Affaire des infirmières bulgares - Définition

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Les procès

Procès 44/1999 devant la Cour populaire de Libye (annulé)

Le procès commence sans que l'État bulgare soit officiellement informé.

  • La base du procès sont les aveux de quelques accusés et la supposition du chef de l'État Mouammar Kadhafi que les accusés ont travaillé pour la CIA et le Mossad.
  • Pendant le procès, les accusés déclarent que les aveux leur ont été extorqués par la torture. La thèse de Kadhafi est rejetée comme absurde par la presse internationale et par des experts.
  • Quelques mois après le début du procès, les avocats Vladimir Chéitanov et Osman Bizanti demandent à la cour le changement de la garde à vue pour cause de l'état physique et psychique des accusés. Maître Chéitanov affirme que la rétention provisoire de presque deux ans est incompatible avec le principe légal que chaque personne est innocente jusqu'à la preuve du contraire.

La cour ne voit pas de preuves des accusations de complot contre l'État. Cependant le juge déclare que la Cour populaire n'est pas compétente dans ce cas. (La Cour populaire est la première des trois instances dans le système judiciaire de Libye.) Un nouveau procès devra avoir lieu, mais les accusés sont maintenus en détention à la demande de l’État libyen.

Premier procès 213/2002 devant la Cour criminelle de Benghazi

La Libye retire ses accusations initiales d’association de complot pour le CIA ou le Mossad. Mais, elle fait de nouvelles accusations pour des tests illégaux de médicaments et de contamination avec le VIH. Des experts répondent que de telles accusations sont impossibles et incompétentes d'un point de vue médical. L’affaire devient donc criminelle et sera jugée à Benghazi devant la Cour criminelle.

Les experts Luc Montagnier (de l'Institut Pasteur, découvreur du virus du SIDA) et Vittorio Colizzi ont été appelés pour donner leurs avis. D'après eux, l'infection à Al-Fatih est causée par la mauvaise hygiène et a commencé dès 1997, c'est-à-dire avant que les accusés ne soient embauchés. Après l’audition, la BBC a publié sur son site un reportage sur le procès avec le titre « Les infirmières bulgares n'ont pas diffusé le SIDA. »

Ce procès conclut à la culpabilité des accusés, mais ne fixe pas encore de peine. La possibilité de la peine capitale devra être établie dans un second procès. En attendant la fixation des réparations, les inculpés déclarés coupables restent en prison.

Second procès 607/2003 devant la Cour criminelle à Benghazi

En janvier 2004, l’Union européenne recommande à la Libye de retirer les charges vers les infirmières et médecins bulgares et palestinien dans une lettre transmise par les ambassadeurs du Royaume-Uni et des Pays-Bas.

Amnesty International, le ministère des affaires étrangères des États-Unis et d’autres organisations internationales affichent leur inquiétude pour la poursuite du procès, pensant à juste titre que le premier jugement sera simplement entériné sans analyser les preuves exposées lors du premier procès et craignant qu’effectivement la peine capitale soit prononcée lors de ce second procès.

Les médiations tentées par les gouvernements britanniques, allemands et français échouent, la Libye estimant qu’ils n’ont aucun droit à intervenir dans un procès concernant des accusés d’une autre nationalité et dans un pays qui ne les concerne pas. La justice et les autorités libyennes s’offusquent même de cette ingérence, et s’en font écho dans la presse libyenne officielle.

Malgré les protestations internationales qui deviennent plus nombreuses, la Cour criminelle condamne à la peine capitale les infirmières Kristiyana Vultchéva, Nassia Nénova, Valéntina Siropoulo, Valya Tchervéniachka et Snéjana Dimitrova ainsi que le médecin palestinien Ashraf al-Hadjudj pour avoir délibérément contaminé plus de 400 enfants libyens avec le VIH. La cour condamne aussi les accusés à payer des indemnités aux parents (ou tuteurs) des enfants contaminés.

Le gouvernement bulgare qui travaille pour la libération des accusés, qualifie la condamnation d’injuste et absurde. Les accusés font appel le 5 juillet 2004.

Le docteur Zdravko Guéorguiev (le mari d’une des infirmières bulgares et venu en Libye pour assister sa femme Kristiana Vultchéva avant son procès) est aussi condamné à 4 ans de prison, amende et retrait des droits civils pour possession et vente illégale de devises étrangères. Il effectuera sa peine, mais restera assigné à résidence en Libye et logé dans l’ambassade bulgare, faute de visa de sortie en raison de la perte de ses droits civils.

