L'importation légale des tortues méditerranéennes en Europe a commencé à partir de 1890 et ce commerce légal s’est arrêté en 1984.
La plupart de ces tortues était des tortues méditerranéennes et plus précisément des Testudo graeca graeca, Testudo graeca marokkensis et Testudo graeca soussensis d'Afrique du Nord. De toutes les tortues terrestres, peu ont été aussi fortement pillées dans la nature que celles d’Afrique du Nord. Il est difficile d'estimer des chiffres précis mais la CITES indique que c’est par dizaines de millions que ces animaux ont été prélevés (et le sont toujours de manière illégale aujourd'hui) de leur milieu sauvage sur plus d’un siècle. On estime que pour le seul Royaume-Uni, les importations d'animaux de ces trois taxons sur cette période seraient au-dessus de 10 millions.
Au tout début, le commerce n'était pas étendu et les tortues étaient des curiosités rares. La plupart de ces animaux étaient apportés en Europe individuellement, ou tout au plus en très petites quantités, par des marins.
On commence à trouver des traces d’importation commerciale en Angleterre vers 1886 et en France vers 1894 avec les premières expéditions d’Alger vers Marseille. Ces malheureuses créatures étaient attrapées dans leur pays d'origine, bourrées dans des caisses, des sacs et expédiées vers des animaleries, des marchés dans l'ensemble de l'Europe. Beaucoup étaient morts durant le voyage et d'autres arrivaient malades, blessés ou affaiblis.
Au début du XXème siècle, les tortues exportées se comptaient annuellement par milliers et au milieu de ce siècle par centaines de milliers. Le seul sursis pour les tortues s'est produit pendant la Deuxième Guerre mondiale quand les exportations ont cessé temporairement. Après la Deuxième Guerre mondiale, les stocks en Afrique du Nord diminuant, on se tourna également vers les tortues du Var, de Corse, d'Italie, des Balkans et d’Europe de l’est, plus robustes comme l'Eurotestudo hermanni, l'Eurotestudo boettgeri, la Testudo graeca ibera, la Testudo marginata et l''Agrionemys horsfieldii.
En 1969, Lambert rapporte que plus de 300 000 tortues étaient exportées tous les ans du seul Maroc vers la Grande-Bretagne dans la période d’après-guerre. On peut penser que les mêmes quantités ont été extraites à partir de l'ensemble Algérie, Tunisie, Libye. Entre 1965 et 1976, on estime que la France importait des quantités massives de Testudo sensu lato (hermanni, graeca, marginata, horsfieldii...) à raison de 120 000 à 150 000 spécimens par an, quitte à détruire les tortues non vendues comme ce fut le cas en 1972 à Marseille où 5 tonnes d'Agrionemys horsfieldii furent concassées (vivantes !) pour la fabrication d'aliment de bétail. La France aurait même importé 700 000 Testudo graeca et Eurotestudo hermanni pour la seule année 1979. Il y avait la même demande de tortues dans l'ensemble de l'Europe avec l'Allemagne, la Hollande et bien d'autres pays de la Communauté Européenne. Tous ces pays européens ont annuellement importé des centaines de milliers de tortues sauvages, épuisant de ce fait de façon drastique les populations sur le terrain, et menant toutes ces espèces au statut d'espèces en voie de disparition.
Pendant cette période il n'y avait absolument aucune tentative pour protéger ces animaux considérés comme des produits de consommation et de loisir.
Étant trop lourdes pour le fret aérien (3 000 tortues pèsent environ une tonne), elles étaient transportées par bateau. Le destin qui attendait ces créatures à l'arrivée était souvent épouvantable. De plus très peu de ces tortues survivent à leur première hibernation en captivité (hibernation d'ailleurs faite en dépit du bons sens, l'hiver au sens européen n'existant pas et n'ayant jamais existé au Maghreb). Blatt et Müller dans une enquête conduite en Allemagne et datant de 1974 sur des Testudo graeca ont chiffré que plus de 82% des animaux étaient morts au bout d’une année. On estime même que seulement 10% des animaux vendus dans les taxons maghrébins (même nés en captivité) survivent à la première année de captivité, dans la quasi-totalité des cas en raison de cette hibernation qu'on leur fait subir en dépit du bons sens. La majorité des amateurs, même certains amateurs se disant "experts", confondent totalement le mode de dormance hivernale de Testudo graeca avec celui d'Eurotestudo hermanni.
Quand le Maroc a ratifié en 1978 la Convention de Washington, le commerce de tortues s’est tourné de plus en plus vers la Turquie (Testudo graeca ibera) et la Yougoslavie (Eurotestudo boettgeri) pour répondre à ses exigences. Par la suite, ce commerce légal s’est aussi terminé en 1984 lorsque la Communauté européenne a interdit entièrement l'importation ou n'importe quelle autre forme d'échanges des tortues méditerranéennes. Mais ce commerce se poursuit toujours, 25 ans plus tard, par le trafic illégal.