Une drosophile résiste aux attaques avec une stratégie de médication

Publié par Adrien le 17/05/2017 à 00:00
Source: CNRS-INEE
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Originaire d'Asie du Sud-Est, Drosophila suzukii est devenue en l'espace de quelques années un ravageur majeur des cultures fruitières dans plusieurs pays du globe. En Europe et aux Etats-Unis, les méthodes de lutte biologique basées sur l'utilisation de guêpes parasitoïdes contre cette petite mouche se sont révélées jusqu'ici inefficaces. Des chercheurs du Laboratoire de Biométrie et Biologie Evolutive (LBBE, CNRS / Université Claude Bernard Lyon 1 / VetAgro Sup) de Villeurbanne et de l'Unité Ecologie et Dynamiques des Systèmes Anthropisés (EDYSAN, CNRS / Université de Picardie Jules Verne) d'Amiens, viennent de découvrir l'un des moyens de résistance de D. suzukii contre les attaques des parasitoïdes. Dans une étude publiée dans Scientific Reports, ces chercheurs ont montré que des femelles D. suzukii déposaient leurs oeufs sur une plante diffusant un insecticide naturel afin d'offrir une meilleure protection de leur progéniture face aux parasitoïdes. Cette stratégie de médication transgénérationnelle pourrait expliquer en partie le succès de l'invasion de l'espèce en Europe.

Arrivée en Europe il y a un peu moins de 10 ans, Drosophila suzukii y cause aujourd'hui des dégâts importants sur plusieurs cultures de fruits rouges telles que les fraises, les cerises et les raisins plus récemment. A la différence des drosophiles autochtones attirées par les fruits pourris ou fermentés, la femelle de D. suzukii attaque les fruits frais et mûrs en mettant à contribution la grande rigidité de son ovipositeur pour pondre ses oeufs sous le tégument des fruits. Une fois écloses, les larves se développent à l'intérieur des fruits en se nourrissant de leur chair, réduisant ainsi à néant leur valeur commerciale. S'appuyant sur l'utilisation de guêpes parasitoïdes, les ennemis naturels de ces mouches des fruits, les méthodes de lutte biologique contre cette espèce invasive se sont pour l'heure révélées inefficaces. En tentant d'identifier le réservoir naturel de D. suzukii chez les plantes sauvages de France, une équipe constituée d'universitaires et de chercheurs du CNRS a sans doute découvert l'une des raisons de cet échec. Parmi la soixantaine de baies sauvages analysées, les scientifiques ont eu la surprise de trouver des larves de D. suzukii dans les baies de belladone. Or, les fruits de cette plante contiennent de l'atropine, une substance toxique pour les insectes. "Partant du constat qu'un comportement d'automédication visant à prévenir les attaques de guêpes parasitoïdes par l'absorption d'éthanol a déjà été identifié chez une autre espèce de drosophile, nous avons voulu vérifier si D. suzukii utilisait l'atropine avec des conséquences similaires ", précise Emmanuel Desouhant, professeur au Laboratoire de Biométrie et Biologie Evolutive (LBBE) et cosignataire de l'article.

Les chercheurs ont alors testé l'effet protecteur de l'atropine sur des larves de D. suzukii en laboratoire. Pour cela, ils ont placé une première population de larves sur un milieu enrichi en atropine et une seconde population sur un milieu témoin dépourvu de cette substance. En confrontant chacun de ces groupes de larves à des guêpes parasitoïdes, l'équipe s'est aperçue que les individus qui s'étaient développés en présence d'atropine résistaient davantage aux attaques de leurs ennemis naturels. Les scientifiques ont ensuite voulu vérifier si la présence de parasitoïdes avait une quelconque influence sur la stratégie de ponte des femelles D. suzukii. De manière surprenante, ils se sont rendu compte que les femelles déposaient préférentiellement leurs oeufs sur un milieu contenant de l'atropine dès lors que des parasitoïdes étaient présents. "Bien que le développement des larves de D. suzukii au contact de cette substance entomotoxique ait un coût, celle-ci ayant pour effet de rallonger la durée de développement des larves ce qui augmente la probabilité qu'elles soient parasitées par une guêpe, ce risque est compensé par un taux de survie plus élevé lorsque ce parasitisme survient en présence d'atropine ", souligne Patricia Gibert, coauteure de l'étude et directrice de recherche au CNRS. L'ensemble de ces résultats révèle ainsi l'existence d'une forme de médication transgénérationnelle chez cette espèce de drosophile invasive. Cette stratégie constitue certainement l'un des facteurs pour expliquer le succès de l'invasion de cette petite mouche en France et dans d'autres pays européens.
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