Au sein de la Culture, certains jeux suscitent un grand intérêt. Il s'agit de jeux complexes, fondés sur le calcul et la stratégie. À bien des égards, ces jeux rappellent les échecs.
De tous les joueurs-de-jeux, Jernau Morat Gurgeh est sans conteste l'un des plus redoutables et des plus réputés. Non seulement il a remporté d'importantes victoires, mais il a aussi écrit sur la théorie des jeux.
Maintenant qu'il n'a plus rien à prouver, Gurgeh est à la recherche de nouveaux défis, d'un nouveau sens à son existence. Par l'entremise du drone (robot) Chamlis Amalk-ney, Gurgeh s'adressera à Contact, service de la Culture spécialisé dans l'évaluation et l'infiltration de civilisations étrangères.
Ainsi, Gurgeh se verra proposer un voyage. De fait, Contact lui offrira l'occasion de visiter l'Empire d'Azad et de participer à son jeu sacré.
Vis-à-vis cette possibilité, Gurgeh sera très hésitant. D'abord, c'est la première fois qu'il entend parler de l'Empire. D'après les informations de Contact, les Azadiens diffèrent grandement des citoyens de la Culture: leur société est individualiste, hiérarchisée et barbare, leur technologie est moins avancée et leur mode de reproduction implique la participation de trois genres distincts. Puis, la durée du voyage sera de cinq ans. Enfin, le jeu d'Azad semble infiniment complexe et exigeant...
Pour Gurgeh, le goût de la nouveauté l'emportera toutefois. Ainsi, le joueur-de-jeux choisira de tenter l'aventure.
Parmi les Azadiens, Gurgeh sera l'un des seuls représentant de son monde. Aussi, il se sentira quelque peu méprisé. Néanmoins, il n'en fera que peu de cas. Tout au plus, il s'efforcera de respecter les règles et les protocoles. Pour ce faire, il sera assisté d'un drone: Flère-Imsaho.
Au jeu d'Azad, Gurgeh fera belle figure. Confronté à des adversaires de plus en plus redoutables, il ne cessera de surprendre et de gagner. Bientôt, sa progression inquiètera les plus hauts dirigeants de l'Empire, ceux qui doivent leur statut à leurs prouesses au jeu.
Gurgeh sera invité à cesser de jouer. Puis, il sera la cible d'attentats. Envers et contre tous, il continuera à s'adonner au jeu et à mettre l'Empire dans l'embarras. Au terme de son parcours, un seul adversaire pourra sauver l'honneur: l'Empereur lui-même...
Pour les Azadiens, l'Empereur se veut toujours le meilleur joueur. D'ailleurs, Gurgeh sera impressionné par son style-de-jeu.
Au début de l'affrontement, Gurgeh sera dominé. Peu à peu, il reviendra toutefois dans la partie. D'abord, il découvrira comment l'Empereur aborde le jeu: comme une lutte entre l'Empire et la Culture. Puis, il s'adaptera à cette réalité: il jouera d'une façon plus audacieuse, plus efficace.
Ce sont donc deux mondes, deux univers qui s'opposeront. Lorsque Gurgeh l'emportera, toute la structure de l'Empire s'écroulera. Plus tard, Gurgeh découvrira que la Culture le manipulait.
L'Homme des jeux, c'est d'abord le choc de deux civilisations, soit la Culture d'un côté, et l'Azad de l'autre. Sur le plan politique et social, ces mondes sont aux antipodes: alors que la Culture est ouverte, évoluée et égalitaire, l'Azad est intolérant (sexiste), décadent et hiérarchisé. Dans ce contexte, la présence de Gurgeh parmi les Azadiens est loin d'être anecdotique. Plutôt, elle représente la rencontre de ces deux univers.
Tout au long du récit, le lecteur sera amené à faire sa propre réflexion, à forger sa propre opinion: si l'Azad et la Culture diffèrent, ils évoquent tous deux l'âme humaine. Ainsi, l'Azad se veut le reflet de ce que l'humain a de plus laid: cruauté, sadisme, violence. Quant à la Culture, sa philosophie semble séduisante. Toutefois, elle n'en demeure pas moins discutable. Ainsi, si elle prône les libertés individuelles, l'histoire de Gurgeh montre plutôt le contraire: le joueur-de-jeu a été trompé et utilisé par Contact. Vue sous cet angle, la Culture n'est plus l'utopie qu'elle semblait être.
De tous les jeux évoqués, aucun n'est décrit de façon détaillée. Plutôt, l'auteur explore le jeu en tant que concept, en tant que symbole. Pour ce faire, il s'introduit dans la pensée de ses personnages, de son héros. Dès lors, le jeu sert différentes fonctions.
Pour les citoyens de la Culture, il s'agit d'une forme d'art, d'un loisir des plus nobles. Pour les Azadiens, c'est essentiellement un moyen: moyen d'acquérir un statut, de structurer leur société. Pour le héros de l'histoire, c'est ce qui le définit, le fondement de son identité.
Dans L'Homme des jeux, le jeu revêt un aspect paradoxal: s'il est source d'amusement, il est surtout pris au sérieux. En fait, ce n'est pas tant le jeu que la victoire qui compte: ceci est vrai autant pour Gurgeh que pour les Azadiens.
Gagner est donc le but premier. Toutefois, tous n'accordent pas la même signification à la victoire. Ainsi, Gurgeh souhaite gagner parce qu'il cherche à se dépasser. Quant aux Azadiens, ils considèrent la victoire comme une occasion de gravir les échelons de leur société: alors que Gurgeh semble motivé de l'intérieur, les Azadiens semblent l'être de l'extérieur. Dès la deuxième partie de l'œuvre (et même avant), ce contraste apparaît en toile de fond.