Il y a 30 millions d'années, un carnivore redoutable parcourait les forêts luxuriantes de l'Égypte actuelle. Une découverte récente dans le désert de Fayoum révèle les secrets de ce prédateur méconnu, offrant un nouvel éclairage sur l'évolution des mammifères carnivores en Afrique.
Carte de localisation, colonne stratigraphique et reconstitution de Bastetodon syrtos. A) Carte de l'Égypte indiquant la localisation de la dépression de Fayoum (rectangle). B) Carte de la zone de Jebel Qatrani montrant la répartition des carrières de fossiles de vertébrés et leurs âges. C) Colonne stratigraphique de la région de Jebel Qatrani. D) Reconstitution de la tête et du cou du nouveau genre (Illustration par Ahmed Morsi). Abréviations: Fm., Formation ; Mya, millions d'années.
Cette trouvaille, réalisée par une équipe de paléontologues égyptiens et internationaux, met en lumière un animal intriguant: le Bastetodon syrtos. Ce prédateur, de la taille d'un léopard, appartenait à un groupe aujourd'hui disparu, les hyénodontes, qui dominaient les écosystèmes bien avant l'apparition des carnivores modernes.
Un carnivore redoutable dans un monde disparu
Le Bastetodon syrtos vécut il y a environ 30 millions d'années dans une région qui, bien que désormais aride, était à l'époque couverte d'une forêt dense et humide. Ce milieu luxuriant offrait un habitat riche en proies et en cachettes, favorisant l'essor de nombreux prédateurs spécialisés. Avec un poids avoisinant les 27 kg, ce mammifère carnivore se distinguait par sa silhouette élancée et sa musculature puissante, adaptée à la traque et à l'attaque de proies variées.
Ses mâchoires robustes, garnies de dents tranchantes, témoignent de son régime hypercarnivore. Il s'attaquait probablement à des animaux de taille moyenne, tels que des primates arboricoles, des hippopotames primitifs, des éléphants ancestraux et des damans. Son mode de chasse reste hypothétique, mais sa morphologie suggère un prédateur rapide et opportuniste, capable de poursuites au sol et peut-être même d'embuscades. Son adaptation à cet écosystème foisonnant lui conférait un rôle clé dans la régulation des populations de proies.
Membre des hyénodontes, un groupe de carnivores ayant émergé après l'extinction des dinosaures, Bastetodon faisait partie d'une lignée qui domina les écosystèmes africains avant de s'étendre en Asie, en Europe et en Amérique du Nord.
Ces prédateurs ont régné pendant des millions d'années, jusqu'à leur déclin il y a environ 18 millions d'années. Ce déclin coïncide avec des bouleversements climatiques et l'apparition de nouveaux compétiteurs, notamment les premiers représentants des félins et des hyènes, qui finirent par supplanter les hyénodonte dans de nombreux écosystèmes.
Une découverte fortuite et riche en enseignements
Le crâne presque complet de Bastetodon a été mis au jour dans la formation géologique de Jebel Qatrani, au cœur du désert de Fayoum. Cette région, autrefois recouverte de vastes marécages et de forêts tropicales, est aujourd'hui un site incontournable pour la paléontologie. Riche en fossiles, elle livre progressivement les secrets d'un écosystème disparu, offrant des indices précieux sur la faune qui peuplait l'Afrique il y a plusieurs dizaines de millions d'années.
La découverte de Bastetodon est le fruit du travail d'une équipe dirigée par Shorouq Al-Ashqar, qui, lors de fouilles minutieuses, a repéré des dents saillantes émergeant du sol. Ce détail a mené à la mise au jour d'un spécimen exceptionnellement bien conservé, fournissant de nouvelles données sur l'anatomie et le mode de vie des hyénodontes. L'étude du crâne révèle notamment des adaptations spécifiques à la prédation, renforçant l'hypothèse d'un carnivore puissant et redoutable.
Au-delà de l'intérêt propre à Bastetodon, cette trouvaille a conduit à une réévaluation d'un autre groupe d'hyénodontes, les Sekhmetops, découverts il y a plus de 120 ans. Les analyses récentes ont confirmé que ces prédateurs, initialement cantonnés à l'Afrique, ont migré vers d'autres continents au fil du temps. Ces résultats mettent en lumière l'importance du Fayoum dans la compréhension de l'évolution des mammifères africains et de leur rôle dans la dynamique des écosystèmes préhistoriques.