L’homme commence à détourner à son profit les qualités intellectuelles du capucin. De plus en plus, il est employé pour venir en aide aux handicapés tétraplégiques privés de l’usage de leurs mains. Du fait de sa motivation naturelle et de son habileté exceptionnelle dans la manipulation d’objets, de son attention et de sa tendresse assorties d’une longévité remarquable (jusqu’à 48 ans en captivité), le capucin constitue un assistant précieux. Il lui suffit de répondre à une soixantaine d’ordres (ouvrir le réfrigérateur, manipuler la télécommande, tourner les pages d’un livre, etc.), ce qu’il apprend sans peine. Même s’il existe un risque de dérive, ce type d’utilisation ne menace pas le destin des spécimens sauvages.
L’utilisation des primates pour aider les hommes handicapés n’est pas nouvelle : à la fin du XIXe siècle, un babouin servait de second à un aiguilleur de chemin de fer sud-américain amputé des deux jambes. Le babouin poussait le fauteuil roulant de l’aiguilleur jusqu’à son poste de travail, et là, sous la surveillance de son maître James Wilde, il actionnait divers leviers.
Lors d’une expérience réalisée en captivité sur des sapajous, Frans B. M. de Waal et Michelle L. Berger, deux chercheurs de l’université d’Emory à Atlanta (Géorgie), sont parvenus à démontrer que ces primates ne rechignent pas à coopérer même s’ils savent qu’ils ne seront pas tous récompensés. En retour, la coordination mutuelle de leurs efforts débouche sur un partage spontané des ressources plus fréquent que lorsque le primate agit seul.
Dans cette expérience, un couple de sapajous est installé dans une boîte et les individus séparés par une cloison maillée. Devant chacun d’eux un bol transparent est disposé sur un plateau, un seul bol contenant des quartiers de pommes. Le plateau est suffisamment lourd pour ne pouvoir être ramené que grâce à la force conjointe de la paire. Après avoir uni leurs efforts pour tirer vers eux le plateau, l’unique primate récompensé partage volontiers ses bouts de pomme à travers la cloison alors qu’il aurait la possibilité physique de ne pas le faire. Lorsqu’un seul sapajou est mis à contribution pour ramener le plateau, il se montre moins enclin à partager. Ainsi, l’aide stimule-t-elle le partage et le partage stimule-t-il l’aide.