Depuis le Seconde Guerre mondiale, il n'y a plus de communauté juive à Gross-Gerau.
En novembre 1978, une plaque commémorative est installée à l'endroit où se situait la synagogue. Cette plaque porte l’inscription : « Ici se trouvait la maison de Dieu de la communauté juive, construite en 1892. Elle a été détruite le 9 novembre 1938 sur ordre d'un régime inhumain. Une mise en garde pour les vivants - La ville de Gross-Gerau ».
Le Stolpersteine est un pavé servant de mémorial, sur lequel a été gravé le nom d'une personne ou d'une famille tuée par les nazis. Ce pavé est encastré dans le trottoir devant l'immeuble ou la maison où habitait la victime avant la guerre. Plus de 400 villes, dont environ 300 en Allemagne, ont opté pour ce type de commémoration.
En mai 2009, le conseil municipal de Gross-Gerau se prononce par 18 voix contre 14, contre la pose de Stolpersteinen. La CDU (Union chrétienne-démocrate) et l'Union de défense des intérêts communaux ont voté contre, tandis que le SPD (Parti social-démocrate), les Verts et le Parti du socialisme démocratique (Parti de Gauche) ont voté pour.
La CDU explique que ces Stolpersteinen risquent de stigmatiser les propriétaires actuels des logements. Joachim Hartmann, chef du groupe CDU au conseil municipal ajoute que « le nom des victimes ne doit pas se trouver sur le sol où on passe négligemment, mais sur une plaque à hauteur des yeux ». Les proches des victimes risquent ainsi de se sentir offensés. Pour le SPD au contraire, c'est un moyen de faire sortir les victimes de l'anonymat.
Les représentants des églises protestantes se sont prononcés pour les Stolpersteinen en faisant remarquer que dans de nombreuses églises, il existe des pierres tombales sur lesquelles on peut marcher, réfutant ainsi l'argument développé par la CDU.
On ne connait que très peu de chose concernant la première synagogue. Elle a été construite avant 1620, mais on ignore son emplacement exact. On sait seulement qu’elle se trouvait entre la maison du barbier Georgen et celle du sonneur de cloches Philipp Wolff et qu’elle a été détruite pendant la guerre de Trente Ans qui ravage l’Allemagne de 1618 à 1648.
Ce n’est qu’en 1738 que la communauté juive de la ville obtient l’autorisation de construire une nouvelle synagogue malgré le désaccord de nombreux conseillers de la ville. L'autorisation est soumise aux conditions suivantes : le paiement en compensation d'une somme de 30 florins à la caisse de l'église évangélique. Le bâtiment doit être construit à une certaine distance de la rue, afin d'éviter la colère des chrétiens. L'objection des magistrats est fondée sur le fait qu'il ne faut pas favoriser l'implantation de Juifs dans la ville, « car les marchands Chrétiens arrivent à mieux vivre quand il n'y a pas de Juifs ». À l'époque, 60 Juifs vivent à Gross-Gerau.
La synagogue sera construite dans la cour du Juif protégé Aron, située dans l’ancienne Schafstrasse (rue du Mouton). Le 10 février 1738, l’architecte Johann Adam Lautenschläger signe le contrat de construction avec les représentants de la communauté, Moïse Ahron, Aron Mortge et Samuel Sussman. La synagogue construite en bois de chêne, fait 11 mètres de long par 8 mètres de large. Pour ses travaux, l’architecte reçoit la somme de 750 florins. On ignore quand la synagogue a été inaugurée.
À partir de 1740, et pendant plus de 140 années, la synagogue sert de centre religieux de la communauté juive de Gross-Gerau.
Dès le début des années 1880, la synagogue est devenue trop petite et n'est plus adaptée pour la communauté en expansion. Le président de la communauté, Bernhard Hirsch, envisage alors la construction d'une nouvelle synagogue, mais la décision ne sera officiellement prise qu'en 1889. La synagogue sera construite sur ce qui est de nos jours la rue de Francfort.
Lohr, ingénieur en construction du district à l'époque, est chargé de la planification et de la direction des travaux. L'entrepreneur Göbel est chargé de l'exécution du gros œuvre et de la maçonnerie, et W.H. Diehl de la charpente et de la menuiserie. Le 25 juin 1891 a lieu la pose de la première pierre. Après un discours du ministre officiant, monsieur Israel, et du président de la communauté, Bernhard Hirsch, la pierre est scellée avec à l'intérieur une capsule indiquant les noms des entreprises. La fête se termine par un banquet.
Le financement de la synagogue est assuré en partie par une loterie. 80 000 tickets de un mark sont mis en circulation. 1 500 prix sont distribués lors de deux tirages, pour une valeur totale de 36 000 marks (10 000 marks pour le premier tirage et 26 000 marks pour le second).
