L’abbaye de Tre-Fontane (en italien Abbazia delle Tre Fontane, abbaye des Trois Fontaines), sise au sud de la ville de Rome (en bordure du quartier moderne de l'E.U.R.), remonte au VIIe siècle. De moines grecs, elle passa entre les mains des bénédictins clunisiens pour devenir cistercienne au XIIe siècle. Elle abrite aujourd’hui encore une communauté de moines cisterciens-trappistes.
L’endroit était connu dès avant l’ère chrétienne pour ses Aquae salvae. Les Romains y venaient chercher des eaux curatives.
D’après une tradition du Ve siècle, c’est aux Aquae salviae, sur la via Laurentina, qu'a été décapité l’apôtre saint Paul. Selon la légende, la tête de saint Paul aurait rebondi trois fois sur le sol, et à chacun de ces trois emplacements une source aurait miraculeusement jailli : d’où le nom de « Trois-Fontaines ». On a trouvé trace d’un édifice sacré datant du Ve siècle et construit à la mémoire de Paul.
Une église est construite dans laquelle on peut voir ces trois sources aménagées. Dans une chapelle latérale, une grande peinture murale moderne raconte le prodige. Dans la crypte de l'église se trouve un réduit où Paul aurait été emprisonné. Cette église ne fait pas partie du monastère cistercien.
Au même endroit, de nombreux soldats chrétiens, autour du tribun Zénon, subissent le martyre durant la persécution de Dioclétien vers 298.
Durant la seconde moitié du VIe siècle, un monastère est construit par des moines grecs, ayant peut-être fui leur pays lors de l’invasion arabe de la Cilicie. Un empereur d’Orient leur confie les reliques de saint Anastase, moine perse mis à mort par Khosro II en 624.
Au VIIe siècle, un monastère gréco-arménien est attesté car un ‘vénérable abbé Georges de Cilicie, du 'monastère près des Aquae salviae’ participe au synode de 649, convoqué par le pape Martin I.
Un guide de pèlerinage datant de 650 indique l’itinéraire à suivre pour visiter le monastère Ad Aquae salviae où « se trouvent les reliques de saint Anastase et où fut décapité saint Paul ». On parle également de miracles.
Monastère et église sont détruits par le feu à la fin du VIIIe siècle. Une notice biographique sur le pape Adrien Ier (772-795) mentionne en passant : « par l’incurie des moines et dans le silence de la nuit, le monastère du bienheureux martyr du Christ Anastase est détruit par le feu ». Reconstruction et restauration commencent aussitôt, par la faveur du même pape Adrien Ier.
Au VIIIe comme au IXe siècles, les papes seront généreux vis-à-vis du monastère de saint Anastase, ce qui démontre son prestige et sa popularité.
En 805, suite à une victoire inespérée contre les Lombards, obtenue par l’intercession de saint Anastase, Charlemagne, allié du pape Léon III, fait don à l’abbaye de larges domaines situés dans la région d’Orbetello et Ansedonia (en Toscane).
Ces possessions n’empêchent pas un lent déclin du monastère. La situation de décadence et d’abandon est telle qu'en 1080, le pape Grégoire VII, grand réformateur, prend des mesures. Tout en confirmant les droits et possessions de l’abbaye, il entreprend sa restauration et fait venir des moines bénédictins de Cluny, alors à la pointe du renouveau monastique en Occident, pour y reprendre une vie monastique régulière.
Après le grand schisme de 1054, la plupart des monastères grecs en Italie sont progressivement repris par des moines occidentaux, à l’exception du monastère de Grottaferrata qui, bien que grec et basilien, restera durant toute son histoire en communion avec le pape.
Les annales parlent peu de la période clunisienne. Elle prend fin en 1140. Une nouvelle intervention papale d'Innocent II confie l’abbaye à Bernard de Clairvaux et aux moines cisterciens. L’ordre de Cîteaux est alors en pleine expansion. Bernard soutient vigoureusement les droits d’Innocent II contre les agissements de l’antipape Anaclet II, soutenu par les moines clunisiens.
Tre Fontane est fille de l'Abbaye de Clairvaux et le premier abbé envoyé par Clairvaux est Pier Bernardo Paganelli (de Pise), disciple et ami de saint Bernard. En 1145, il devient pape sous le nom de Eugène III. Connaissant bien l’insalubrité des lieux, Eugène III donne aux moines la permission exceptionnelle de passer les mois d’été au château de Nemi.
C’est de cette époque que date l’église abbatiale, l’église des saints Vincent et Anastase et la structure de l’abbaye telle que visible aujourd’hui. Un document de 1161 mentionne pour la première fois les trois églises de Tre Fontane : l’église abbatiale, celle de la décapitation de saint Paul (des trois fontaines), et celle sainte Marie Scala Coeli (commémorant une vision de saint Bernard).
Le XIIe et XIIIe siècles est une période de ferveur et d’expansion. Les nombreuses vocations et la prospérité permettent la fondation de cinq abbayes-filles, à Penne, Manopello, Montaldo di Castro Albano et Ponza. En 1306, l’abbaye est entièrement terminée avec la construction du cloître et de la salle capitulaire.
En 1370 sont apportées du Portugal des reliques de Saint Vincent de Saragosse. Dès lors l’église abbatiale du monastère s'appellera Basilique des Saint Anastase et Vincent.
Une période de difficulté s’ouvre avec le XVe siècle. En 1408, par décision de Martin V, l’abbaye passe en régime de commende. Comme partout ailleurs, les abbés commendataires s’intéressent peu au bien spirituel des moines et à la discipline monastique. Hors du monastère cependant, l’église de la vision de saint Bernard (‘Maria Scala Coeli’) est reconstruite de 1592 à 1594. Il en est de même pour l’église de la décapitation de saint Paul qui est refaite (1599-1601).
Les moines cisterciens sont à Tre Fontane jusqu’en 1808. Lors de l’occupation napoléonienne des États pontificaux, les institutions religieuses sont supprimées et les moines doivent abandonner leur abbaye pratiquement mise au pillage. Tout ce qui a de la valeur est volé et emporté. Bibliothèque et archives, dont de nombreux codex et incunables, sont transférées à la bibliothèque vaticane.