La Société des Papeteries Aussedat fournissait Bull en cartes mécanographiques. Depuis 1932, elle avait réalisé d'importants investissements dans ce domaine et était représentée au Conseil d'Administration de Bull par Jacques Callies. La menace d'une absorption de la Compagnie par IBM inquiétait fort Aussedat, car IBM exigeait de ses clients qu'ils lui achètent les cartes en exclusivité. Cette situation est analysée par les dirigeants d'Aussedat, apparentés à la famille Michelin, et c'est l'avis de l'ancêtre Édouard Michelin qui emporte la décision : de même qu'il fallait éviter le rachat de Citroën par la General Motors, il ne faut pas que la Compagnie Bull tombe dans les mains des Américains.
Et la famille Callies, conjointement avec d'autres actionnaires des Papeteries Aussedat décide de prendre le contrôle majoritaire de l'entreprise. Elle en prend la direction en la personne de Jacques Callies, ancien officier issu de l'Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr, nommé administrateur délégué de Bull en décembre 1935, puis président-directeur général. Il remplira cette fonction jusqu'à sa mort en novembre 1948 et aura comme successeur son frère Joseph Callies, centralien, Directeur Technique des Papeteries Aussedat puis de CMB.
L'équipe qui animera et assurera pendant près de 30 ans l'expansion de la Compagnie est désormais en place. Comme est en place la forme de capitalisme familial qui la gèrera jusqu'en 1964 - les Callies possédant 55 % du capital - ainsi que l'esprit qui caractérise la Compagnie : sentiment que chaque employé est important, paternalisme social, conviction d'être les meilleurs, souci extrême du client. À l'instar de Michelin, dont la " culture d'entreprise", semble avoir influencé Bull, la compagnie fait fi des titres officiels et des organigrammes rigides.
Un bon exemple en est donné par le rôle de Roger Clouet, jeune employé recruté par la compagnie vers 1933. Doué d'un véritable génie de la mécanique, à la fois pour la conception des machines et pour leur adaptation aux besoins des clients, Clouet devient, dans les années quarante, le véritable directeur technique de Bull, où il formera une partie de la nouvelle génération d'ingénieurs recrutés après guerre.
Les responsables, à commencer par les Callies, ont laissé l'image de dirigeants habités par le sens du devoir et payant de leur personne, arrivant tous les matins à 8 heures en conduisant une voiture personnelle, sans véhicule de fonction, ni chauffeur ni parking réservé. Une interview de Joseph Callies (Entreprise, n° 117, 30 novembre 1957) résume bien l'esprit maison de la Compagnie :
J. Callies insiste sur la nature novatrice de son activité (l'âge moyen personnel est de 35 ans à l'époque de l'interview) et le patriotisme, vis-à-vis de Compagnie (le crime majeur, jamais commis, serait de quitter Bull pour IBM) et envers le pays : le fait que Bull soit une firme à 100 % française est un argument fréquemment utilisé, notamment dans les négociations avec les administration clientes. Les contraintes particulières à la profession se manifestent aussi, dès les premières années : mise en essai gratuit, location, achat par mensualités, aspect saisonnier de la vente, ralentissement des ventes en cas d'annonce d'un nouveau modèle, puis retour de matériel… Les difficultés essentielles de la Compagnie demeureront financières, liées à une certaine sous-capitalition. Par ailleurs, le gouvernement n'a pas accordé à la Compagnie l'aide qu'elle a sollicitée à plusieurs reprises.