La théorie d'Iwasawa peut être vue comme une tentative d'étendre les résultats arithmétiques classiques sur les corps de nombres (extensions finies du corps
des rationnels) à des extensions infinies de
, par des procédés de passage à la limite des extensions finies vers les extensions infinies.
Généralités
Les objets de base de la théorie d'Iwasawa sont les
-extensions ; c'est-à-dire des extensions galoisiennes dont le groupe de Galois est le groupe profini
, pour p un nombre premier fixé. Par la correspondance de Galois, la donnée d'une
-extension est équivalente à celle d'une tour d'extensions
telle que chaque Kn est galoisienne sur K de groupe de Galois
.
Pour chaque corps de nombres, une
-extension particulière peut-être construite par adjonction de racines p-ièmes de l'unité : la
-extension cyclotomique.
Sous la conjecture de Leopoldt, un corps de nombres admet r2 + 1
-extensions linéairement indépendantes, où r2 est le nombre de couples de plongements complexes conjugués du corps considéré ; ce qui peut encore s'énoncer en disant que le compositum de toutes ces extensions a pour groupe de Galois
.
Développements
Le développement des idées d'Iwasawa peut se faire selon plusieurs axes :
on considère le comportement le long des étages d'une
-extension d'autres objets que le groupe de classes, notamment du groupe de Mordell-Weil d'une courbe elliptique. On parle de théorie d'Iwasawa des courbes elliptiques.
on considère le comportement des objets arithmétiques non plus le long d'une
-extension, mais dans des extensions infinies ayant d'autres groupes de Galois : par exemple
, ou plus généralement un groupe analytique p-adique. Se développe ainsi une théorie d'Iwasawa non commutative, notamment sous l'impulsion de John Coates.
Théorème fondamental
Le théorème fondateur de la théorie, dû à Iwasawa, porte sur le comportement du groupe des classes le long d'une
-extension. Soit
un nombre premier,
un corps de nombres, et
une
-extension de
. Pour chaque
, on s'intéresse au cardinal du
-Sylow du groupe des classes de
; notons le
. Alors, il existe des entiers
,
(positifs),
(de signe quelconque), tels que pour
assez grand, on ait :
Notons A(Kn) le p-Sylow du groupe des classes du corps Kn. Par la théorie du corps de classes, il existe une extension Ln de Kn tel que
: Ln est la p-extension abélienne non ramifiée maximale de Kn. L'union des corps Ln fournit alors un corps L, qui est la pro-p- extension abélienne non ramifiée maximale de
.
On considère alors le groupe de Galois
:
X est la limite projective des groupes Gal(Ln / Kn), qui apparaissent comme des quotients de X.
X en tant que pro-p-groupe abélien a une structure naturelle de
-module.
Par ailleurs, le groupe de Galois de l'extension cyclotomique
agit sur X, dont on peut montrer qu'il est ainsi muni d'une structure de
-module, c'est-à-dire de module d'Iwasawa.
L'investigation de la structure des modules d'Iwasawa relève de l'algèbre linéaire. Connaissant leur classification à pseudo-isomorphisme près, et ayant calculé par quel sous-groupe on quotiente X pour obtenir Gal(Ln / Kn), on peut en déduire l'estimation asymptotique du cardinal de ces groupes, qui founrit la formule annoncée sur A(Kn).
Quelques résultats et conjectures
L'invariant μ est nul pour la
-extension cyclotomique au-dessus d'une extension abélienne de
(théorème de Ferrero-Washington). Des exemples sont connus d'autres extensions où il n'est pas nul.
L'invariant λ est connu par exemple pour les corps quadratiques imaginaires, par la formule de Kida. Il est conjecturé qu'il est nul pour les corps totalement réels, c'est la conjecture de Greenberg.
La structure de module d'Iwasawa du groupe
est relié dans certains cas à certaines fonctions L p-adiques, par la conjecture principale en théorie d'Iwasawa, devenue théorème de Mazur-Wiles.