On l'a dit, Couchoud, dès 1917 doutait de l'existence historique de Jésus-Christ. Après la lecture du dernier livre d'Alfred Loisy, paru cette même année, Couchoud s'étonne que Loisy (qu'il surnommait Saint Alfred), n'aille pas au bout de ses idées pour voir que la théologie de Saint Paul et l'histoire divine de Jésus-Christ ne sont que le mythe destiné à expliquer, après-coup, un rite nouveau.
Dans les années vingt et trente, Paul-Louis Couchoud est directeur éditorial de collections sur l'histoire des religions. Il expose ses hypothèses dans deux articles : l'un, sur L'énigme de Jésus, publié dans le Mercure de France, le 1er mars 1923; le second, sur Le mystère de Jésus, publié dans la même revue, le 1er mars 1924. À ces deux publications, de janvier à avril 1924, s'ajoute une série d'entretiens oraux de l'Union pour la Vérité. Sa thèse peut être résumée ainsi :
« Jésus est inconnu comme personnage historique. Il a pu vivre, puisque des milliards d’hommes ont vécu sans laisser de trace certaine de leur vie. C’est une simple possibilité à discuter comme telle. Il ne suffit pas de dire, avec certains critiques : nous ne savons rien de lui, sauf qu’il a existé. Il faut dire courageusement : nous ne savons rien de lui, ni s’il a existé. Dans une recherche historique, l’exactitude sévère permet seule de progresser. Or, le document qui, en bonne critique, prouverait positivement l’existence de Jésus fait défaut. (...) Jésus appartient à l’histoire par son nom et par son culte, mais il n’est pas un personnage historique. Il est un être divin , dont la connaissance a été lentement élaborée par la conscience chrétienne. Il a été enfanté dans la foi, dans l’espoir et dans l’amour. Il s’est formé du dictame des cœurs. Il a pris des formes changeantes que l’adoration lui a données. Il naquit dès qu’il eut un croyant (…) Sa seule réalité est spirituelle. Toute autre est mirage ».
Le premier ouvrage de Couchoud, L'énigme de Jésus, paraît en 1923, avec une introduction de l'anthropologue écossais James George Frazer. Ce dernier n'adhère pas à l'hypothèse du Jésus mythique, mais sa contribution donne alors un certain crédit à Couchoud. Ce dernier, dans son deuxième ouvrage Le mystère de Jésus de 1924, reproduit les deux articles parus dans le Mercure de France auxquels il ajoute trois chapitres. L'auteur tente de démontrer que l'étude de l'Apocalypse et des épîtres non-pauliniennes confirme les hypothèses qu'il a tirées de l'étude des épîtres pauliniennes. L'ensemble est publié au Mercure de France en mars 1924.
Selon Couchoud, seul vaut le témoignage de Paul de Tarse. La conception docète du christianisme devrait être la conception orthodoxe s'il est vrai que Paul est le véritable fondateur du christianisme.
Dans un premier temps, donc, Couchoud soutient que la méthode selon laquelle les historiens de son époque, d'Ernest Renan à Alfred Loisy, tentent de comprendre le personnage de Jésus et la genèse du christianisme se heurte à deux écueils principaux : premièrement, on ne peut concevoir qu'en une génération ou moins encore, un homme soit déifié; deuxièmement, Jésus échappe à l'œil de historien, faute de documentation suffisante. Le Testimonium Flavianum, douteux, est pour lui entièrement interpolé. Tout ce qui, dans le Talmud, concerne Jésus est dépendant du christianisme. Des trois « témoignages » païens, le premier, celui de Suétone ne connaît qu'un agitateur juif du nom de Chrestos et les deux autres, ceux de Pline le Jeune et de Tacite, révèlent seulement l'existence d'un courant chrétien. Pour ce qui est de l'origine de ce mouvement, ils ne font que répéter les croyances chrétiennes.
Pour Paul-Louis Couchoud, le Christ dont parle Paul n'est pas un être historique, mais un personnage idéal au sens platonicien du terme. Il ne s'agit pas d'une thèse purement mythiste, mais d'une thèse spiritualiste. Ainsi, dans une lettre à Maurice Goguel, Couchoud affirme : « La conception d'un Christ purement spirituel ne « dévalorise » nullement le christianisme et (...) elle est bien différente de celle d'un Christ mythique. Concevoir Dieu, par exemple comme un être spirituel, n'est pas le concevoir comme un mythe. À mon sens, il en est de même du Christ. ».
En 1925, Couchoud est rejoint, dans ses hypothèses, par l'écrivain danois Georg Brandes, avec son Sagnet om Jesus
À partir de janvier 1927, le Dr Couchoud est chargé d'une nouvelle rubrique dans la revue Europe, nommée « La chronique des idées ». Jusqu'en 1928, cette rubrique publiera, sous son influence, de nombreux articles affirmant que Jésus n'a pas eu d'existence historique, ce qui suscita le désaccord de Romain Rolland. Mais après cette date, le « clan » Couchoud, perdra de son influence. Europe publiera un dernier article de Couchoud en juin 1934.