Alexander Wendt - Définition

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Une théorie sociale de la politique internationale

L’ouvrage le plus influent de Wendt est sans aucun doute Social Theory of International Politics (Cambridge University Press, 1999) qui reprend et approfondi son article de 1992 L’Anarchie est ce que les États en font (Anarchy is What States Make Of It), qui se veut une réponse au livre phare Théorie de la politique internationale (Theory of International Politics) de l’auteur réaliste Kenneth Waltz.

Wendt partage avec les réalistes la prémisse que le système des États est en situation d’anarchie. Cependant, il nie le fait que cette absence de pouvoir central implique que les États soient obligés de demeurer dans une situation Hobbésienne de conflit permanent pour survivre. Pour Wendt, la compétition violente n’est qu’une des nombreuses issues de la création d’un système d’États. Il arrive à cette conclusion en relativisant le matérialisme du néoréalisme et en mettant l’emphase sur d’autres variables comme les idées, les normes et la culture. En fait, l’intérêt national, l’identité et le concept même du pouvoir sont constitués par des idées. Par exemple, le fait qu’il n’existe pratiquement plus de guerre de conquête territoriale est une idée ou une convention qui fut remise en cause par l’Allemagne nazie.

Dans Social Theory of International Politics', les idées qui constituent les intérêts et les identités sont dîtes être constituées de manière « intersubjectives ». Elles sont le résultat de l’interaction constante des États les uns avec les autres. C’est ainsi beaucoup plus le processus que la structure qui détermine la politique internationale. La description réaliste du monde est ainsi parfois juste, mais elle n’est pas absolue et intemporelle, elle ne fait partie que du processus de construction ou constitution sociale.

En plaçant les idées, les normes et la culture au centre de son interprétation de la politique internationale, la théorie de Wendt ouvre la porte à la possibilité de transformer le système des États et le rendre par exemple plus juste ou pacifique, ce que nie le structuralisme matérialiste des néoréalistes.

Contexte et aperçu de la théorie sociale de la politique internationale

Depuis la fin de la guerre froide, le réalisme, étant à plusieurs niveaux le paradigme dominant des théories des relations internationales, a subi les assauts du paradigme constructiviste émergent. Les néoréalistes (ou réalistes structurels), s’inspirant des travaux des Kenneth Waltz, ont été tout particulièrement ciblés.

Cette école du réalisme affirme que l’anarchie et la distribution du pouvoir entre les États est le moteur de la politique dans le monde. Les constructivistes répliquent qu’ils manquent un facteur essentiel, notamment les idées partagées de manière intersubjectives qui moulent les comportements en constituants les identités et les intérêts des acteurs.

L’intersubjectivité n’est pas l’objectivité, elle est constituée d’idées, d'éléments impalpables. Elle n’est pas non plus la subjectivité puisque la perception d’un seul acteur d’un évènement ne permet pas de créer une norme. C’est plutôt les subjectivités de plusieurs acteurs qui en arrivent à se rencontrer et à bâtir des passerelles entre elles.

Wendt défie le principe central du néoréalisme qui affirme que l’anarchie force les États à entrer en compétition les uns contre les autres pour assurer leur sécurité. D’après le chercheur, le fait qu’un système soit conflictuel ou pacifique dépend non de l’anarchie et du pouvoir, mais d’une culture partagée. L’anarchie n’a pas de logique intemporelle, elle revêt différentes formes culturelles à travers l’histoire. L’auteur distingue le temps hobbésien, du lockien et du kantien (du nom de philosophes influents). Ces différents états dépendent de la volonté des acteurs à se soumettre leur comportement à différentes « règles » communément acceptée à l’intérieur du système. Parce que la conception qu’un État se fait de lui-même est en partie produite par les gestes diplomatiques de ses pairs, ils peuvent faire évoluer la structure par les gestes qu’ils posent.

Si l’anarchie est bien ce que les États en font, alors le réalisme encaisse un coup dur : les États ne sont pas condamnés par la situation anarchique de la sphère internationale à rechercher le pouvoir relatif et à provoquer constamment des conflits tragiques. Ils peuvent agir pour transformer la culture intersubjective qui constitue le système en consacrant à travers l’habitude des attitudes moins égoïstes pouvant assurer une paix durable.

Le paradigme constructiviste et Wendt

Trois éléments font du constructivisme une théorie à part entière des théories des relations internationales.

Premièrement, la politique mondiale est définie comme guidée par les idées partagées, des normes et des valeurs qu’on les différents acteurs. Le constructivisme se penche tout particulièrement sur l’intersubjectivité du savoir parce qu’ils désirent mettre l’emphase sur l’aspect social de l’existence humaine, sur l’influence du milieu et des interactions sur la constitution de nos comportements. Rien à voir avec la force causale du néo-réalisme, la structure du système, qui est intemporelle et imposée aux agents (On parle d’acteurs dans le constructivisme pour montrer le libre arbitre des unités et d’agents dans les théories réalistes où l’unité est forcée d’agir par le système).

