Vue microscopique de cellules humaines infectées par le HHV-6. Le virus intègre parfois son ADN aux chromosomes des cellules sexuelles de l'hôte. Il est alors transmis aux descendants comme s'il s'agissait de gènes humains.
Les personnes dont les chromosomes renferment le génome du virus de la roséole courent trois fois plus de risques de souffrir d'angine de poitrine. C'est ce que révèle une étude publiée dans la dernière édition des Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) par des chercheurs de la Faculté de médecine de l'Université Laval et de l'Université de Washington.
La roséole est une maladie infantile bénigne causée par l'herpèsvirus HHV-6. Elle se caractérise par une poussée de fièvre et une éruption de boutons qui s'estompent après quelques jours. Une fois l'infection résorbée, le virus ne disparaît pas du corps pour autant. Il se réfugie à l'intérieur des cellules où il entre en latence. Dans un faible pourcentage des cas, l'ADN du virus s'intègre aux chromosomes, incluant ceux des ovules ou des spermatozoïdes.
"Lorsque ça se produit, le matériel génétique du virus peut être transmis comme s'il s'agissait de gènes humains, souligne le responsable de l'étude, Louis Flamand, professeur à la Faculté de médecine et chercheur au CHU de Québec-Université Laval. Les enfants se retrouvent alors avec une copie du génome du HHV-6 dans toutes les cellules de leur corps. Cette situation touche entre 0,5 et 1% de la population mondiale et nous avons voulu savoir si la présence de ce matériel génétique viral dans le génome augmentait le risque de souffrir de certaines maladies."
Pour ce faire, les chercheurs ont analysé des échantillons biologiques et des informations sur la santé et les habitudes de vie de 19 797 personnes recrutées dans le cadre de CARTaGENE. Leurs analyses ont révélé que l'ADN du HHV-6 était intégré aux chromosomes de 113 d'entre elles, soit 0,6% de l'échantillon. Un recoupement avec les informations sur la santé de ces personnes a permis d'établir que, parmi les 50 maladies chroniques étudiées, une seule est plus fréquente chez les gens dont le génome contient l'ADN du virus, soit l'angine de poitrine dont le risque triple.
Le lien entre l'angine et le HHV-6 n'est pas clair pour l'instant, reconnaît le professeur Flamand. On sait que le virus intègre toujours son matériel génétique dans les télomères, les régions situées à l'extrémité des chromosomes, et qu'un mauvais fonctionnement des télomères réduit la survie cellulaire à long terme et augmente, entre autres, le risque de maladies cardiaques. En mesurant la longueur des télomères chez les sujets de leur échantillon, les chercheurs ont d'ailleurs constaté qu'ils étaient plus courts de 24% chez les personnes souffrant d'angine qui avaient le HHV-6 dans leurs chromosomes que chez les sujets sans angine et sans HHV-6. "Ce raccourcissement des télomères pourrait être associé à une sénescence prématurée des cellules qui tapissent la paroi interne des vaisseaux sanguins et entraîner une réaction inflammatoire chronique pouvant conduire à l'angine de poitrine", avance le chercheur.
La détection du HHV-6 intégré aux chromosomes humains est simple à réaliser, soutient Louis Flamand. "On pourrait facilement dépister le problème à la naissance, comme on le fait pour les maladies héréditaires, et assurer un suivi médical plus étroit aux personnes dont les chromosomes renferment ce virus."
Outre Louis Flamand, les autres auteurs de l'étude parue dans PNAS sont Annie Gravel, Isabelle Dubuc et Guillaume Morissette, du Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval, et Ruth Sedlak et Keith Jerome, de l'Université de Washington.