Sur les façades des immeubles les mascarons accompagnent notre environnement urbain. Mais il ne s'agit pas de simples masques, ils reflètent aussi les mœurs et les gôuts d'une époque révolue.
La franc-maçonnerie, solidement implantée en Angleterre au début du XVIIIe siècle, se développe en France avec les premières loges parisiennes vers 1726. À Bordeaux la première loge anglaise a été créée en 1732. Selon les travaux de Johel Coutura, Bordeaux accueillait plus de 2 000 maçons à la fin du XVIIIe siècle. Ainsi en 1745, Étienne Morin négociant entre les Antilles et Bordeaux, fonda la Loge Écossaise de Bordeaux.
Plusieurs mascarons bordelais font apparaître depuis le XVIIIe siècle des symboles de la franc-maçonnerie.
L'hôtel particulier au 15, cours Georges Clemenceau du marquis de Canolle qui fut a priori franc-maçon, présente sur sa façade des médaillons avec des symboles franc-maçon. Un mascaron au 22 rue Fernand Philippart présente un symbole maçonnique sur son torse. Au début du XXe siècle, un mascaron sur une maison particulière du 9, rue de Mexico intègre un compas et des équerres dans ce visage de type art-déco. Au 52, Cours de l'Intendance un mascaron sculpté en 1990 par François Caldéron lors de la restauration de l'immeuble, représente un visage une main sur le cou les doigts à l'horizontale et le pouce levé à l'équerre. La position de la main et du pouce est un signe maçonnique indiquant « plutôt avoir la gorge tranchée que de dévoiler le secret ».
La traite négrière fit la richesse de la ville de Bordeaux avec le commerce triangulaire. Des mascarons gardent la mémoire de ce commerce. Ainsi un visage africain portant des boucles d'oreilles est sculpté sur une façade de la rue d'Aviau à proximité du jardin public. Le visage d'une femme de race noire est reproduite sur les façades du pavillon central de la place de la Bourse, rue Fernand Phillippart.
D'autres mascarons font découvrir aux bordelais les contrées lointaines : un visage turc au 33, quai Richelieu, des visages de « sauvages » au 28, place Gambetta (hôtel de Verduzan), au 28, quai Richelieu, une tête de marin au 54, rue du Mirail.
Au 158 de la rue Sainte-Catherine, un mascaron représente le visage de Jésus-Christ portant une couronne d'épines. L'ancien hôtel de nice et du commerce, situé 2, place du Chapelet, est décoré avec des mascarons présentant les vertus chrétiennes, reprises de l'antiquité : la Foi avec une croix et un calice, la Justice avec une balance et la Prudence avec un miroir et un serpent.
La présence d'une communauté juive est attestée depuis plusieurs siècles à Bordeaux. Celle-ci s'accroît considérablement après la promulgation du décret de l'Alhambra par lequel les rois catholiques décident d'expulser les juifs de la péninsule Ibérique. La communauté juive bordelaise restera florissante, fournissant quelques grands noms dans les domaines de la littérature, des arts, du commerce et de la politique (Gradis, Raba, Nunés Pereyra, Pereire ou encore Mendès).
Cette présence juive se retrouve dans des mascarons bordelais.
L'hôtel particulier construit en 1719 pour le négociant et banquier Antoine-Salomon Francia (1680-1760), au 54, rue du Mirail présente un mascaron au visage d'un enfant surmonté d'une étoile de David à six branches. Le mascaron représenterait Louis-David un des onze enfants du propriétaire. L'hôtel de Gascq situé rue du Serpolet présente lui aussi un mascaron mais avec une étoile à cinq branches. Sur l'une des façades de la Maison des étudiantes (angle de la rue Ligier et du cours de la Libération) construite en 1931 par l'architecte Robert Touzin, le visage d'une jeune fille avec une étoile de David au front.