Alexander Wendt - Définition

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Introduction

Alexander Wendt (1958- ) est l’une des figures de proue de l'application de la théorie du constructivisme social au champ des relations internationales. Wendt et d’autres chercheurs tels que Nicholas Onuf, Peter J. Katzenstein, Michael Barnett, Kathryn Sikkink, John Ruggie et Martha Finnemore, ont, sur une période de temps assez courte, adaptés une école née en sociologie dans les années 1960 pour établir le constructivisme comme la troisième école de pensée en importance dans le domaine.

Biographie

Alexander Wendt est né en 1958 à Mainz, en République fédérale allemande. Il a fait ses études en sciences politiques et en philosophie au Macalester College avant de décrocher un doctorat en science politiques de l’Université du Minnesota en 1989, sous la supervision de Raymond Duvall. Wendt enseigne ensuite à l’Université Yale de 1989 à 1997, au Dartmouth College de 1997 à 1999, à l’Université de Chicago de 1999 à 2004 et à l'Université d'État de l'Ohio. Il est le conjoint de Jennifer Mitzen, un autre membre de la faculté de science politique de son université.

Il travaille en ce moment sur deux projets : l’explication téléologique de l’établissement inéluctable d’un État-Monde et l’application de la mécanique quantique aux sciences sociales.

La critique de Wendt du réalisme structurel

Wendt soutient que derrière de modèle explicite de la politique internationale de Waltz mettant l’emphase sur l’anarchie et la distribution des capacités matérielles comme facteurs de causalité principaux, se cache un modèle implicite de distribution des intérêts entre les États. Le néoréalisme ne peut expliquer les changements se produisant dans la sphère internationale sans invoquer implicitement l’existence de différents types d’États, ceux qui cherchent à préserver leurs avoirs (États statu quo) et ceux qui désirent transformer le système par la force (États révisionnistes). Les systèmes ne contenant que des États statu quo vivent très différent l’anarchie que les systèmes contenant des États révisionnistes (France de Napoléon, Allemagne d’Hitler).

Wendt suggère que les États statu quo se comportent de manière relativement pacifique (anarchie de type lockéenne ou même kantienne), quand les États révisionnistes adoptent des approches conflictuelles en menaçant jusqu’à l’existence de leurs voisins (anarchie hobbesienne). Cet argument implique que l’anarchie définie simplement par l’absence d’autorité n’a pas de logique propre. En fait, les résultats de l’anarchie et de la distribution du pouvoir dépendront grandement de la distribution des intérêts dans le système (ce que les États veulent).

L’anarchie produit donc des intérêts différents indépendamment de la puissance, ce n’est pas tous les États dominants qui chercheront à anéantir leurs voisins. Le néoréalisme de Waltz est ainsi incomplet. La variable implicite de la distribution des intérêts comble les lacunes de cette théorie. Au final, si les États ont en commun certains besoins de base (autonomie, survie, estime), la façon dont ils vont manifester ces besoins est fruit de l’interaction sociale.

Les trois cultures de l’anarchie

Nous avons vu plus haut qu’il existe plusieurs types d’anarchies. Elles se définissent toutes négativement par l’absence de pouvoir central, mais cette affirmation reste incomplète. Wendt dénombre trois cultures distinctes (quatre dans ses plus récents travaux sur la gouvernance mondiale), chacune nommée en l’honneur d’un philosophe politique. Dans tous les cas, les États adoptent des rôles spécifiques les uns avec les autres qui s’accompagnent de comportements caractéristiques.

Dans la culture hobbesienne (du philosophe anglais Thomas Hobbes), qui a dominée les affaires mondiales selon Wendt jusqu’au XVIIe siècle, chaque État voit ses pairs comme des ennemis. L’Autre est considéré comme une menace constante qui ne s’imposera aucune limite dans l’usage de la violence.

Dans la culture lockéenne (du philosophe anglais John Locke), qui caractérise l’État moderne depuis le Traité de Westphalie de 1648, les États se voient les uns les autres comme des rivaux. Ils peuvent utiliser la violence pour faire avancer leurs intérêts, mais ils n’iront jamais jusqu’à menacer l’existence corporative d’un autre État.

