Jugements et témoignages : Importance d'Ubik
Stanislas Lem, in « Un visionnaire parmi les charlatans » : « Les forces qui provoquent la débacle mondiale dans les livres de Dick sont tout à fait fantastiques, mais elles ne sont pas inventées pour choquer le lecteur. Nous le démontrerons en nous servant d’Ubik, qu’on peut d’ailleurs qualifier de grotesque, une œuvre macabre, chargée d’obscurs textes allégoriques se cachant sous les apparences d’une S.F. banale » (suit une longue analyse-lecture d’Ubik).
Dans Je suis vivant et vous êtes morts, Emmanuel Carrère écrit :
- « Quelques mois plus tôt, on lui avait envoyé la traduction allemande d’un article paru dans une revue polonaise, sous la signature de Stanislas Lem, qui passait pour le grand écrivain de science-fiction du bloc socialiste ; ses livres étaient traduits dans toutes les langues ; le cinéaste Tarkovski avait tiré de son roman Solaris un film conçu comme la riposte soviétique à 2001. Or cet important personnage avait pris la peine d’écrire une longue analyse de la science-fiction américaine, à peu près résumable en ces termes : tous nuls, sauf Philip K. Dick. (…) Lem (…) soulignait son mauvais goût, son style pataud, ses intrigues bancales. Mais quoi, estimait-il, le fossé entre Dick et ses collègues ne pouvait se comparer qu’à celui séparant du Dostoievski de Crime et Chatiment la piétaille des auteurs de romans policiers. À sa façon naïve, Dick exprimait sur le monde moderne des vérités visionnaires, et cela nulle part mieux que dans Ubik »
- « Ces éloges (de Stanislas Lem) l’avaient flatté, mais aussi troublé. Jamais, de lui-même, il n’aurait considéré Ubik comme l’une de ses meilleures œuvres. Il se rappelait moins le livre que l’horrible époque de sa vie où il l’avait écrit, quand tout se désagrégeait dans son cerveau. Et voici qu’en l’espace de quelques mois plusieurs personnes découvraient dans ce roman bâclé des abîmes de significations mystérieuses. Un de ses éditeurs français, Patrice Duvic, lui avait rendu visite à l’automne et déclaré avec solennité qu’il le tenait pour un des cinq livres les plus importants jamais écrits. « Wait a minute », Patrice : vous voulez dire un des cinq meilleures livres les plus importants de science-fiction…" Mais non, l’autre persistait : un des cinq livres les plus importants de l’histoire humaine. »
Norman Spinrad :
- « Mais quand il s’y prend habilement, comme c’est indubitablement le cas dans Glissement de temps…, Le Dieu venu du Centaure, Les Androïdes rêvent-ils…, Ubik et quelques autres, il sait nous offrir, à partir de cette confusion métaphysique multiple et contradictoire en soi, une vision véritable, une clarté authentique qui nous illuminent au niveau le plus profond de notre vie spirituelle. »
Fredric Jameson, philosophe américain :
- « … et bien sur, le cycle « métaphysique » tardif, qui comprend ses plus remarquables romans, Ubik et Le Dieu venu du Centaure. ».
Gérard Klein, éditeur du roman en 1970 dans sa collection Ailleurs et Demain :
- « … accueillir le chef-d’œuvre de Dick, Ubik, puis d’autres de ses romans qui ne lui cédèrent guère en qualité… ».
Boris Eizykman, philosophe postfacé par Jean-François Lyotard :
- « L’angoisse de mort est irréversiblement dépassée, la mort n’existe plus qu’en tant que principe de fonctionnement délié de l’énergie dans un présent intensif : tout se passe comme si P. K. Dick avait écrit UBIK pour légitimer cette mutation : livre d’une richesse telle qu’il n’est pas loin d’offrir tout ce que la S.-F. peut émettre en matière de configuration spatio-temporelle.… »