Gross-Gerau est actuellement une ville de 23 500 habitants dans le Land de Hesse, à 30 kilomètres au sud-ouest de Francfort-sur-le-Main. Des Juifs se sont installés dans la ville dès le Moyen Âge, mais la communauté n'a pris son essor qu'à partir du XIXe siècle. La synagogue de Gross-Gerau a été inaugurée en 1892, et détruite par les nazis, comme de nombreuses autres synagogues d'Allemagne, pendant la nuit de Cristal en 1938.
Des Juifs ont vécu à Gross-Gerau dès le Moyen Âge : un document fait état qu'en 1339, le comte Guillaume de Katzenelnbogen avait réussi à leurs extorquer dix hallers. En 1401, on compte quatre Juifs, trois hommes et une femme, redevables de la Judengeld (argent des Juifs) et une maison est connue sous le nom de des juden huss (la maison des Juifs).
La présence des Juifs à Gross-Gerau variera lors des siècles suivants en fonction des expulsions et ne restera que très marginale jusqu'au début du XVIIIe siècle. Une première synagogue existe dès 1620 mais elle sera détruite quelques années plus tard lors de la guerre de Trente Ans (1618-1648).
En juillet 1660, les Juifs de Gross-Gerau demandent l'autorisation de reconstruire une synagogue au landgrave Georges II, en justifiant que de nombreux Juifs de la ville et de ses alentours ont besoin d'un lieu de prière. Le landgrave leur accorde l'autorisation, contre l'avis d'un de ses conseillers, le superintendant Fentzer. Mais deux ans plus tard, en 1662, son successeur le landgrave Louis VI annule cette autorisation et fait même fermer la synagogue de la ville voisine de Rüsselsheim. En 1663, il expulse trois familles juives vivant à Gross-Gerau : Menle, 60 ans, marchand, installé dans la ville depuis trente ans, avec sa femme et ses deux enfants, Isaak, 40 ans, négociant en fruits et bétail, en ville depuis douze ans, avec sa femme et ses cinq enfants et Moses, veuf avec ses trois enfants, en ville depuis dix ans, qui vont toutes s'installer à Pfungstadt.
Les Juifs restants doivent se trouver un lieu de prières et sont obligés de se rendre dans des localités dépendant de l'autorité de Mayence (voir aussi : Histoire des Juifs de Mayence) pour passer les fêtes. En 1665, ils célèbrent leurs offices dans la maison de Jacob Götschel.
En 1696, trois familles juives habitent en ville, dont deux seront expulsées. Les familles juives vivent du négoce de bestiaux, de chevaux, du commerce de la toile et de la dentelle.
En 1725, 5 familles juives vivent à Gross-Gerau. En 1738, ce sont 60 personnes, en 1744, 70 personnes et en 1770 12 familles. Une communauté juive est officiellement crée en 1728, à laquelle sont rattachées aussi les familles juives vivant dans les communes voisines de Klein-Gerau et de Wallerstädten.
Aux XVIIIe et XIXe siècles, de nombreux commerçants juifs viennent régulièrement au marché aux bestiaux de Gross-Gerau. En 1829, il y a 45 habitants juifs à Gross-Gerau, soit 3,8 pourcents de la population totale de la ville qui se monte à 1 719 habitants. En 1861, il y a 68 Juifs, soit 2,8 pourcents des 2 426 habitants, en 1875, 127 Juifs et en 1885 141 Juifs, soit 4,1 pourcents des 3 360 habitants. En 1900, 126 sur un total de 4 486 soit 2,8 pourcents et en 1910 140 Juifs sur un total de 5 594 soit 2,5 pourcents.
À partir de 1741, la communauté juive possède une synagogue, et va entreprendre de construire une école religieuse, un bain rituel (mikvé), et un cimetière. La communauté n'étant pas très importante, l'enseignant à l'école, conduit aussi les offices et pratique la Shehita (abattage rituel). Depuis le milieu du XIXe siècle, la communauté dépend du rabbinat libéral de Darmstadt, mais les offices sont pratiqués selon le rite orthodoxe.
En 1892 une nouvelle synagogue plus importante est inaugurée au centre ville. Sous la république de Weimar, les Juifs participent activement à l'économie de la ville et ouvrent de nombreuses entreprises industrielles ou de négoce. En 1925, il y a 200 Juifs soit 3,3 pourcents de la population totale d'environ 6 000 habitants.
À partir du 30 mars 1933, les nazis lancent une campagne de boycottage contre les magasins et entreprises juives, accompagnée d'insultes et de brutalités à l'égard des Juifs. En 1933, la population juive s'élève à 167 personnes, mais beaucoup vont quitter la ville : 31 réussissent à partir à l'étranger dont 25 aux États-Unis, 5 en France et 1 vers la Palestine, 96 vont fuir vers d'autres villes allemandes, dont 63 à Francfort et 33 à Wiesbaden et Mayence, d'où ils seront déportés par la suite. En 1938, il n'y a plus que 30 Juifs à Gross-Gerau.
Lors de la nuit de Cristal, du 9 au 10 novembre 1938, la synagogue est incendiée, et de nombreux commerces et habitations appartenant aux Juifs sont pillés et détruits, parmi elles, celle du président de la communauté, Gustav Hirsch et celle de la famille d'Emil Marx. Les journaux de Hesse parleront de « manifestations spontanées ». Après avoir subi des humiliations et des mauvais traitements, les hommes juifs sont arrêtés sous le prétexte d'assurer leur protection et regroupés à la mairie avant d'être envoyés au camp de concentration de Buchenwald. Le plus jeune, Louis Meier n'a que 16 ans, et le plus vieux Markus Schott plus de 74 ans.
Un chroniqueur rapporte que «sur le visage des curieux présents, apparut un sourire bébête, probablement pas par méchanceté, mais de peur en ce qui concerne leur propre destin, leur petit moi » et de mentionner aussi que « le commandant nazi forçait les détenus embarqués sur des camions à s'humilier en chantant un vieux chant populaire : Muss i denn, muss i denn zum Städtele hinaus und du mein Schatz bleibst hier (Alors je dois, alors je dois quitter la ville et toi mon trésor tu restes ici) ».
Le samedi suivant la « nuit de Cristal », les quelques hommes juifs, principalement des vieillards, qui n’ont pas été envoyés dans les camps sont contraints de nettoyer leur maison et blanchir leur façade.
Les femmes, les enfants et les vieillards vivent dans des maisons dévastées dont on a coupé l'alimentation en gaz le 14 novembre. Les déportations suivantes vers Buchenwald concerneront tous les Juifs sans distinction et le 7 novembre 1940, le maire nazi de la ville annonce à ses supérieurs que la ville est maintenant Judenrein (libre de Juifs).