Les bons rapports entretenus pendant presque dix ans n'étaient qu'une embellie, fragile et susceptible d'être renversée au moindre changement de donne. Le changement viendra tout d'abord de l'Université, en 1879 : l'arrivée au pouvoir au niveau national, des députés républicains accélère le processus de laïcisation déjà enclenché depuis plusieurs années.
En octobre 1880, l'Université envoie, sans prévenir Henri Leblanc, une note au Conseil Municipal lui demandant si la Ville est satisfaite du Collège en l'état actuel des choses, et promettant l'ouverture d'un collège laïc si la Ville le souhaite. Le Conseil Municipal, loyal, montre la note à l'abbé Leblanc. Celui-ci envoie un mémorandum expliquant sa position au Conseil Municipal, qui l'approuve et répond courtoisement à l'administration scolaire qu'il n'y a pas lieu de changer l'organisation actuelle du collège qui satisfait la population tourquennoise.
Tout est remis en question lors des élections municipales de février 1881, remportées par la liste républicaine. Sentant un terrain favorable à ses menées, l'Université envoie, dès le mois d'avril de la même année, une proposition officielle de fermeture du Collège Municipal de Tourcoing et de création à la place dudit établissement d'un Lycée d'État laïc. La Ville ne repousse pas, loin de là, cette proposition, et décide la création d'une "Commission à l'Instruction Publique" pour juger si oui ou non il fallait maintenir le Collège Communal en l'état.
Cette commission, dont les membres sont jugés inaptes à leur mission par Henri Leblanc, décide, "après un long et minutieux examen", que le Collège Communal n'entre pas dans les normes académiques, et que, de plus, "la Ville dispose d'une occasion extraordinaire, la promesse de création d'un lycée d'État à Tourcoing".
L'abbé Leblanc, que l'on essaie de tenir à l'écart pour mieux le neutraliser, demande des explications au nouveau Maire, Victor Hassebroucq, qui, en 1872, avait si bien loué et défendu le collège sous le régime mixte. M. Hassebrouck affirme qu'il ne faut pas agir dans la précipitation et que l'ouverture d'un lycée laïc risquerait de "troubler nos populations dont le caractère religieux n'est plus à démontrer". Henri Leblanc est convoqué, avec les membres de la Commission, chez le Recteur lui-même, à Douai. Un extrait de la conversation qui eut lieu alors peut éclaircir l'ambiance du moment :
Mr Foncin : "Votre Collège n'a pas l'esprit universitaire ! Mr l'Abbé, votre Collège sera laïc des pieds à la tête, ou il ne sera plus !"
Mr Leblanc : "Si vous le dites, Mr le Recteur, si vous le dites."
Les Tourquennois se mobilisent : deux jours après cette entrevue orageuse, six cents notables et chefs d'entreprise, pour la plupart anciens élèves, signent une pétition pour le maintien du Collège sous son régime actuel. Victor Hassebroucq, encore hésitant, échange une intense correspondance privée avec l'abbé Leblanc, qui tente de le convaincre des conséquences malheureuses d'une rupture avec l'Université. Pour contrer la pétition des six cents chefs de famille, les anticléricaux lancent une contre-pétition qui ne recueille que quarante signatures. C'est un échec complet, et l'opinion penche de plus en plus pour l'abbé Leblanc.
Mais l'échéance de dénonciation du contrat approche : l'Université, appuyée par le Ministre de l'Instruction Publique qui a déclaré que "le Collège Ecclésiastique de Tourcoing doit cesser d'exister", propose que la construction du futur Lycée soit entièrement financé par l'État. Cette promesse emporte l'adhésion des conseillers municipaux qui votent à l'unanimité la dénonciation du contrat avec le Collège et le Diocèse, le 31 juillet 1881.
Leblanc envoie une lettre amère à la Ville de Tourcoing : "Qu'on nous laisse au moins mourir en paix".
Très vite, cependant, il se ressaisit et, aidé par le fait que les bâtiments du Collège n'appartiennent pas à la Commune mais à la Société de Saint-Charles, qui dépend du diocèse, il prépare durant l'année scolaire 1881-1882, la dernière sous le régime universitaire, la transformation du Collège Communal en Institution libre, c'est-à-dire un établissement privé ecclésiastique et libéré de la tutelle de l'Université. Ce genre d'institution est autorisé par la loi Falloux de 1850 et n'est subventionné ni par l'État ni par la Ville.
Les relations avec l'Université et avec la Ville sont glaciales pendant cette dernière année sous le régime public, et l'abbé Leblanc cherche surtout à éviter la moindre anicroche qui pourrait provoquer comme réactions immédiates la fermeture prématurée de son établissement et sa destitution du poste de Principal. Cependant, à l'occasion de la remise des prix en juillet 1882), les autorités universitaires interdisent à l'abbé Leblanc de prononcer son traditionnel discours de fin d'année, arguant du fait que "puisque Monsieur Leblanc ne sait pas se tenir au genre universitaire, il n'y aura pas de discours cette année au Collège de Tourcoing".
Le Principal, pour son dernier jour de fonctions sous ce titre, se permettra donc de déclarer d'une voix vibrante à la foule, en présence du Maire de Tourcoing (qui présidait la cérémonie des prix pour la dernière fois) :
"Nous ne pouvons malheureusement pas prendre la parole cette année. Ce que nous avions à dire n'était pas, paraît-il, dans le genre universitaire ! Mais nous vous attendons nombreux pour la rentrée du 5 octobre !".
Il fut applaudi à tout rompre par la foule qui reprit en chœur le Vivat en l'honneur du Collège qui disparaissait officiellement à cet instant précis.