L’épidémie de El-Fath est le plus large et le plus grave incident documenté dans l’histoire d’infection nosocomiale (contractée en milieu hospitalier) au VIH (le virus responsable du sida) ainsi qu’à celui de l’hépatite C, alors même que les modes de contamination étaient documentés et les moyens de protection connus et diffusés au niveau mondial. L’opinion publique libyenne a été très remontée et de nombreux travailleurs médicaux étrangers ont été arrêtés – six ont finalement été inculpés. Le président libyen Mouammar Kadhafi a initialement accusé la CIA américaine ou le Mossad israélien du complot pour conduire une expérimentation fatale sur les enfants libyens.
La crise éclate au grand jour en novembre 1998 quand le magazine libyen “La” (numéro 78) publie un exposé sur le sida à l’Hôpital des enfants de Benghazi. En décembre l’Association des écrivains libyens rapporte plus de 60 cas de sida jusqu’alors pour cette seule année en Libye. “La” interroge alors Sulaiman al-Ghemari, le ministre libyen de la Santé, qui leur révèle que la plupart des cas concerne des enfants. Les parents croient que leurs enfants ont été contaminés par des transfusions sanguines dans le principal hôpital des enfants de Benghazi. Le magazine “La” a été censuré et fermé mais il fut finalement révélé que plus de 400 enfants avaient été infectés.
La Libye a demandé et reçu une équipe d’urgence de l’OMS qui fut missionnée en décembre et resta en Libye jusqu’en janvier 1999. L’équipe de l’OMS a produit un rapport classé secret (toujours indisponible) sur la situation.
En février 1999, donc après la mission d‘urgence d’expertise de l’OMS à Benghazi mais avant que celle-ci rende son rapport qui sera rapporté seulement aux procès, l’ambassade bulgare a annoncé que 23 spécialistes bulgares avaient été « kidnappés.» Une semaine plus tard, les diplomates bulgares ont été informés par les autorités libyennes que des « mesures conservatoires » avaient été prises contre les médecins et infirmières bulgares travaillant à l’Hôpital des enfants de Benghazi. La majorité des infirmières étaient recrutées par la société d’État bulgare Expomed pour travailler à l’hôpital libyen, où les rémunérations étaient considérablement plus élevées que ce qu’elles pouvaient percevoir chez elles, et commencer leur travail en février 1998.
Le 7 mars 1999, six membres du groupe sujet aux « mesures conservatoires » sont formellement arrêtés pour un motif lié au cas de l’infection des enfants de Benghazi par le HIV. Le groupe comprend Ashraf al-Hajuj, un interne palestinien, et les infirmières bulgares Kristiyana Vultchéva, Nasya Nénova, Valéntina Siropulo, Valya Tchervényashka et Snéjana Dimitrova. Ils seront largement connus plus tard comme « les Six de Benghazi.»
Bien plus de 400 enfants (460 cas ont été retenus dans le dernier procès) ont été infectés par une forme extrêmement virulente et contaminante du VIH (une des très nombreuses variantes du groupe mixte A/G, ce groupe étant très présent en Afrique centrale et de l’Est) à l’Hôpital des enfants El-Fath de Benghazi. La plupart ont développé le sida, très souvent accompagné également d’une co-infection au virus de l’hépatite C de même origine. Certains reçoivent un traitement en Europe mais le nombre des morts jusqu’à présent a dépassé la barre des 50 victimes. Des parents et familles ou tuteurs des enfants ont protesté et demandé à ce que les sentences de morts soient exécutées. Le Premier ministre libyen Shukri Ghanem a insisté pour que l’issue du procès se base entièrement sur des questions « juridiques.» Dans une allocution sur la chaîne de télévision qatari Al Jazeera, Mr Ghanem a déclaré que tous les efforts se concentreraient maintenant sur les enfants infectés, « qui sont sujet à une sentence de mort chaque jour.»
Les familles des enfants infectés ont aussi demandé des compensations pour les actions prises par les personnels médicaux coupables : des chiffres de plus de 10 millions de dollars par famille ont été avancés. En juillet 2007, La Libye a annoncé qu’un accord avait été obtenu, avec environ 400 millions de dollars envers les 426 familles de victimes en échange de la conversion des sentences de mort envers les accusés en peine de prison à vie.