Les fantastiques perspectives ouvertes par ces travaux ont conduit de très nombreux laboratoires à étudier ce mécanisme. On en a maintenant élucidé le principe général. Les ARN double brins présents dans une cellule sont tout d'abord pris en charge par une ribonucléase de type III appelée Dicer, l'« éminceuse ». Celle-ci clive l'ARN double brin toutes les 21 à 25 paires de bases. Dicer transfère alors les siRNA à un gros complexe multiprotéique, le complexe RISC (RNA-Induced Silencing Complex). Un des brins du siRNA, dit passager, est éliminé tandis que l'autre (appelé « guide ») dirige le complexe RISC vers les ARNm possédant une séquence complémentaire au brin guide. Si la complémentarité entre le siRNA et l'ARNm cible est parfaite, le complexe RISC clive l'ARNm cible qui est alors dégradé et n'est donc plus traduit en protéine. Quelques bases non complémentaires suffisent pour empêcher le clivage. Ce mécanisme est donc très spécifique de la séquence du siRNA et de sa cible, l'ARNm. Dans certains cas, on peut choisir un siRNA capable de cliver un ARNm porteur d'une mutation ponctuelle sans affecter l'ARNm sauvage.
L'ARN interférence permet d'étudier la fonction des gènes, ouvre des perspectives thérapeutiques importantes et a de plus ouvert un immense champ de recherche sur les petits ARN dits non codants. On sait aujourd'hui que 2% seulement de notre ADN est codant, c’est-à-dire qu'il contient les informations permettant de déterminer l'ordre des acides aminés dans une protéine. On connaissait la fonction de certaines régions non codantes de l'ADN comme les télomères aux extrémités des chromosomes, les centromères et les séquences permettant de réguler la transcription du gène (promoteur et enhancers). Les techniques utilisées pour identifier les ARN transcrits à partir de l'ADN avaient volontairement éliminé les petits ARN considérés comme des produits de dégradation ou des éléments peu intéressants. Cette vision de l'organisation de notre génome est en train de changer profondément.
L'identification des siRNA, produits de clivage d'ARN plus longs par Dicer, a permis de montrer que la machinerie de l'interférence ARN est présente dans toutes nos cellules et qu'elle sert à réguler très finement l'expression de notre génome. Les effecteurs naturels sont des petits ARN de structure voisine des siRNA qui ont été appelés micro-ARN ou miRNA. Ces miRNA, qui font une vingtaine de nucléotides, sont transcrits à partir de notre ADN, pris en charge par la machinerie siRNA et reconnaissent des ARN messagers cellulaires dont ils inhibent l'expression. Le mécanisme d'inhibition peut être soit dû à un clivage de l'ARNm, comme dans le cas des siRNA, ou à un blocage de la traduction des ARNm en protéines. Plus de 400 miRNA, de séquences différentes, ont été identifiés fin 2006 et on considère qu'ils régulent probablement plus de 10% des gènes. Un ARNm peut lier plusieurs miRNA et réciproquement un miRNA peut se lier à différents ARNm.
L'histoire récente des ARN interférents montre à quel point il est impossible de prévoir le cheminement des découvertes et de programmer la recherche. L'observation faite sur les Pétunias a conduit en très peu de temps à la mise à jour de mécanismes extrêmement fondamentaux du contrôle de l'expression génique, si fondamentaux qu'ils ont été conservés depuis les Plantes jusqu'aux aux Nématodes, à la Drosophile et aux Mammifères. Cette découverte fortuite a permis de développer les siRNA, puissants outils pour disséquer la fonction des gènes, et pour demain en corriger l'expression pathologique. De nombreux chercheurs s'accordent à dire que l'ARN interférence est l'outil qui révolutionne la pratique du chercheur au même titre que la réaction de polymérisation en chaîne ou PCR a révolutionné en son temps l'étude de l'ADN.