Bernard Faÿ, né le 3 avril 1893 à Paris, est un universitaire, administrateur et écrivain français. Croix de guerre 1914-1918 reçue à la bataille de Verdun en août 1917. Administrateur général de la Bibliothèque nationale pendant le régime de Vichy. Il est condamné à l'emprisonnement à perpétuité en 1945 pour collaboration avec l'occupant. Gracié en 1959 par le Président Coty, il meurt le 31 décembre 1978 à Tours (Indre-et-Loire).
Il soutient en 1924 une thèse de doctorat ès lettres sur L'Esprit révolutionnaire en France et aux États-Unis à la fin du XVIIIe siècle (thèse complémentaire : Bibliographie critique des ouvrages français relatifs aux États-Unis (1770-1800)). Il est nommé chargé de cours à la faculté des lettres de Clermont-Ferrand avant de devenir professeur dans plusieurs universités. Il est un spécialiste du XVIIIe siècle, particulièrement des rapports entre la France et les États-Unis, ce qui l'amène à bien connaître la littérature américaine de son époque. Il est professeur aux universités de Columbia puis de l'Iowa aux États-Unis et effectuera plus de vingt séjours aux États-Unis pendant l'entre-deux-guerres. Il traduit ainsi plusieurs romans de Gertrude Stein.
Cette brillante carrière universitaire culmine avec sa nomination comme professeur de civilisation américaine au Collège de France, à moins de 40 ans (1932-1944). Durant les années 1930, il collabore épisodiquement au journal d'extrême droite La Gerbe.
Il est arrêté le 19 août 1944. Comme de nombreux collaborateurs, il prétend n'avoir fait qu'obéir aux ordres qui lui étaient donnés et avoir même aidé à se cacher les employés juifs de la BN. Le tribunal le condamne aux travaux forcés à perpétuité, à la confiscation de ses biens et à l'indignité nationale. Gertrude Stein et Alice B. Toklas interviennent vainement en sa faveur, convaincues qu'il leur a sauvé la vie pendant l'Occupation. Après la mort de Gertrude Stein, en juillet 1946, Alice B. Toklas continuera d'intercéder pour obtenir la grâce de Bernard Faÿ. La réalité du rôle de Bernard Faÿ – ou du moins son importance exacte – dans la relative protection dont elles ont bénéficié est actuellement remise en cause par les spécialistes de Gertrude Stein, notamment Edward Burns et Janet Malcolm. Dans plusieurs articles du New Yorker, tout comme en 2007 dans l'ouvrage Two Lives: Gertrude and Alice, Janet Malcolm examine les faits.
Alors qu'il est soigné à l'hôpital d'Angers en 1951, Bernard Faÿ parvient à s'échapper et à quitter la France pour trouver refuge en Suisse. Il est gracié en 1959 par le président Coty et meurt en 1978, sans avoir cessé de publier des études littéraires et historiques.
Bernard Faÿ est nommé administrateur général de la Bibliothèque nationale le 6 août 1940 à la suite de la destitution, par Vichy, de Julien Cain qui est Juif.
Il applique donc au sein de la Bibliothèque nationale les règlements édictés par le maréchal Pétain : saisie des bibliothèques des Français déchus de leur nationalité (Juifs, communistes, etc.), refus des lecteurs juifs, suspension des personnels juifs, etc.
Mais Bernard Faÿ n'a pas été nommé là par hasard et il ne considère pas son poste comme une sinécure. Il veut donner à la BN une véritable place dans le monde nouveau qu'il appelle de ses vœux. Il remet pour cela au maréchal Pétain, en 1943, un rapport où est défini le rôle de la Bibliothèque nationale dans l'effort de redressement national voulu par Vichy. La Bibliothèque manquant de personnel en ces années de guerre, il embauche des vacataires qui permettent de faire tourner les services malgré les difficultés matérielles. Enfin, il s'astreint à un travail de réorganisation administrative, créant notamment le département de la Musique (1942).
Pendant ce temps, Julien Cain, son prédécesseur au poste d'administrateur de la Bibliothèque nationale, vit dans la clandestinité, avant d'être arrêté par les Allemands et déporté à Buchenwald.
Bernard Faÿ joue un rôle très important dans la politique anti-maçonnique de Vichy. Ce monarchiste est en effet persuadé de l'existence d'un complot mené par la franc-maçonnerie, qui serait à l'origine de la Révolution française et influerait encore négativement sur la France, causant son abaissement tant sur le plan intérieur qu'extérieur. Il représente le courant contre-révolutionnaire qui se reconnaît dans le discours passéiste et rural de Vichy, qui s'appuie sur un prétendu déclin de la France. Il est nommé chef du Service des sociétés secrètes (SSS), chargé de classer les archives saisies dans les loges et de les utiliser pour des études et pour la propagande anti-maçonnique. Ce service travaillait en collaboration avec le Sicherheitsdienst allemand. Selon la propagande du régime de Vichy, les francs-maçons seraient l'une des causes de la défaite de 1940. D'après l'Action française, ils auraient participé à un « complot » réunissant « le juif, le protestant, le maçon et le métèque » aussi nommé Anti-France.
Pour lutter contre ce « parasite monstrueux », Bernard Faÿ publie pendant quatre ans une revue, Les Documents maçonniques, qui cherche à démontrer la désastreuse influence de la franc-maçonnerie sur la France, il fait tourner un film, organise des conférences et une grande exposition au Petit Palais en octobre-novembre 1941. Il entreprend surtout de répertorier tous les anciens francs-maçons dans un gigantesque fichier de près de 60 000 noms, qui sert notamment à exclure les anciens maçons de la fonction publique. Il comptera parmi ses collaborateurs Albert Vigneau. À la Libération, le bilan humain s'élève à environ un millier de francs-maçons français éliminés par les Allemands, soit par exécution, soit par déportation en camp de concentration.