L'Institution libre d'enseignement (Institución Libre de Enseñanza ou ILE) est une célèbre tentative pédagogique réalisée en Espagne au XIXe siècle, qui s'inspirait de la philosophie de de Karl Christian Friedrich Krause (Krausisme). Elle eut des répercussions exceptionnelles dans la vie intellectuelle de la nation et joua un important röle rénovateur. Elle fut créée en 1876 par un groupe de professeurs d'université (Francisco Giner de los Ríos, Gumersindo de Azcárate et Nicolás Salmerón, entre autres) qui avaient quitté l'Université centrale de Madrid pour défendre la liberté d'enseignement et refuser de s'aligner sur un quelconque dogme religieux, politique ou moral.
En conséquence, ils durent poursuivre leur ouvrage en marge de l'État en créant un établissement d'enseignement privé laïque, qui commença en premier lieu par l'enseignement universitaire pour s'étendre ensuite à l'éducation primaire et secondaire.
Les intellectuels les plus progressistes du pays donnèrent leur appui au projet: Joaquín Costa, Augusto González de Linares, Hermenegildo Giner et Federico Rubio, ainsi que d'autres personnalités très impliquées dans la rénovation éducative, culturelle et sociale.
À partir de 1881, des professeurs formés à la ILE commencèrent à y enseigner (Manuel Bartolomé Cossío, qui succéda à Giner à la tête de l'institution, Ricardo Rubio, Pedro Blanco, Ángel do Rego, José Ontañón, Pedro Jiménez-Landi, etc.). Leur apport consolida le projet et assura son avenir, si bien que, jusqu'à la Guerre Civile de 1936, il devint le vivier de la culture espagnole et servit de passerelle à l'introduction en Espagne des théories pédagogiques et scientifiques étrangères les plus avancées.
La longue liste des collaborateurs du Bulletin de l'institution Libre d'Enseignement en atteste: Bertrand Russell, Henri Bergson, Charles Darwin, John Dewey, Santiago Ramón y Cajal, Miguel de Unamuno, Maria Montessori, Léon Tolstoï, H. G. Wells, Rabindranath Tagore, Juan Ramón Jiménez, Gabriela Mistral, Benito Pérez Galdós, Emilia Pardo Bazán, Azorín, Eugeni d'Ors, Ramón Pérez de Ayala, Julián Sanz del Río, Antonio Machado Álvarez, Antonio Machado et son frère Manuel Machado, Julio Rey Pastor, Luis Simarro, Nicolás Achúcarro, Francisco Barnés ou encore Alice Pestana.
Ainsi, à travers un réseau d'instituts associés, la ILE mena de grandes recherches sur le passé espagnol (le dénommé Centro de Estudios Históricos, Centre d'études historiques, dirigé par le fondateur de la philologie hispanique, Ramón Menéndez Pidal) et établit des contacts entre les élites artistiques espagnoles et les avant-gardes européennes (la Residencia de Estudiantes, mise en place par Alberto Jiménez Fraud) et scientifiques (la Junta para la Ampliación de Estudios, mise en place par José Castillejo).
La Génération de 27 est, d'une certaine manière, une émanation de l'Institution libre d'enseignement, et l'œuvre de cette dernière consista surtout à atteindre la syntonie culturelle et scientifique avec l'Europe peu avant que tout cet effort de modernisation fût mis à bas par le Guerre Civile espagnole, au cours de laquelle tous ses biens furent confisqués et la grande majorité de ses membres fut obligée à prendre l'exil, ceux qui restèrent devant faire face à la censure, à la persécution plus ou moins voilée et à la déconsidération du travail accompli, qui était considéré comme antinational et antihispanique par ses détracteurs. À l'extérieur, les exilés se dispersèrent en Europe et surtout en Amérique hispanique, où ils contribuèrent activement à la vie culturelle de ces pays.