La Place Saint-Sauveur : Hôtel de Fouet ; Hôtel Marescot de Prémare ; Hôtel Canteil de Condé
L'Île Saint-Jean : Hôtel de Blangy ; Hôtel le Brun de Fontenay
À partir de la fin du XVIIe siècle et du début du XVIIIe siècle, la foire de Caen connut un développement assez important et la population passa de 25 000 à 32 000 habitants ; la vielle ville se densifia encore un peu plus, on rajouta un étage, le plus souvent le quatrième, aux maisons existantes. Les problèmes de circulation se firent de plus en plus difficiles à gérer. Caen était encore une ville à la physionomie héritée du Moyen Âge. Excepté le quartier de la place Royale, le reste de la cité était composé de rues étroites et de ruelles sinueuses, scindées par de nombreux cours d’eau (Noë, Petit et Grand Odon).
Mais au XVIIIe siècle, la ville de Caen s’inscrivit dans le grand mouvement de renouveau urbanistique à l’œuvre en France. En 1735, une ordonnance des échevins de Caen ordonna le réaménagement de la place Saint-Sauveur ; on fit donc détruire les anciennes bâtisses médiévales, construites sur des porches, pour permettre aux plus fortunés de construire de somptueux hôtels particuliers sur un nouvel alignement. L’Hôtel de Fouet au no 20 bâti vers 1750 se distingue toutefois par sa taille. Derrière une apparence identique, on peut distinguer des différences entre chaque élément : la clé des baies est tantôt simplement épannelée, tantôt ornée d’une agrafe rococo. Autre différence, tous les immeubles ne sont pas dotés de portes-cochères. Entre 1752 et 1775, le baron François-Jean Orceau de Fontette, intendant de la Généralité de Caen, vint compléter ce réaménagement en créant une nouvelle artère, la rue Saint-Benoît (actuel rue Saint-Guillaume), se greffant au réseau viaire ancien grâce à la place Fontette. Le Palais de Justice, construit en 1781 et les années 1830-1840, fait l'articulation entre les places Saint-Sauveur et la Fontette qui forment aujourd’hui encore un très bel ensemble caractéristique de l’urbanisme et de l’élégance du XVIIIe siècle, heureusement épargné dans sa quasi-totalité par les bombardements de 1944.
L'Hôtel de Fouet, au no 20 actuel, a été construit vers 1740 pour monsieur Fouet, un riche drapier caennais. L’hôtel ne respecte pas totalement les normes prescrites par l’intendant Fontette ; pour voir et être vu, il orne son premier étage d’un balcon orné qui court sur toute la façade et dont le garde-corps en ferronnerie est remarquable. Les baies de cet étage sont surmontées de clés en forme de coquille avec des motifs champêtres et rococo qui se déploient sur toute la largeur de la baie. Ainsi l’étage noble est-il bien marqué. Entre les consoles qui soutiennent le balcon, surmontant les ouvertures du rez-de-chaussée, apparaissent des visages sculptés représentant des allégories comme la Mort ou le Temps. Ainsi, bien que l’alignement ne soit pas formellement rompu, l’hôtel Fouet se distingue des immeubles voisins par l’ampleur et la hauteur de sa façade, ainsi que par la richesse exceptionnelle de sa décoration.
Pratiquement face à l’hôtel de Fouet, construit par un membre de la bourgeoisie qui s’affirmait de plus en plus au XVIIIe siècle, l’aristocrate Vincent Canteil de Condé, mousquetaire du roi et seigneur de Condé-sur-Seulles, racheta en 1747 une maison à pans de bois appartenant à l’abbaye d’Ardenne et la remplaça par un hôtel particulier qui porte son nom, au no 19. La reconstruction ne fut pas totale puisque l’on peut encore voir une échauguette sur la façade arrière. Cette demeure présente sur la rue une façade régulière percée d'une porte cochère surmonté d'un fronton. La porte a conservé un beau heurtoir de style Louis XV. Une plus vaste emprise au sol et une décoration plus simple le distingue de l’hôtel de Fouet.
Place Saint-Sauveur, vue générale | ||