche, basée sur une théorie du champ effectif de la chromodynamique quantique (la théorie qui décrit la force forte), a été utilisée.