Les contours exacts de cet îlot de stabilité ne sont toutefois pas clairement établis, car les nombres magiques de protons semblent plus difficles à préciser dans les noyaux riches en neutrons que dans les noyaux plus légers, de sorte que, selon les modèles, le nombre magique succédant à 82 serait à rechercher pour Z compris entre 114 et 126.
La théorie MM (pour Microscopic-Macroscopic) suggère de rechercher un îlot de stabilité concentré autour de l'ununquadium 298, dont le noyau à 114 protons et 184 neutrons serait « doublement sphérique », à la suite du plomb 208 (82 protons, 126 neutrons), ce à quoi la théorie de champ moyen relativiste (RMF, pour Relativistic Mean-Field Theory) suggère plutôt un îlot de stabilité diffus autour des noyaux 304Ubn, 306Ubb ou 310Ubh selon les paramètres retenus.
Le tableau de nucléides ci-dessous illustre à quel point ces noyaux 298Uuq, 304Ubn, 306Ubb et 310Ubh — représentés encadrés sur fond rouge et supposés être doublement sphériques ou doublement magiques selon les théories considérées — sont à l'écart des isotopes jusqu'à présent synthétisés, qui occupent une bande assez étroite s'arrêtant à l'ununoctium-294 :
Z → ↓ N | 112 | 113 | 114 | 115 | 116 | 117 | 118 | 119 | 120 | 121 | 122 | 123 | 124 | 125 | 126 | 127 |
170 | 282Cn | 283Uut | ||||||||||||||
171 | 283Cn | 284Uut | 285Uuq | |||||||||||||
172 | 284Cn | 285Uut | 286Uuq | 287Uup | ||||||||||||
173 | 285Cn | 286Uut | 287Uuq | 288Uup | 289Uuh | |||||||||||
174 | 287Uut | 288Uuq | 289Uup | 290Uuh | ||||||||||||
175 | 289Uuq | 290Uup | 291Uuh | |||||||||||||
176 | 291Uup | 292Uuh | 294Uuo | |||||||||||||
177 | 293Uuh | |||||||||||||||
178 | ||||||||||||||||
179 | ||||||||||||||||
180 | ||||||||||||||||
181 | ||||||||||||||||
182 | ||||||||||||||||
183 | ||||||||||||||||
184 | 298Uuq | 304Ubn | 306Ubb | 310Ubh | ||||||||||||
185 |
Outre les sensibilités extrêmes qu'il faudrait être en mesure d'atteindre (de l'ordre du femtobarn, alors qu'on est aujourd'hui plutôt au niveau du picobarn), toute la difficulté à produire des noyaux situés dans l'îlot de stabilité visé réside précisément dans le fait qu'il faudrait disposer de quantités importantes d'atomes plus légers très riches en neutrons, en tout cas plus riches que ceux qui sont susceptibles d'être manipulés en laboratoire dans des expériences de fusion nucléaire aussi pointues que celles qui seraient nécessaires pour réaliser ce type d'expérience. Cette remarque est bien entendu de moins en moins vraie à mesure qu'on vise des atomes au numéro atomique de plus en plus élevé : du point de vue du rapport neutrons/protons, le noyau 298114 devrait être plus difficile à produire que le noyau 310126, lequel devrait requérir en revanche une sensibilité bien supérieure pour être détecté.
Ces démarches reposant sur les nombres magiques sont néanmoins quelque peu dépassées, car des calculs fondés sur l'effet tunnel montrent que, si de tels noyaux doublement magiques seraient probablement stables du point de vue de la fission spontanée, ils devraient cependant subir des désintégrations α avec une période radioactive de quelques microsecondes. En revanche, le darmstadtium 293 pourrait au contraire être près du centre d'un îlot de relative stabilité défini par Z compris entre 104 et 116, et N compris entre 176 et 186.