En 2009, Juan Martin-Coello et al., firent une étude afin de déterminer l’impact de la compétition spermatique sur le phénomène de spéciation chez les espèces très proches. Ils remarquèrent que quels que soient les croisements effectués, les spermatozoïdes intraspécifiques avaient toujours le meilleur taux de fertilisation. Cependant, dans le cas de croisements interspécifiques, les spermatozoïdes issus de mâles d’une espèce ayant une forte compétitivité spermatique s’avéraient capables de féconder les ovules d’une femelle d’une autre espèce proche avec succès. Alors qu’un mâle d’une espèce à faible compétitivité spermatique ne pouvait féconder les ovules d’une femelle d’une autre espèce qu’avec peu de succès.
Par ailleurs, ils firent une découverte intéressante selon laquelle les femelles appartenant à une espèce possédant une forte compétition spermatique, développaient des ovules « résistants », autrement dit, plus difficiles à féconder. Il s’avère donc que la compétition spermatique n’agit pas uniquement sur les caractéristiques et performances du sperme, mais également sur celles de l’ovule. Ceci donnant lieux à des asymétries entre les espèces proches parentes, diminuant les succès de fécondation dans le cas de croisements interspécifiques. Ce phénomène peut donc avoir un rôle intéressant de renforcement de la spéciation.
Si les stratégies d’assurance de la paternité augmentent le succès reproducteur des mâles, elles ne sont pas exemptes de certains coûts pour les individus. Par exemple, l’extravagance de certains traits morphologiques chez les mâles peut aller à l’encontre de sa propre survie, en augmentant les risques de prédations et peut s’avérer coûteux en énergie. De même, les combats, offrandes, et autres parades sont des stratégies hautement coûteuses pour le mâle. D’une manière générale, les stratégies d’assurance de la paternité consistant à garder la femelle après l’accouplement exercent chez le mâle les effets négatifs suivants : perte de temps (réduction des opportunités de rencontrer de nouvelles partenaires) ; risque de blessures lors des combats pour éloigner les rivaux ; augmentation du risque de prédation en étant plus visible, moins attentif ou moins mobile. De plus, chez les espèces territoriales, les mâles doivent établir un compromis entre la défense de leur territoire et la protection de leurs spermatozoïdes.
Mais au-delà du simple coût chez les mâles, les stratégies de compétition spermatique peuvent s’avérer également coûteuses pour les deux sexes. Un mécanisme tel que les bouchons copulatoires, par exemple, présente un désavantage pour la femelle, mais également pour le mâle. En effet, la femelle ne pourra être inséminée que par un seul mâle et aura dès lors une descendance monopaternelle donc une diversité génétique réduite avec également le risque de ne pas avoir tous ses ovules fécondés; à moins qu’un second accouplement n’ait lieu avant que le bouchon ne soit solidifié. Quant au mâle, il ne pourra plus s’accoupler avec cette femelle. Par contre, il le pourra avec d’autres femelles, à condition qu’elles soient vierges.
Les autres processus visant à empêcher la femelle de se reproduire à nouveau (tels que les offrandes, la garde par le mâle ou les substances anti-aphrodisiaques qui lui sont déposées) la pénalisent de la même façon que le bouchon copulatoire.
En bref, mâles et femelles se retrouvent dans un conflit d’intérêt. Le mâle cherche à maximiser sa paternité en contraignant la femelle, et la femelle cherche à augmenter la diversité des spermes qu’elle peut contenir afin de choisir le meilleur partenaire. Or une adaptation qui diminue la valeur adaptative d’un individus amène à la coévolution d’une contre adaptation. On se retrouve donc dans un cas typique de coévolution des caractères autour de cette compétition spermatique. Chez les femelles, la sélection sexuelle a entraîné l’évolution de stratégies pour pallier les effets négatifs des adaptations des mâles (résistance physique à l’accouplement, rejet du mâle, choix copulatoire, retrait du bouchon copulatoire, etc.). À l’échelle d’une espèce, les stratégies observées consistent donc en un compromis entre les stratégies adaptatives des mâles et des femelles, qui ne maximise pas le succès reproducteur de chaque sexe mais qui optimise le succès reproducteur global de l’espèce. Le compromis adopté découle du rapport optimal entre les coûts et/ou les risques associés à ces stratégies encourus par les individus des deux sexes, et le (les) bénéfice(s) résultants pour la valeur adaptative de l’espèce. Une stratégie persistera donc dans une population si le bénéfice qu’elle confère aux individus est, en moyenne, supérieur au bénéfice associé à d’autres stratégies alternatives.