Deuxièmement, la structure idéelle (l’espace intersubjectif) a un rôle constitutif et non seulement constitutif sur les acteurs. C’est-à-dire que la structure invite les acteurs à redéfinir leurs intérêts et leurs identités dans un vaste processus d’interactions. Au contraire des théories dîtes « rationalistes » (néo-libéralisme et néo-réalisme) qui posent les intérêts des États comme des constantes invariables pour définir la force causale qui sous-tend les relations internationales, le constructivisme se penche sur la structure idéelle qui forme la façon dont les acteurs se définissent (qui ils sont, leurs intérêts et comme atteindre leurs buts).

Troisièmement, la structure idéelle et les acteurs se constituent et se définissent constamment l’un l’autre. Si la structure définie le comportement et les intérêts des acteurs, ceux-ci altèrent la structure par leurs agissements. C’est qu’il est difficile, mais pas impossible pour un acteur d’agir en dehors de la structure ou de manière originale. Ce type d’agissements transforment les dialogues et contribuent ainsi à altérer la structure. Les individus ou les États peuvent ainsi défier la structure et se sortir de certaines situations dysfonctionnelles qui perpétuent des pratiques de confrontation par exemple.

Ainsi, pour les constructivistes, il est essential de reconnaître que la réalité d’un acteur est toujours historiquement construite. Elle est le produit de l’activité humaine et peut, au moins en théorie, être transcendée en instituant de nouvelles pratiques sociales. Ce processus de transformation peut être lent, les acteurs affrontant parfois des milliers d’années de socialisation. Seulement, même les structures les mieux enracinées peuvent être remise en question par la simple volonté. L’affirmation néo-réaliste voulant qu’il y ait des schémas universels de la politique internationale, contraint par la structure inaltérable de l’anarchie du système mondial, est très sévèrement critiquée par les constructivistes.

Les théories de Wendt partagent ce corpus constructiviste, mais en dérive aussi grandement. Pour Wendt le corps du constructivisme social est à la fois trop extrême et trop limité dans sa critique du néo-réalisme. Il est trop extrême quand il affirme que les idées sont les seuls éléments importants du système mondial. Wendt soutient plutôt que les forces matérielles existent et qu’ils disposent d’une certaine influence sur le comportement des acteurs. De plus, l’État est un acteur à part entière qui existe indépendamment des interactions avec ses pairs. Il n’est donc pas une construction sociale au même titre que l’argent par exemple. L’État dispose ainsi de quelques intérêts de base qui ne découlent pas de la structure idéelle (comme « l’instinct de survie »).

Le corpus constructiviste est aussi trop limité quand on en vient à tester la théorie des idées en tant que facteur causal face à certaines variables réalistes comme le pouvoir ou les intérêts, sans explorer le degré auquel ces variables apparemment « matérielles » sont en fait constituées par des processus intersubjectifs.

La cible de son ouvrage principal est sans conteste le néo-réalisme de Kenneth Waltz et son « but ultime » est de faire pour le constructivisme ce que Waltz a fait pour le réalisme, c’est-à-dire construire une théorie cohérente et systématique qui met à jours les forces de la structure, cette fois du point de vue des normes et des idées (De là provient la similitude des titres des ouvrages de Wendt et de Waltz).

La théorie constructiviste de Wendt

Les États sont des unités autonomes possédant une identité « corporative » d’acteur souverain qui n’est pas liée à la socialisation avec les autres États. Elle provient de l’intérieur, des pratiques discursives des différents individus et groupes sociaux.

De plus, et ce point est critiqué par les constructivistes plus radicaux, Wendt suggère que l’État a certain besoins essentiels qui proviennent de sa nature d’unité politique autonome : le besoin de survie, l’autonomie, le bien-être économique et l’estime de soi collective (c’est-à-dire le besoin qu’a le groupe de s’apprécier). Wendt soutient aussi que l’État, au moins à ses débuts, a une tendance à agir égoïstement dans ses rapports avec ses pairs.

Wendt reconnait que les membres de groupes, comme la théorie de l’identité sociale l’a démontrée, font preuve de favoritisme entre eux quand ils ont affaire à des individus externes au groupe. Cela signifie que dans les étapes initiales de l’interaction entre les États, on peut s’attendre à une attitude égoïste de la part des différents acteurs.

Cependant, les concessions de Wendt au paradigme néoréaliste ne signifient pas que ces penchants égoïstes seront toujours dominants et que les États n’apprendront jamais à coopérer entre eux. Les interactions entre les États peuvent mener les acteurs à la redéfinition significative d’eux-mêmes. Au cours du processus d’interaction, les États adoptent certains rôles et assignent des rôles aux autres parties. Cela peut mener à l’un des deux scénarios suivants : unes reproduction de la conception égoïste de Soi et de l’Autre ou une transformation de l’espace intersubjectif prônant une plus grande coopération. Le point essentiel pour Wendt est que la structure n’existe pas en dehors du processus de sa création. La structure, insiste-t-il, « existe, a des effets et évolue seulement par les agents et leurs pratiques ». Les acteurs finissent par développer des identités qui englobent l’Autre comme partie intégrante de Soi.

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