Comme on ne peut germaniser ce qui est déjà germanique, il faut comprendre le terme de "germanisation" pour les périodes de 1870-1918 et 1940-1945 comme une adaptation de la forme ou de la graphie à l'allemand standard ou littéraire tel qu'ont voulu le repandre les chefs d'état des derniers empires allemands. Les Anglo-saxons parlent d'ailleurs ici plutôt de prussification pour éviter la confusion. D'ailleurs, nombreux toponymes mosellans germanophones existent également en Allemagne ou en Autriche. Pour un Français, Merlebach n'est objectivement pas moins germanique que Merlenbach.
Le phénomène n'est, en effet, pas spécifique à la Moselle, une grande partie de l'Allemagne, notamment du sud, a dû adopter bon gré mal gré les noms allemands standards pour leurs panneaux officiels, mais sur le terrain, les habitants ont continué à désigner leur village sous la forme locale. Personne ne s'attend aujourd'hui à un panneau d'agglomération Stuegert en lieu et place de Stuttgart. Aujourd'hui encore, un Alsacien et un Mosellan ont leur forme locale pour désigner leur agglomération. Cela vaut aussi pour les noms de village en patois lorrain.
La différence est que la Moselle a subi l'arrivée de la prussification comme une annexion de fait, un geste brutal, un déni de sa spécificité en tant que territoire français. Le Mosellan connaît les mêmes pratiques dialectales que ses voisins, mais la langue véhiculaire officielle était le français.
L'autre différence est qu'une partie de la Moselle annexée a toujours été romane, essentiellement le Pays messin, le Pays-Haut et le Saulnois. Ici, la germanisation du toponyme est un fait réel indiscutable (Fresnes - Eschen). On a forcé les habitants du lieu à changer de nom. C'est pourquoi, il faut toujours garder à l'esprit que le phénomène de "germanisation" ne recouvre la même chose suivant qu'on part d'un toponyme originellement roman ou historiquement germanique.
Le français et les dialectes franciques servent à faire la rupture idéologique et politique avec tout ce qui sonnera "prussien" ou "allemand standardisé" (Même chose en Alsace). Car les occupants les interdisaient ou les combattaient. Ainsi, un simple "N" à la fin d'un toponyme patois suffit à le "germaniser" alors qu'il est germanique: Thedinge devient Thedingen. Par alleurs, le français francise en enlevant le "E" dialectal pour donner Théding. L'accent rajoute encore un peu de gallicité. Les signes diacritiques comme les accents et les trémas ont effectivement joué un rôle dans la francisation ou la germanisation. (Buding - Büdingen) De même, l'accentuation des noms est centrale. le dialecte francique et l'allemand accentue au même endroit par parenté linguistique. En revanche, le nom français place l'accent sur la dernière ou l'avant-dernière syllabe. A l'oreille, on entend donc la forme germanique et française.