Les arpenteurs romains, ou « agrimenseurs », ou aussi « gromaticiens », comptent au nombre des plus éminents représentants de la géométrie et de la technique romaine. Leurs écrits, compilés au VIe siècle à des fins didactiques, nous sont parvenus largement déformés ou résumés et on hésite sur la paternité respective de certains traités. Les sources disponibles ont fait l'objet d'études fouillées depuis le XIXe siècle, qui ont réhabilité dans une certaine mesure les connaissances techniques de l'ancienne Rome.
La pratique de l'arpentage et du bornage était probablement confiée à l'origine aux augures, lesquels avaient à charge de borner l'assiette d'un temple ou d'un enclos sacré (templum). D'une manière générale, la fondation d'une ville ou l'érection d'un édifice public donnait lieu, chez les Romains, à des rituels précis : ainsi, l'emprise du pomœrium, les enceintes de la Rome primitive, puis celle des colonies ultérieures et des camps des légions en campagne (castramétation), étaient déterminées selon les directives des prêtres. La première mention d'un agrimenseur professionnel est due à Cicéron : il nous a laissé le nom d'un certain Lucius Decidius Saxa, qui était employé sous les ordres de Marc Antoine à l'arpentage des camps militaires.
Sous l'Empire, leur réputation s'accrut en même temps que leur effectif. Les mesures d'attribution de lopins de terre aux vétérans de la légion, l'établissement de colons romains dans les provinces et les territoires conquis, le bornage général de l'Empire décrété par Auguste, la séparation entre les terrains privés et publics, sont autant de motifs qui présidèrent à l'émergence d'une corporation reconnue de géomètres et d'arpenteurs. Sous le Bas-Empire, leurs revenus étaient devenus considérables et ils étaient même parfois honorés de l'épithète de clarissimus (« très honorable »). Leur compétence allait bien au-delà de l'application de simples règles de géométrie et de l'emploi d'instruments d'arpentage, incluant une autorité reconnue en matière de droit des sols devant les tribunaux ou dans les conflits entre particuliers. Ce statut social suscita la création d'écoles professionnelles d'arpentage et l'émergence d'une littérature spécialisée, qui perdurèrent du Ier au VIe siècle de notre ère.
Le plus ancien auteur sur la science des agrimenseurs fut Frontin, dont le traité De agrorum qualitate, consacré aux aspects juridiques de l'arpentage, fit l'objet d'un commentaire par Aggenus Urbicus, un maître d'école chrétien. Sous le règne de Trajan, un certain Balbus, qui avait pris part aux campagnes de ce prince en Dacie, rédigea à l'intention des arpenteurs un traité de géométrie pratique (« Expositio et ratio omnium formarum mensurarum »), probablement inspiré d'un ouvrage grec attribué à Héron d'Alexandrie ; ce traité est dédié à un dénommé Celse, loué pour les améliorations qu'il avait apportées à la groma (peut-être une dioptra, c'est-à-dire une couronne mobile graduée, comme il en existe sur les théodolites). Un article complet est consacré à son contemporain Hygin.
Siculus Flaccus, auteur d'un livre intitulé De condicionibus agrorum qui nous est parvenu, était actif quelques décennies après Trajan ; mais le plus curieux traité d'arpentage qui, quoiqu'écrit dans un latin défectueux, fut longtemps en faveur dans l'enseignement, est l'œuvre d'un certain Innocentius (IVe - Ve siècle) et est intitulé Casae litterarum.
Les traités de géométrie attribués au Moyen Âge à Boèce sont probablement apocryphes. Un autre recueil médiéval, les Gromatici veteres édité par Karl Lachmann au XIXe siècle, est apparemment une compilation de registres cadastraux de terres colonisées (datés du Ve siècle de notre ère), de nomenclatures de bornes physiques, et d'extraits du « Codex de Théodose ».
Selon Mommsen, ce recueil est l'œuvre d'un vicaire (c'est-à-dire d'un gouverneur diocésain) du Ve siècle officiant à Rome, et qui dirigeait une équipe d'arpenteurs.
Les arpenteurs romains furent appelés de différentes façons selon les époques : decempedator (par allusion à leur outil de travail), finitor, metator ou mensor castrorum sous la République ; togati Augustorum comme fonctionnaire sous l'Empire ; et enfin professor, ou auctor lorsqu'ils formaient des apprentis.