Le vendredi 9 septembre 1892 a lieu l'inauguration officielle de la synagogue : à 15 heures, le rabbin de Darmstadt, Dr. Selver, célèbre le dernier office dans l'ancienne synagogue, avec un discours d'adieu au lieu de culte « où de génération en génération, la communauté juive a effectué ses prières ». Puis les rouleaux de Torah sont remis aux porteurs par le rabbin de Mayence, Dr. Saalfel. Le cortège avec les rouleaux de Torah richement décorés, s'ébranle alors, au milieu de milliers de spectateurs, vers la nouvelle synagogue, en passant par la rue principale ornée de drapeaux. Le cortège est composé des enfants de l'école juive, de la fanfare, des dames patronnesses, des porteuses des clefs de la nouvelle synagogue, des porteurs des rouleaux de Torah, des deux rabbins, de la direction de la communauté, des autorités de la ville avec à leur tête le chef du district, le comte von Löw en grand uniforme, des membres du clergé des différents églises et de nombreux habitants de la ville. Après la remise de la clef d'or par l'ingénieur Lohr au comte von Löw qui la remet au rabbin Dr Selver avec la phrase : « Voici la clef qui permet d'ouvrir la maison de Dieu, qui va être consacrée à notre Dieu commun », la synagogue est symboliquement ouverte. Le rabbin Selver célèbre ensuite un office, entrecoupé de chants liturgiques interprétés par le chœur formé de jeunes filles et de jeunes garçons, puis les rouleaux de la Torah sont déposés dans l'Arche sainte et la lampe éternelle est allumée. Le sermon est basé sur le vers de la Torah, « Ils me feront un sanctuaire, et j’habiterai au milieu d’eux » (Exode 25:8). À la fin de la célébration a lieu la bénédiction pour l'empereur et le grand-duc, pour les pouvoirs publics et la triple bénédiction pour la communauté rassemblée.
Le soir à partir de 8 heures, des concerts sont donnés dans les auberges zur Krone (de la Couronne), zum Adler (de l'Aigle) et zum weißen Ross (du Cheval Blanc). Le lendemain, les offices du samedi se déroulent dans la synagogue et le soir un grand bal est organisé.
La synagogue va exister pendant 46 ans et sera le centre cultuel et culturel de la communauté. Deux ans après son inauguration, un mikvé (bain rituel) est construit sur un terrain voisin.
À l'époque de sa construction, la communauté juive de Gross-Gerau compte un peu plus de cent membres, mais la synagogue sert de lieu de prière et d'école religieuse pour tous les Juifs du district. Le bâtiment est construit en briques, dans le style mauresque, habituel pour les synagogues construites à la fin du XIXe siècle.
La façade principale, orientée vers l'ouest est divisée en trois parties, une partie centrale de deux étages et les parties latérales d'un étage. La partie centrale est recouverte d'un dôme faiblement bombé, avec devant une corniche où sont fixées les Tables de la Loi, tandis que les deux parties latérales sont recouvertes de toits en pente. Chacune des parties est encadrée de piliers octogonaux, surmontés d'un lanterneau couronné d'un petit dôme.
De larges baies à arc plein-cintre, avec des fenêtres à double ouverture, assurent l'éclairage naturel du bâtiment. La façade ouest, sans les lanterneaux, fait penser à une église chrétienne avec sa nef centrale et ses deux bas-côtés, tandis que les piliers et les lanterneaux rappellent les minarets des mosquées. Les hommes rentrent dans la synagogue par la porte en arc plein cintre, située au centre et au-dessus de laquelle est gravée la phrase en hébreu : « Ouvrez les portes, laissez entrer la nation juste et fidèle. » (Livre d'Isaïe 26:2); Les femmes pénètrent par la porte sur le côté de la synagogue pour monter à la galerie réservée aux femmes.
La forme de la construction et les matériaux de construction (de la brique rouge) contribuent à différentier la synagogue des autres bâtiments de la ville. Le style oriental est sans doute, d'après Anni Bardon, le signe visible de la grande intégration des Juifs de Gross-Gerau. Pour le journal Der Israelit, la synagogue, par sa forme extérieure, ainsi que par le goût de ses décorations intérieures cossues, fait honneur comme monument à la ville de Gross-Gerau.
En août 1934, des individus pénètrent dans la synagogue et pillent et détruisent de nombreux objets liturgiques. Une récompense est offerte à qui permettra d'arrêter le ou les coupables. En août 1936 est célébré le dernier office dans la synagogue.
Lors de la nuit de Cristal du 9 au 10 novembre 1938, la synagogue est pillée puis incendiée par les SA. De très nombreux objets de culte, dont certains très anciens et de très grandes valeurs comme des rouleaux de Torah du XVIIIe et du XIXe siècle, sont détruits, car la synagogue avait entreposé dans ses murs, les objets liturgiques des nombreuses synagogues des villes voisines de Biebesheim, Gernsheim, Leeheim, Nauheim, Trebur, ainsi que de Büttelborn, Erfelden et Mörfelden qui avaient été fermées.
Les ruines de la synagogue sont déblayées au début 1939, et le terrain est transformé en un jardin et un parking.