De récents travaux conduits par des chercheurs du laboratoire Environnements et paléoenvironnements océaniques montrent que les périodes interglaciaires ne sont pas les seules à avoir connu de fortes moussons africaines. Le Sahara aurait également verdoyé au cours de l'avant dernière période glaciaire, entre - 180 000 et - 170 000 ans, avant de retourner brutalement, en un siècle, au type de climat que nous lui connaissons aujourd'hui.
De nombreuses recherches ont depuis longtemps révélé qu'avant d'être un désert aride, le Sahara avait été largement irrigué au cours d'une période baptisée "période africaine humide", entre - 14 500 et - 5 500 ans. Cette période climatique, qui correspond au début de la période interglaciaire dans laquelle nous vivons, présentait effectivement un ensoleillement suffisant pour déclencher de fortes moussons sur le nord du continent africain.
Migration de la zone de convergence intertropicale (ligne noire) entre les deux sous-stades glaciaires MIS 6.5 et MIS 6.4, et ses conséquences atmosphériques [force des vents alizés (Trade wind) et Saharien (SAL)] et océaniques (développement de cellules d'upwellings côté Atlantique durant la MIS 6.4 et côté Pacifique durant la MIS 6.5, en gris foncé) Les lignes pointillées indiquent les positions moyennes actuelles d'été et d'hiver de l'ITCZ.
Le climat de la partie sud du Sahara dépend notamment de la position de la zone de convergence intertropicale ou ITCZ (1). Ce front atmosphérique, le fameux "pot au noir" des navigateurs, concentre en effet beaucoup d'humidité et peut donc y déclencher des pluies d'été lorsqu'il remonte assez loin vers le nord. Il agit aussi sur la force et la direction des vents en provenance du continent, entraînant des modifications de la circulation océanique côtière. Ainsi, lorsqu'il est en position hivernale, il induit une accentuation des alizés, provoquant des upwellings coté Atlantique, c'est-à-dire des remontées d'eaux profondes, froides et riches en nutriments, avec pour conséquence directe une explosion de la productivité primaire en surface et donc une multiplication des organismes marins que l'on retrouve par la suite dans les sédiments marins. En été, c'est l'inverse qui se produit: la réduction des vents diminue l'activité des upwellings côtiers, réduisant ainsi la quantité de matière produite en surface. Le phénomène est inversé du coté de l'océan Indien.
Des chercheurs du laboratoire Environnements et paléoenvironnements océaniques (EPOC, Université Bordeaux 1 / CNRS / École pratique des hautes études Paris) ont conduit une analyse faunistique et géochimique de sédiments marins prélevés au large de la Mauritanie à l'aide du carottier du Marion Dufresne dans le cadre du programme IMAGES.
Ils ont ainsi pu mettre en évidence une réduction importante des upwellings ainsi qu'une diminution des vents (absence de grains de quartz éoliens dans les couches sédimentaires correspondantes) au cours de l'avant-dernière période glaciaire, entre - 180 000 et - 170 000 ans (sous-stade glaciaire MIS 6.5). Ces deux observations tendent à indiquer que l'ITCZ aurait migré pour se positionner sous ces latitudes nord durant toute cette période. Il est donc probable que pendant environ 10 000 ans, un fort climat de mousson se soit installé au nord du continent africain, irriguant abondamment le Sahara.
La seconde information surprenante est la vitesse à laquelle les conditions climatiques semblent avoir changé par la suite. En effet, l'apparition brutale de grains de quartz éoliens et les estimations de la température et de la productivité des eaux de surface témoignent d'une migration vers le sud de l'ITCZ à l'échelle du siècle, laquelle aurait replongé le Sahara dans un climat sec et aride pour le reste de l'avant-dernière période glaciaire, entre - 170 000 et - 15 500 ans (sous-stade MIS 6.4).
Note:
(1) On appelle zone de convergence intertropicale l'ensemble des régions de basses pressions vers lesquelles convergent les masses d'air chaudes et humides amenées des tropiques par les alizés et qui entourent la Terre près de l'équateur formant une sorte de ceinture de quelques centaines de kilomètres de large. Les oscillations de cette zone de part et d'autre de l'équateur, vers le sud en hiver et le nord en été, ont un impact sur les précipitations, notamment en Afrique équatoriale.