L'ovocyte, au centre, reçoit de l'ARN (les points verts) en provenance des cellules qui l'entourent. Ce transfert est fait par l'intermédiaire des projections transzonales, les minces filaments rouges qui traversent la zone sombre.
Une équipe de chercheurs vient de faire tomber un dogme de la biologie de la reproduction chez les mammifères. En effet, contrairement à ce l'on croyait, l'ovocyte - le précurseur de l'ovule - reçoit du matériel génétique des cellules qui l'entourent pendant son développement. "Nous pensons même qu'une défaillance de ce mécanisme de transfert pourrait être la cause de certaines formes d'infertilité", avance le responsable de l'étude, Claude Robert, du Département des sciences animales et du Centre de recherche en biologie de la reproduction (CRBR).
Rappelons que les ovocytes sont formés dans l'ovaire pendant le développement intra-utérin. Après plusieurs années de latence, un petit pourcentage d'entre eux se développeront en ovules à partir de la puberté jusqu'à la ménopause. "Chez les mammifères, on considérait que l'ovocyte dépendait uniquement du matériel génétique qu'il contenait au moment de sa formation pour assurer son développement. Notre étude prouve le contraire", souligne le professeur Robert.
Dans un récent numéro de la revue Biology of Reproduction, le chercheur et ses collaborateurs démontrent que les cellules qui entourent l'ovocyte lui transfèrent de l'ARN en quantité. Ce transfert d'ARN se fait par l'intermédiaire de structures appelées projections transzonales, de fins prolongements des cellules entourant l'ovocyte qui viennent s'accoler à sa membrane. "L'existence de ces structures était connue, mais comme elles se terminent en cul-de-sac, on croyait qu'elles ne servaient qu'à transférer de petites molécules", commente Claude Robert.
En faisant appel à des techniques de marquage moléculaire, les chercheurs ont réussi à prouver que l'ARN provenant des cellules qui entourent l'ovocyte se trouve dans les projections transzonales et à l'intérieur de l'ovocyte avec lequel elles communiquent. "Une partie de ce matériel est de l'ARN messager. On peut penser qu'il sert à produire des protéines dans l'ovocyte", ajoute-t-il.
Ce transfert d'ARN pourrait avoir une incidence sur la fertilité féminine. Les conditions environnementales dans lesquelles se trouve la mère, notamment son état nutritionnel, exercent une influence sur la production d'ARN messagers dans ses cellules somatiques, et conséquemment sur les ARN qui sont transférés à l'ovocyte. "Lorsqu'une femme est infertile, le problème ne vient donc pas nécessairement de l'ovocyte. Il est peut-être causé par le fait que les cellules qui l'entourent ne lui fournissent pas le matériel nécessaire à son bon développement", avance le chercheur.
L'étude publiée dans Biology of Reproduction est signée par Angus Macaulay, Isabelle Gilbert, Julieta Caballero, Éric Fournier, Prudencio Tossou, Marc-André Sirard, François Richard et Claude Robert, du Département des sciences animales et du CRBR, Édouard Khandjian, de la Faculté de médecine, Rodrigo Barreto, de l'Université de São Paulo, Hugh Clarke, de l'Université McGill, et Poul Hyttel, de l'Université de Copenhague.
Pour plus d'information voir l'étude (en anglais): "The Gametic Synapse: RNA Transfer to the Bovine Oocyte" http://www.biolreprod.org/content/91/4/90.abstract?sid=9d792a4a-3c64-4eaa-a37b-b8c4b0acfa20