La Charte de Grenoble est la charte fondatrice du syndicalisme étudiant. Elle a été établie par l'UNEF, lors de son Congrès de Grenoble en 1946, au sortir de la Seconde Guerre mondiale et de la Résistance.
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale certains étudiants, souvent liés à la Résistance désirent faire évoluer l’UNEF. Ils veulent rompre avec l’apolitisme et le corporatisme qui avaient amené à des comportements ambigus face à l'occupant pendant la guerre. Ils souhaitent donc transformer leur association en un véritable syndicat étudiant. Paul Bouchet, président de l’AGE de Lyon, l’un des principaux rédacteurs de la charte déclare « Nous ne voulions plus de corporatisme étudiant. Nous donnions comme but à l’UNEF de jouer le rôle d’avant-garde de la jeunesse d’un point de vue social ». Ils décident donc d’imiter la CGT qui s’était donnée un texte de référence en 1906 : la Charte d'Amiens. La charte du syndicalisme étudiant elle, se discute en 1946 à Grenoble lors du congrès de l’UNEF, d’où son nom « Charte de Grenoble ».
Pour faire passer leur message à l’ensemble du congrès, les rédacteurs de la Charte, souvent d’anciens résistants, s’appuient sur l’élan de la Libération et la mise en œuvre du programme du Conseil national de la Résistance. Ils mettent également en avant les efforts sociaux de l’UNEF dans l’entre deux guerre. À cette époque, l’UNEF avait créé le sanatorium des étudiants de France, elle avait aussi participé à la fondation du Comité supérieur des œuvres sociales (ancêtre des CROUS/CNOUS).
Ils proposent donc l’adoption d’un texte court définissant le statut social de l’étudiant et exposant les droits et les devoirs qui en découlent. Le but était selon Charles Lerbert, à l’époque vice-président de l’UNEF, de « trouver les mots et accomplir les gestes qui donnent son identité à une collectivité ». La population étudiante est donc présentée comme un groupe social homogène ayant des attentes et des besoins spécifiques. L’article 1 définit l’étudiant comme un « jeune travailleur intellectuel ». Il ne peut donc plus être considéré comme un enfant à la charge de ses parents. C’est un adulte responsable et autonome. C’est un jeune qui doit s’intégrer à la « jeunesse mondiale et nationale » (article 3).
La Charte est adoptée à une large majorité des congressistes.
La charte est immédiatement présentée par l’UNEF à l'Union internationale des étudiants (UIE) qui tient son congrès fondateur en 1946 à Prague. L’UIE en adopte les grandes lignes, mais vite noyautée par les organisations issues du bloc communiste, l’UIE est discréditée. Dès lors la Conférence Internationale des Étudiants (CIE) est créée mais sur une ligne beaucoup plus apolitique.
La Charte de Grenoble cependant, continue à influencer les débats entre organisations étudiantes. C’est ainsi qu’une réunion à Beyrouth des unions nationales des étudiants des pays arabes retient dans ses conclusions l’esprit de la Charte de Grenoble, en affirmant la nécessité d’un syndicalisme étudiant et en affichant leur croyance que « l'étudiant doit en tant que jeune et en tant qu'intellectuel, rechercher la vérité de même qu'il doit, en tant que travailleur producteur dans son milieu, jouer un rôle essentiel pour contribuer à l'éclaircissement des données sociales et économiques » On retrouve donc bien les termes clés du statut de l’étudiant exposé en 1946 à Grenoble : l’étudiant est présenté successivement comme un « jeune » un « intellectuel » et un « travailleur » qui doit « rechercher la vérité ».
En Belgique, le syndicat étudiant flamant Vereniging van Vlaamse Studenten (VVS) adopte en 1962 une charte définissant son engagement syndical reprenant la Charte de Grenoble. La même situation se reproduit dans d’autres pays, notamment au Québec avec l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ).
De nos jours, la Charte de Grenoble reste un texte de base pour le syndicalisme étudiant en France et dans le monde (UNEF, SUD étudiant, FSE, SEUL, ASSÉ, …)