Place Saint-Sauveur | |
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Situation | |
Coordonnées | |
Pays | France |
Région | Basse-Normandie |
Ville | Caen |
Quartier | Centre-ville ancien |
Morphologie | |
Type | Place fermée |
Forme | Triangulaire |
Superficie | 7 000 m2 |
Histoire | |
Création | 2e moitié XVIIIe siècle |
Anciens noms | Place du Marché Place du Pilori Place de la Justice |
Monuments | Église du Vieux Saint-Sauveur Hôtels particuliers Statue de Louis XIV |
Protection | En partie ISMH Site du centre historique |
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Épargnée dans sa quasi-totalité par les bombardements de 1944, la place Saint-Sauveur est l'un des plus anciens espaces publics de la ville de Caen. Bien qu'elle soit malheureusement enlaidie par son utilisation comme parking à ciel ouvert, elle offre aujourd’hui un magnifique exemple de l’urbanisme et de l’élégance de l'époque classique.
Depuis le Moyen Âge, la place Saint-Sauveur est un des principaux espaces publics de Caen. Le seul accès à la vieille ville pour la population de Bourg-l’Abbé, enserrée dans ses propres murailles, ou pour les personnes venant de l’ouest (Bessin, Cotentin, Avranchin ou Bretagne) se faisait par l’étroit pont-levis de la Porte Saint-Martin reliée à la place Saint-Sauveur par la rue Pémagnie, peu large et tortueuse ; la place se finissait en effet à l’ouest sur un cul-de-sac appelé le Coignet aux Brebis, secteur isolé au pied des remparts et peu recommandable qui servit notamment de cimetière pour les Huguenots qui devaient être inhumés nuitamment dans des lieux secrets suite à la révocation de l'Édit de Nantes en 1685. La place, alors nommée place du Pilori ou du Vieux Marché jusqu’en 1776, étaient bordée de maisons en bois bâties sur des porches formant des passages couverts.
Comme le démontrent les différentes dénominations de la place, cet espace public remplissait plusieurs fonctions, outre celle de transit. S’y tenait un des plus anciens marchés de la ville. La proximité de l’université entre la rue de la Chaîne (rue Pasteur) et la rue Saint-Sauveur en faisait le lieu de prédilection pour les étudiants qui y logeaient et qui venaient s’y détendre après les cours. Elle était également utilisée pour des missions nettement moins heureuses : on y installait en effet l’échafaud et le pilori. Les prisonniers étaient sortis de la prison de la rue de Geôle, parcouraient la rue Saint-Pierre, se recueillaient place Belle-Croix (place Malherbe actuelle), puis remontaient la rue aux Fromages, surnommée rue Monte-à-Regret, pour finir leurs jours place du Pilori. De manière peut-être plus lugubre encore, on y exposait les cadavres des suicidés, pendus au gibet par les pieds.
A partir de la fin du XVIIe siècle et du début du XVIIIe siècle, la foire de Caen connut un développement assez important et la population passa de 25 000 à 32 000 habitants. La ville atteint son pic de population ; selon Jean-Aimar Piganiol de La Force, la ville compterait environ 50 000 habitants en 1754. La vielle ville se densifia encore un peu plus, on rajouta un étage, le plus souvent le quatrième, aux maisons existantes. Les problèmes de circulation se firent de plus en plus difficiles à gérer. Au XVIIIe siècle, Caen était encore une ville à la physionomie héritée du Moyen Âge. Excepté le quartier de la Place Royale (actuellement place de la République) aménagé au XVIIe siècle sur une ancienne prairie entre Noë et Grand Odon, les Petits Prés, le reste de la cité était composé de rues étroites et de ruelles sinueuses, scindées par de nombreux cours d’eau (Noë, Petit et Grand Odon). La paroisse Saint-Sauveur ne faisait pas exception à ce tableau. En 1688, la rue Pémagnie fut en partie redressée et élargie. Dix ans plus tard, on déplaça le petit cimetière qui se situait devant et autour de l’église, mais des maisons envahirent rapidement l'espace laissé libre rue de la chaîne et rue Saint-Sauveur.
Mais au XVIIIe siècle, la ville de Caen s’inscrivit dans le grand mouvement de renouveau urbanistique à l’œuvre en France. En 1735, une ordonnance des échevins de Caen ordonna le réaménagement de la place Saint-Sauveur ; on fit donc détruire les anciennes bâtisses médiévales pour permettre aux plus fortunés de construire de beaux hôtels particuliers sur un nouvel alignement. L’un de ces premiers fut l’Hôtel de Fouet (n°20 actuel), construit vers 1740. Derrière une apparence identique, on peut distinguer des différences : les clés des baies sont parfois simplement épannelées ou au contraire ornées d’une agrafe rocaille et tous les immeubles ne sont pas dotés de portes-cochères. Afin de respecter l’alignement, on n’hésita pas à élever une façade classique sur l’église du Vieux Saint-Sauveur en avant de l’ancien portail du XVe siècle. Ce bel ensemble, caractéristique de l'urbanisme de l'époque classique, a été rehaussé par l’installation dans les années 1960 d’une statue de Louis XIV.
Entre 1752 et 1775, le baron de Fontette, intendant de la Généralité de Caen, vint compléter ce réaménagement. Il fit raser une partie des remparts vers le Coignet aux Brebis, combler les fossés et perça une rue rectiligne depuis la place des Petites Boucheries à travers les jardins de l’Abbaye aux Hommes (dont les bâtiments conventuels étaient d’ailleurs en cours de reconstruction depuis 1704) ; au bout de cette nouvelle voie, la rue Saint-Benoît (actuelle rue Guillaume-le-Conquérant), on aménagea une place octogonale, nommée place Fontette à partir de 1763. Les rues Saint-Pierre et Écuyère furent également alignées et élargies afin de permettre un accès direct et rapide au centre de la ville. Un nouveau Palais de Justice, avec une façade gréco-romaine, fut élevé à partir de 1781 ; les travaux, interrompus par la Révolution, reprirent en 1809 et on acheva alors l’aile sur la place Saint-Sauveur. Jouxtant l’ancienne place du Pilori, la création du dispositif place Fontette–rue Saint-Benoît a permis de délester la vieille place d’une très grande partie du trafic qui l’encombrait et d’améliorer ainsi sensiblement la circulation à Caen.
En 1873, une statue d’Élie de Beaumont est érigée au centre de la place. Fondue par les troupes du Troisième Reich pendant la Seconde Guerre mondiale pour fabriquer des obus, elle est remplacée après la Libération par une statue de François de Malherbe. Cette dernière est ensuite transférée sur la place Pierre Bouchard afin d'installer la statue de Louis XIV réalisée par Louis Petitot en 1828 pour l'ancienne Place Royale.
La place a été peu touchée par les bombardements lors de la bataille de Caen en 1944. Les bâtiments encadrant l'entrée de la rue aux Fromages ont toutefois été entièrement détruits.