La Chartreuse du Liget, comme toutes les chartreuses, est composées de deux parties : une Maison Haute qui abrite les cellules des Pères, et une Maison Basse qui abrite les cellules des Frères. À ces deux parties, on peut ajouter une chapelle isolée dans une clairière non loin de la Maison Haute.
Sur les plans laissés par l’architecte tourangeau Jacquemin en 1787, on peut avoir une idée des bâtiments qui formaient la Maison Haute. Située au fond d’une cuvette, près d’un point d’eau et entourée par la forêt, la Maison Haute du Liget comprenait deux cours. La cour extérieure était flanquée de longs bâtiments contenant la cuisine commune, le four à pain, la forge et divers autres ateliers. La cour intérieure ou petit cloître donnait sur la salle capitulaire, le réfectoire, la bibliothèque et l’église. Derrière l’église se déployait le grand cloître qui renfermait le cimetière. Les 17 cellules individuelles des moines donnaient sur ce cloître. Chacune des cellules était complètement indépendante. Elle consistait en un pavillon à étage entouré d’un jardinet.
Apposée à la Maison Haute qu’est l’ermitage, lieu de prière, la Maison Basse ou Corroirie est quant à elle proche de la terre et de ses bienfaits, assurant l’existence matérielle des moines (corroirie vient du latin Conderium ou Conderia, qui désigne tout ce dont les moines ont besoin pour survivre : nourriture, vêtements et entretien). On y trouve des moulins, un pressoir et des granges. Une chapelle, bâtie au XIVe siècle, s’élève dans l’enceinte de la Corroirie du Liget. Cette dernière, fait singulier, est également le lieu seigneurial auquel de nombreux droits sont attachés. À ce titre et grâce à la donation faite en 1223 par le seigneur de Craçay, les Chartreux constituaient donc une puissance féodale en Touraine. Ils jouirent de tous leurs privilèges maintes fois renouvelés jusqu’en 1789.
Cette chapelle, érigée par Jean Sans Terre au XIIe siècle, fut sans doute construite pour commémorer l’établissement originel des premiers Pères chartreux au Liget, et ce peu de temps après la fondation. L’église de la Chartreuse comme cette chapelle sont à classer dans le roman secondaire de style « Plantagenêt ». L’intérieur devait être entièrement couvert de fresques datant de la fin du XIIe siècle ou du commencement du XIIIe siècle. Elle fut abandonnée par les Chartreux dès le XVIe siècle.
Le 6 août 1837, Côme-Édmond de Marsay, ancien maire de Loches, achète une partie de la Chartreuse c’est-à-dire le cloître, la chambre des vendanges et la chapelle. Il meurt en 1838 et laisse un héritage important à ses deux fils encore en bas âge (Édouard et Arthur). Le 13 décembre 1862, les deux héritiers étant tous deux majeurs, le bien de la Chartreuse est partagé. En 1864, Paul-Théodore Bataillard, qui possédait le reste de la Chartreuse, cède son bien à Arthur de Marsay. Quelques temps après, Édouard revend sa part à son frère. Désormais seul propriétaire de l’ensemble de la Chartreuse, Arthur de Marsay, officier aux Guides de la Garde impériale, va entreprendre les premiers travaux de conservation du site. Sa fortune est conséquente. Au Liget, il acquiert des terres et s’évertue à reconstituer le « désert » des Chartreux. À sa mort en 1888, son deuxième fils, René de Marsay, hérite de la Chartreuse. Marié à Marcelle Delagrave, fille du grand éditeur parisien, il continue l’œuvre de son père. En 1899, il réussit à racheter la Corroirie. Il meurt en 1910 sans laisser d’enfant. Après la Première Guerre mondiale, les terres reviennent à Henri de Marsay, neveu de René de Marsay. Il s’installe au Liget en juillet 1919 avec son épouse, Paule Drake del Castillo. A sa mort, en 1975, la propriété du Liget couvre 700 hectares (346 de bois, 350 de terres et 4 de vignes). Les terres sont alors partagées entre ses six filles. Aujourd’hui, une grande partie de la Chartreuse appartient à Mme Élie-Benoît Arnould, née Anne-Marie de Marsay. L’autre grande partie, comprenant la Corroirie, est occupée par la comtesse Guy Boula de Mareüil, née Germaine de Marsay.