Karl Barth (Bâle, 10 mai 1886 - Bâle, 10 décembre 1968) est un théologien protestant suisse considéré comme l'une des personnalités majeures de la théologie chrétienne du XXe siècle, toutes confessions confondues.
Fils d'un professeur de théologie, il entame des études de théologie à Berne, avant de les poursuivre à Berlin où il est alors étudiant d'Adolf von Harnack, l'un des chefs de file les plus brillants de l'École historico-critique et de la théologie libérale, puis à Tübingen et finalement à Marbourg où il suit l'enseignement de Wilhelm Herrmann auquel il se réfèrera constamment par la suite. À la fin de 1904, il devient pasteur d'une paroisse réformée de Genève. Puis il devient pasteur à Safenwil (Argovie). Il adhère au Parti social-démocratique et milite pour des réformes sociales. Cette adhésion lui valu plus tard le surnom de Roter Pfarrer von Safenwil, clin d'œil ironique à son militantisme d'alors. Déçu par les ralliement des théologiens libéraux allemands - ses maîtres - au bellicisme germanique, il remet alors en cause la théologie qu'on lui a enseignée et qu'il avait adoptée d'enthousiasme (notamment celle de Herrmann) et s'éloigne peu à peu du socialisme chrétien.
En 1919, il publie Der Römerbrief, une exégèse de l'Épître aux Romains, ouvrage qui suscite de nombreuses réactions et dont l'audience est loin de se limiter à l'Église réformée. Il réécrit entièrement son commentaire en 1922, se posant en leader du mouvement de la théologie dialectique ou théologie de la Parole de Dieu. Seul Dieu parle bien de Dieu. Toute théologie authentique est un acte d'audace (Franz Overbeck) qui accepte de laisser advenir la Parole de Dieu comme une brèche dans le discours théologique.
En 1921, il devient professeur de théologie réformée à Göttingen et entreprend une réflexion théologique systématique qui deviendra une référence majeure pour son siècle. En 1931, il commente Anselme de Cantorbéry, Fides quaerens intellectum, et passe de la dialectique à l'analogie : au grand « Oui » de Dieu, dit en Jésus-Christ, correspond analogiquement, en écho, la parole prêchée par l'Église et critiquée par le théologien pour la purifier sans cesse. Son refus de tout point de départ humain à la connaissance de Dieu, de fonder la connaissance de Dieu dans une disposition humaine, et son souci d'en préserver le caractère de pur don de la grâce, un pur produit de la Révélation en Christ, le conduit à rompre avec quelques anciens amis (Gogarten, Brunner, Bultmann) plus soucieux du fondement anthropologique de la théologie.
En 1932 paraît le premier volume de la Kirchliche Dogmatik (traduite en français sous le titre de « Dogmatique»), une œuvre - inachevée - dont il poursuivra la rédaction jusqu'à la fin de sa vie. La poursuite de cet impressionnant travail de réflexion ne le coupe pas de la réalité de son temps. Barth introduit la théologie au cœur de la vie quotidienne.
En 1934, il est le principal auteur de la Déclaration théologique de Barmen, texte fondamental d'opposition chrétienne à l'idéologie nazie. Suspendu à cause de son refus de prêter serment au Führer, puis expulsé d'Allemagne, il devient professeur de théologie systématique à Bâle. Il participe à la première assemblée mondiale du Conseil œcuménique des Églises à Amsterdam, en 1948 : « N'est-il pas dit que nous devons chercher premièrement le Royaume de Dieu et sa justice », rappelle-t-il lors de la séance d'ouverture. Pour Barth, la Bible est l'interpellation que Dieu adresse aux hommes.
Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, Karl Barth entretient un long débat théologique avec le grand théologien catholique suisse Hans Urs von Balthasar. L'un et l'autre étaient profondément marqués par la musique. Bien plus tard, Hans Urs von Balthasar publiera une immense somme de théologie dogmatique où la musique joue un rôle important (La dramatique divine et son « résumé » La vérité est symphonique) et Karl Barth un petit livre sur Mozart. À la fin de sa vie, il participe à la lutte contre la prolifération des armements atomiques. Il resta toujours proche de la gauche socialiste allemande et suisse, et même fut critiqué pour sa position, jugée accommodante, vis-à-vis du stalinisme.
Karl Barth a certainement été le théologien protestant le plus prolixe de son temps, et l'un des plus influents avec Rudolf Bultmann et Paul Tillich. Avec Jürgen Moltmann, il exerça une influence « souterraine » sur toute la théologie de la libération, influençant notamment le Brésilien Rubem Alves.
Néanmoins le retentissement de son œuvre fut très nuancé dès les années 1960, sauf peut-être et paradoxalement dans la théologie catholique. Du côté protestant, les évangéliques et les Églises historiques acquises aux théologies politiques (il est vrai partiellement issues de Barth) ou néo-libérales lui accordèrent une attention moindre.
Il en va ainsi probablement parce que Barth a amené la théologie au summum de ses possibilités pour immédiatement la récuser dans son intention de "parler sur Dieu" donc l'expliquer. Le théologien est alors saisi face à l'œuvre de Barth d'un malaise profond car il s'y voit remis en cause dans sa légitimité au moment où il accomplit sa mission avec le plus haut sens de son devoir.