Dans la culture kantienne (du philosophe allemand Emmanuel Kant), qui émerge lentement dans les relations entre les démocraties, les États se voient comme des partenaires. Ils n’utiliseront pas la force les uns contre les autres, mais collaboreront plutôt pour faire face aux menaces à la sécurité.

Dans toutes ces cultures, les normes de comportement sont connues par les acteurs et sont partagées à un certain degré. Les normes peuvent être internalisées à trois nivaux. Au premier niveau, comparable à la vision du monde néoréaliste, la soumission à la norme découle uniquement de la coercition, l’acteur accepte en raison de la menace de punition provenant de la relative supériorité des autres acteurs.

Au second niveau, se rapprochant plutôt de la vision néolibérale, les acteurs se conforment aux normes, non parce qu’ils les jugent légitimes, mais simplement parce qu’ils y retrouvent leur intérêt.

Au premier et au second niveau, l’accord est purement instrumental. Lorsque la balance des pouvoirs change ou que les coûts augmentent par rapport aux bénéfices, la norme est abandonnée. Au troisième niveau, celui de la logique constructiviste, les États ont accepté les normes comme légitimes et faisant partie d’eux-mêmes. Ils s’identifient aux attentes des Autres et les incluent à l’intérieur de leur frontière cognitive. C’est seulement à ce niveau que la norme « construit » véritablement les États en influençant leurs intérêts et leurs identités d’acteurs.

Puisqu’il y a trois formes de culture qui dépendent des normes suivent par les acteurs et trois degrés d’internalisation de ces normes, Wendt dépeint le système international comme étant à n’importe lequel d’un des neuf modes à un temps donné. Sur un axe horizontal, de gauche à droite on retrouve les « degrés de coopération » représentés respectivement par les cultures Hobbesienne, Lockéenne et Kantienne. Sur un axe vertical, de bas en haut, se retrouvent les trois degrés d’internalisation.

La grille trois par trois offre quelques avantages. Elle permet entre autres de voir les systèmes conflictuels Hobbesien comme un produit d’idées internalisées et partagées au troisième degré (une construction sociale) et pas seulement comme un produit de forces matérielles (la perspective réaliste). De plus, de hauts niveaux de coopération (une culture kantienne), peuvent être les produits d’un intérêt égoïste étroit si l’obéissance provient de la menace de punition (premier degré) ou des simples bénéfices de la coopération (second degré). Les conflits n’appuient donc pas le réalisme tout comme la coopération ne valide pas le libéralisme ou le constructivisme. Tout dépend en fait du degré d’internalisation, de la raison pourquoi l’acteur agit de manière coopérative ou conflictuelle, de la raison pour laquelle ils se traitent en ennemis, en rivaux ou en amis.

L’affirmation centrale de Wendt est que la culture dans laquelle les États se retrouvent a un temps donné dépend des pratiques sociales discursives qui reproduisent ou transforment les visions partages de soi et des autres. L’anarchie est ce que les États en font. Un système hobbesien ne peut se perpétuer qu’à la condition que les acteurs continuent d’agir les uns face aux autres de manière égoïste et agressive. Une telle culture n’est pas le résultat inévitable de l’anarchie et de la distribution matérielle du pouvoir, comme l’affirment les néoréalistes. En fait la realpolitik est une prophétie qui se réalise elle-même.

Si les acteurs agissent différemment, en traitant l’Autre de manière plus équitable, la culture hobbesienne peut progressivement évoluer vers une forme lockéenne ou kantienne. Il ne faut surtout pas oublier, nous dit Wendt, que les cultures ne sont pas des faits donnés, mais bien les produits de processus historiques et sociaux. Le « gros bon sens » d’aujourd’hui au sujet des relations internationales est lui-même un produit d’idées ayant évolué au fil des temps et pas une réflexion de la nature intrinsèque des États. En adoptant de nouvelles façons de faire, les États peuvent initier de nouvelles structures idéelles qui peuvent aider les acteurs a transcender les problèmes de l’action collective et les méfiances historiques.

La perspective constructiviste qui regarde l’égoïsme comme un produit du processus social nous aide à voir que l’intérêt personnel n’est pas une caractéristique essentielle et éternelle du comportement des acteur. Comme l’affirme Wendt : « Si l’intérêt personnel n’est pas perpétué par la pratique, il disparaitra ».

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