Le Visage dans l'abîme (The Face in the Abyss), de l'auteur américain Abraham Merritt, est à l'origine une nouvelle de 33 000 mots parue dans le pulp magazine Argosy All-Story Weekly, le 8 septembre 1923. Sept ans plus tard, le 25 octobre 1930, l'auteur publie dans ce même magazine la suite de son récit, une nouvelle de 87 000 mots qu'il intitule La Mère-Serpent (The Snake Mother).
C'est seulement en 1931 qu'Horace Liveright réunit les deux textes et les publie comme roman sous son titre définitif : Le Visage dans l'abîme., un roman composé au final de vingt-sept chapitres.
Le visage dans l'abîme, avec son héros-explorateur, s'inscrit d'emblée dans le genre du roman d'aventures fantastique. Dans ce genre particulier, les prédécesseurs directs d'Abraham Merritt à cette époque sont Jules Verne avec le Voyage au centre de la Terre, paru en 1864, Arthur Conan Doyle avec Le Monde perdu, publié en 1912, et surtout Edgar Rice Burroughs qui forge à cette époque l'archétype littéraire de l'aventurier héroïque.
S'il écrit d'abord un récit d'aventures, Abraham Merritt emprunte également aux genres du conte, du roman fantastique et du récit de science-fiction, faisant de son œuvre un objet littéraire composite relevant d'un genre mixte que certains critiques ont appelé science fantasy ou science-fiction mythologique.
En imaginant les aventures de Nicholas Graydon sur le continent perdu de Yu-Atlanchi, l'auteur utilise toutes les ressources littéraires propres aux récits d'exploration à caractère fantastique : découverte d'un document ancien révélant l'existence d'un trésor, exploration d'un continent perdu, rencontre avec une civilisation oubliée, confrontation avec des races animales supposées éteintes (les dinosaures), quête initiatique, etc. L'auteur emprunte au domaine du conte merveilleux - comme les Mille et une nuits, maintes fois cités au cours du récit -, sa caractérisation sans ambiguïté des personnages bons ou méchants et son sens du merveilleux (description de contrées aux innombrables richesses et de monstres hideux).
Si le récit peut être rattaché au genre de la science-fiction, c'est uniquement à cause de son personnage central, Nicholas Graydon, qui appréhende le monde de magie et de fantasy du roman avec le regard du scientifique émerveillé, mais toujours rationnel. Abraham Merritt introduit ainsi un élément totalement extérieur au genre et s'en sert comme d'un prisme pour opérer le passage subtile d'un monde perçu comme merveilleux - parce que magique - à un monde étrange, mais tout à fait explicable par la science.
Le récit d'aventures qu'est Le Visage dans l'abîme est mené à un rythme soutenu par Abraham Merritt, qui ne s'attarde pas sur les détails de l'action et enchaîne les péripéties. Une altercation est réglée en quelques lignes, tandis qu'une grande bataille s'achève au bout d'une page. L'auteur ne néglige cependant pas d'insérer quelques descriptions des richesses du nouveau continent, développant ainsi l'aspect « sense of wonder » de son récit par des emprunts évocateurs aux Contes des mille et une nuits.
Le point faible du roman réside sans doute dans les dialogues parfois peu naturels et dans la psychologie souvent caricaturale des personnages. L'usage répété de clichés et l'accumulation des incohérences dans les répliques donnent à l'ensemble un cachet désuet et décalé, considéré historiquement comme typique d'une bonne partie de la production des pulp magazines de cette époque.