Henri Joseph Leblanc (1825-1902), de son nom complet, fut le directeur du Collège de Tourcoing de 1858 à 1901 à Tourcoing. Abbé, professeur et écrivain, il s'opposa toute sa vie à ce qu'il considérait comme l'un des vices de la laïcisation, l'anticléricalisme et l'irreligion.
Il fut élevé à la prélature en 1901.
Après le 10 février 1858, qui voit la mort de maladie d'Augustin Lescouf, directeur du Collège de Tourcoing, les autorités universitaires sont à la recherche d'un nouveau principal. On s'intéresse alors à un jeune professeur connu pour son érudition, l'abbé Henri Leblanc, docteur ès Lettres, qui accepte de prendre en main les rènes de l'établissement.
Henri Leblanc accepte et se retrouve donc à la tête du Collège de Tourcoing, établissement déjà ancien puisque fondé par les pères récollets en 1666.
Le Collège Communal de Tourcoing jouit à cette époque d'un statut particulier parmi les autres établissements de la région : en effet, un équilibre parfait y est maintenu entre l'élément laïque et l'élément ecclésiastique, avec huit professeurs laïques et huit professeurs-prêtres. La primauté de l'élément ecclésiastique est cependant visible par le fait que le poste de Directeur est réservé à un religieux, suite à un accord entre la Ville de Tourcoing et le Diocèse de Cambrai.
Henri Leblanc, hostile aux "réformettes" qui surchargent les programmes scolaires et au jeu des chaises musicales au ministère de l'Instruction Publique, oppose une résistance courtoise mais ferme aux velléités d'intervention des autorités universitaires dans son école. Il développe un programme axé autour de l'étude des Humanités : les langues anciennes, le latin et le grec), qu'il considère comme les matières permettant la plus grande ouverture d'esprit. Son projet éducatif, affirme-t-il, est de former des hommes, pas de transformer ses élèves en encyclopédies superficielles.
Leblanc met l'accent sur trois notions qui dirigent toute son action pédagogique :
Doté d'une autorité et d'une volonté peu communes, l'abbé Leblanc était, disait-on, une "main de fer dans un gant de velours". Il considérait l'enseignement aux jeunes générations comme une mission intrinsèque à ses vœux de religion, et conscient de la dignité de sa fonction et de son Collège, il fut un grand constructeur, notamment la Grande Chapelle (inaugurée en 1859 et consacrée à la Vierge en hommage à la dévotion particulière qu'avait pour elle un ancien directeur (1838-1855), Albert Lecomte.
Timete Dominum et Nihil Aliud n'était pas une parole vaine, au contraire. Le pape connaissait les difficultés que la laïcisation imposait aux établissements d'enseignement tenus par des religieux, et l'abbé Leblanc avait pu lui expliquer la situation de son collège.
Les premières difficultés vinrent de l'Université qui souhaitait, par diverses manœuvres administratives, changer le rapport des forces en faveur des laïcs dans la composition du personnel de l'établissement. L'Université saisit un prétexte pour lancer la querelle : trois professeurs laïques, pères de familles et ayant d'autes occupations en dehors de leur emploi, étaient déjà assez avancés en âge pour subir les contraintes de celui-ci : aussi avaient-ils conclu avec d'autres enseignants ecclésiastiques un accord interne à l'établissement stipulant que chaque professeur laïque serait remplacé les 2/3 de son temps contre seulement 1/3 du traitement du professeur laïque. Ce qui permettrait aux laïcs concernés d'avoir beaucoup plus de temps libre pour se reposer et se soigner, tandis que les ecclésiastiques, qui n'avaient pas besoin d'une paye aussi importante que les laïcs du fait de leur mode de vie et de leur logement au Collège même, les remplaçaient partiellement. Le laïc versait donc le tiers de sa paye à l'ecclésiastique qui le suppléait aux deux tiers du temps. Et l'arrangement stipulait que, lorsque les professeurs laïques seraient arrivés à l'âge de la retraite, les ecclésiastiques remplaçants obtiendraient à titre officiel et définitif les postes libérés par les laïcs.
Quand arriva la retraite des laïcs, les autorités universitaires réagirent brutalement en annulant la nomination des ecclésiastiques et en imposant au directeur l'arrivée de nouveaux professeurs laïques de diplôme moindre que les candidats religieux, qui avaient pourtant déjà douze ans d'ancienneté dans la maison. Ceci se passait en 1872. L'abbé Leblanc, bien que scandalisé de cette injustice, accepta pour cette fois la décision de l'Université.
L'Université adopta par la suite comme attitude de tout mettre en œuvre pour réfuter les candidatures ecclésiastiques et de favoriser les candidats laïques. La tension entre le Collège, qui "émet des réserves" sur la politique menée au niveau national, et l'Université, qui mène cette politique, s'accentue.
La Ville, alors dirigée par le conservateur M. Roussel-Defontaines, soutint l'abbé Leblanc contre les menées de l'Université, en affirmant qu'il "serait plus que regrettable que l'Université renouvelle la faute commise à Hazebrouck". Cependant, la Ville avait des problèmes budgétaires, suite aux grands travaux qui avaient été effectués à l'époque pour répondre à la Révolution industrielle. Le Collège, pour sa part, était florissant et prospère, grâce à sa bonne gestion. Le Conseil Municipal enviait la situation financière de l'établissement, et cherchait un moyen de récupérer un peu de cette prospérité pour financer les projets communaux. Ce qui n'était pas pour plaire à l'abbé Leblanc, garant des intérêts du collège, et qui s'apprêtait à construire de nouveaux bâtiments pour accueillir le nombre croissant d'élèves. On décida d'augmenter la rétribution collégiale, la somme que chaque élève devait verser à la Ville pour être scolarisé. En quelques années, elle est quasiment doublée tandis que le budget alloué au Collège n'augmente pas.
En 1872, un article paru dans le journal lillois L'Echo du Nord agite tout Tourcoing : il y est déclaré que "la Ville de Tourcoing cherche actuellement à transformer actuellement son Collège Communal en établissement laïque pour la prochaine rentrée scolaire d'octobre". Le Conseil Municipal dément avec énergie, et une commission d'études sur la situation de l'école. Le rapporteur de la commission, M. Victor Hassebroucq, conclut ainsi son document élogieux sur le collège dirigé par l'abbé Leblanc : Il est important de conserver l'équilibre entre l'élément ecclésiastique et l'élément laïc de l'établissement [...] et qu'il est de bon augure d'espérer que le Collège vivra encore longtemps à l'ombre d'un régime qui ne lui a jusqu'à présent attiré que des mérites. L'Université reste alors muette et l'affaire en reste là.
De 1872 à 1881 s'ouvrent neuf années de calme et de bonne entente entre les trois protagonistes : le Collège, la Ville et l'Université. En 1877, la Ville renouvelle sa confiance à l'abbé Leblanc en signant un nouveau contrat d'association avec le Collège, qui devait durer vingt ans : une clause spéciale faisait en sorte que l'une des deux parties pouvait mettre fin au contrat tous les cinq ans, c'est-à dire aux échéances de 1882, 1887, 1892 et 1897. À la condition sine qua non de dénoncer le contrat un an exactement avant l'échéance.