Mars: la planète qui a perdu un océan d'eau

Publié par Adrien,
Source: ESOAutres langues:
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Les résultats d'une nouvelle étude publiée ce jour tendent à montrer que la planète Mars était dotée d'un océan primitif de volume supérieur à celui de l'Océan Arctique et recouvrait, proportionnellement, une surface bien plus étendue que celle de l'Océan Atlantique sur Terre. Une équipe internationale de scientifiques a utilisé le Très Grand Télescope de l'ESO ainsi que divers instruments installés à l'Observatoire W.M. Keck, sans oublier le Télescope Infrarouge de la NASA, pour surveiller, six années durant, l'atmosphère de la planète rouge, et cartographier les propriétés de la molécule d'eau en différentes zones de son atmosphère. Ces nouvelles cartes sont les toutes premières de leur genre. Elles figurent dans un article paru dans l'édition en ligne de la revue Science.


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Voici quelque quatre milliards d'années, la toute jeune planète aurait renfermé suffisamment d'eau liquide pour que l'intégralité de sa surface en soit couverte, sur une hauteur d'environ 140 mètres. Il semble plus probable toutefois que l'eau liquide se soit constituée en un océan couvrant près de la moitié de l'hémisphère nord de la planète. En certaines régions, la profondeur de cet océan pouvait dépasser 1,6 kilomètre.

"Notre étude fournit une estimation solide de la quantité d'eau jadis présente sur Mars, déduite de celle perdue dans l'espace" indique Geronimo Villanueva, un scientifique travaillant au Goddard Space Flight Center de la NASA à Greenbelt dans le Maryland, Etats-Unis, et auteur principal de cette nouvelle étude. "Grâce à ce travail, nous sommes en mesure de mieux comprendre l'histoire de l'eau sur Mars".

Cette nouvelle estimation a été déduite des observations détaillées de deux isotopes de l'eau présents dans l'atmosphère martienne. L'un de ces isotopes est H2O, constitué de deux atomes d'hydrogène et d'un atome d'oxygène. L'autre est HDO, une eau semi-lourde présente à l'état naturel, qui diffère de la molécule d'eau classique H2O par la figuration d'un atome de deutérium, plus lourd que l'hydrogène, en lieu et place de l'un des deux atomes d'hydrogène.

La forme deutérée est caractérisée par une masse supérieure à celle de la molécule d'eau classique. Sa tendance à l'évaporation est donc moindre. Ainsi donc, le taux d'échappement de l'eau de la planète peut se mesurer au rapport HDO / H2O qui caractérise l'eau restante (1).

Les chercheurs sont parvenus à distinguer les signatures chimiques des deux isotopes de l'eau grâce au Très Grand Télescope de l'ESO au Chili, ainsi qu'au moyen d'instruments installés à l'Observatoire W.M. Keck, sans oublier le Télescope Infrarouge de la NASA à Hawaï (2). En comparant le ratio HDO / H2O, les scientifiques peuvent estimer l'augmentation de la quantité de HDO et déterminer la quantité d'eau échappée dans l'espace. Ils peuvent également en déduire la quantité d'eau initialement présente sur Mars.

Au cours de cette étude, l'équipe a cartographié la distribution de H2O et de HDO. Et ce, à différentes reprises au cours de six années terrestres - qui correspondent à environ trois années martiennes. Elle a ainsi produit des instantanés globaux de leurs distributions respectives, ainsi que de leur ratio. Les cartes obtenues révèlent l'existence de variations saisonnières ainsi que de microclimats, bien que Mars s'apparente davantage aujourd'hui à un désert.

L'équipe s'est plus particulièrement intéressée aux régions situées à la lisière des pôles nord et sud, parce que les calottes de glace polaire constituent les plus vastes réservoirs d'eau connus. L'eau qui y est emprisonnée permet de retracer l'évolution de l'eau sur Mars depuis la période humide du Noachien qui s'est achevée il y a 3,7 milliards d'années.

Les résultats nouvellement obtenus indiquent que la quantité d'eau lourde présente dans l'atmosphère située à proximité des régions polaires a augmenté d'un facteur 7 en comparaison de l'eau des océans terrestres, ce qui implique que l'eau des calottes polaires martiennes s'est enrichie d'un facteur 8. Le taux d'enrichissement à partir de ces cartes implique que Mars a perdu un volume d'eau 6,5 fois plus important que celui actuellement stocké au sein des calottes polaires. Le volume de l'océan primitif martien était donc très certainement supérieur à 20 millions de kilomètres cubes.

Au vu de l'actuelle surface de Mars, il est probable que cette eau ait recouvert les Plaines du Nord, caractérisées par une faible élévation. L'océan primitif aurait ainsi recouvert 19% de la surface totale de la planète - ce qui est supérieur aux 17% de la surface terrestre qu'occupe actuellement l'Océan Atlantique.

"Si la planète Mars a effectivement perdu cette quantité d'eau, il est fort probable qu'elle soit demeurée humide, et donc habitable, durant une période plus longue qu'estimée auparavant" conclut Michael Mumma, scientifique en chef au Centre Goddard et second auteur de l'article.

Il est possible que Mars ait renfermé une quantité d'eau bien plus importante encore, dont une partie subsisterait sous la surface. Les nouvelles cartes révèlent l'existence de microclimats et de variations de quantités d'eau atmosphérique au fil du temps. Elles pourraient également s'avérer utiles dans la recherche d'eau souterraine.

Notes

(1) Dans les océans terrestres, il y a environ 3200 molécules de H2O pour une molécule de HDO.

(2) Les sondes martiennes qui parcourent la surface de la planète et celles qui sont en orbite autour sont en mesure d'acquérir des données in situ bien plus détaillées. Toutefois, elles ne permettent pas de sonder les propriétés de l'atmosphère martienne dans son intégralité. L'utilisation de spectromètres infrarouges installés sur de grands télescopes terrestres se révèle plus appropriée.
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