Très controversée dès son achèvement, elle constitue, non seulement une œuvre capitale de Matisse, mais aussi un témoignage de l'évolution de l' art sacré au XXe siècle. Extérieurement, l'architecture est très dépouillée, rien ne semble indiquer qu'il s'agit d'une chapelle si ce n'est une immense croix de fer forgé aux "appogiatures" dorées à la feuille par le doreur Attilius Arrighi. Elle comporte deux nefs convergentes, l'une pour les religieuses, l'autre pour les laïcs. A l'intérieur, sous les vitraux aux motifs de teintes vertes, jaunes et bleues, les dessins de Matisse se découpent sur un fond de céramique blanche : saint Dominique, la Vierge et l'Enfant, le chemin de croix. Même les ornements sacerdotaux ont été conçus dans un esprit « coordonné ». L'autel est tourné à 45°, vers l'Est et pour regarder à la fois les deux nefs. Il est réalisé dans une pierre dont la texture et la couleur sont censées évoquer le pain.
Dans une galerie adjacente, des esquisses et projets de Matisse relatent les étapes franchies par l'artiste jusqu'à l'achèvement de l'œuvre définitive.
Chacune des stations du chemin de croix est accompagnée d’une méditation dont le choix incomba à un religieux de la congrégation des Dominicains. Simplifié à l’extrême le dessin des scènes évoque l’humilité et le dépouillement. Le Christ nous y est montré volontaire. Matisse choisit des carreaux de céramique uniformément blancs afin d’accentuer au maximum le contraste avec le dessin noir - contraste approprié au tragique conflit de la vie et de la mort. Les deux autres sujets de décoration réalisés sur panneaux de céramique (La Vierge à l’enfant et Saint Dominique) furent l’objet de nombreuses séries d’étude. L’ensemble devant être très épuré,Matisse a réalisé le dessin du chemin de croix,de la Vierge et du grand Saint-Dominique à même la céramique posée au sol. Le peintre,en état de méditation, les yeux fermés pour une concentration maximale,était juché sur une estrade ,le pinceau trempé dans l'émail et accroché au bout d'une canne à pêche: mais s' il a pu réaliser ainsi d'un seul jet ces fresques, ce ne fut qu'après un long travail préparatoire de centaines d'esquisses sur papier.
Journal du père Couturier le 9 août 1951:
" Parlant des stations du chemin de croix dont il a recommencé sans fin les études, Matisse me disait: Ces choses-là il faut les savoir tellement par cœur qu'on puisse les dessiner les yeux fermés."
Les vitraux, en correspondance directe avec les céramiques, constituent l’alternative indispensable à l’ « équilibre expressif de deux forces, la couleur du vitrail du côté droit et le blanc et noir sur tout le côté gauche ». Le vert, le jaune et le bleu, couleurs dominantes, s’inspirent de motifs végétaux.
En réalisant cet ultime travail pour la Chapelle du Rosaire à Vence, Matisse démontre ce qu’il a toujours proclamé, à savoir que l’art excède les « sensations rétiniennes » : « Je ne travaille pas sur la toile mais sur celui qui la regarde » déclare-t-il. Dans cet esprit, Matisse conçoit et effectue les éléments architecturaux (atelier blanc, porte du confessionnal et autel), les vitraux (Le Ciel sur la terre, Jérusalem céleste, Les Abeilles, Le Vitrail bleu pâle, L'Arbre de vieet des vitraux annexes comme "le Poisson à l'Étoile" ou un projet de vitrail "Crucifixion" non abouti), les céramiques (Pages murales, Le Chemin de croix, La Vierge à l’enfant), (Saint Dominique, Le Médaillon de la Vierge) et les chasubles, ce qui explique leur excellente coordination et la parfaite harmonie d'ensemble.