En fin d’année, les négociations pour l’adhésion de la Bulgarie à l’Union européenne aboutissent. Cette fois, la Bulgarie pourra bénéficier des soutiens européens, leurs citoyens condamnés devant devenir aussi citoyens européens.

Cassation en appel devant la Cour suprême de Tripoli

() Le 25 décembre 2005, la Cour suprême de Tripoli casse le premier jugement de la Cour criminelle et accepte de rouvrir le procès en appel, celui-ci commencera en mai 2006. D’après les lois libyennes, la Cour suprême ne peut accepter de nouvelles pièces à conviction.

Selon la défense bulgare (et les trois avocats français mobilisés qui connaissent le fonctionnement de la justice arabe), certaines pièces à conviction ont été incorrectement interprétées dans les procès précédents.

Nouveau procès devant la Cour suprême de Tripoli

Pourtant, le 19 décembre 2006, la Cour suprême confirme la légitimité de la condamnation des cinq infirmières ainsi que du médecin anesthésiste, jugeant les preuves exposées convaincantes et suffisantes pour établir leur culpabilité.

Cependant les experts judiciaires dans la justice arabe font valoir à la Bulgarie qu’une solution négociée avec les familles libyennes serait une voie alternative de règlement, à ne pas négliger, indépendamment de l’action judiciaire civile libyenne. Avec l’adhésion de la Bulgarie à l’Union européenne, l’affaire bulgaro-libyenne prend une autre importance et implique maintenant directement l’Union européenne tout entière.

Celle-ci se prononce sans ambiguïté pour la libération des condamnés bulgares et européens et font valoir l’incompatibilité de la peine capitale avec les statuts européens. Une demande solidaire et officielle est faite par l’Union européenne à la Libye, pour que la question de la peine applicable soit réexaminée par la Cour suprême. De son côté les parlementaires européens se prononcent en faveur de l’innocence des inculpés, et font valoir que la question de la culpabilité n’a pas été établie sur des preuves établies, et que des preuves de leur innocence ont volontairement été écartées par la justice libyenne.

Au niveau diplomatique, la Libye commence à formuler des demandes en vue d’une éventuelle mesure de clémence, des demandes exorbitantes auxquelles la Bulgarie ne peut répondre seule. Des campagnes de soutien sont menées dans le monde, et l’Europe cherche des alliés dans les pays arabes.

Cependant la Cour suprême doit encore statuer sur la nature de la condamnation, et confirmer la sentence.

Année 2007

Fin des procès, condamnations à mort confirmées en appel civil et solutions financières alternatives

Les familles des victimes fixent à 4,4 milliards d’euros le montant dû pour mettre fin à l’affaire, soit environ 10 millions d’euros par enfant contaminé. Leur association de défense déclare toutefois que ce montant reste négociable pourvu qu’on veuille bien les entendre et respecte les commandements islamiques (c’est-à-dire l’absence de contre-partie et l’acceptation totale du règlement, en échange de la non-application de la double peine au plan civile).

Entre temps, la Bulgarie accordé la nationalité bulgare au jeune médecin anesthésiste palestinien (qui l’accepte le 19 juin 2007 pour montrer sa solidarité avec les infirmières bulgares condamnées avec lui), ce qui lui permettait d'être légalement défendu par les représentants bulgares et européens négociant en vue de la libération de tous les condamnés ; d'autres pays européens avaient aussi proposé leur assistance au médecin palestinien.

De son côté, le procureur de la Cour suprême de Libye demande la confirmation de la peine de mort. Le magistrat affirme que les preuves de « l'inoculation délibérée du virus du sida » ont été établies, contredisant les témoignages d'experts. Le 11 juillet 2007, la peine de mort est confirmée contre les 6 bulgares. Les voies de procédure judiciaire libyenne sont épuisées. Il ne reste que la mesure de clémence par le président libyen.

Toutefois, selon la législation libyenne, c'est une condamnation civile, qui n’interdit pas le recours à la chariah (loi islamique) selon laquelle les familles pourraient voir leur plainte complètement réparée (ce qui, dans la législation libyenne, annulerait les autres poursuites civiles à moins qu’une haute juridiction ou autorité libyenne rende un jugement ou une décision interdisant le recours à la chariah) par les indemnisations financières proposées par les négociateurs internationaux et notamment la Bulgarie, la France, l’Union européenne et les États-Unis, et un grand nombre d'organisations humanitaires et de soutien aux infirmières bulgares et au médecin palestinien.

En effet, la loi islamique prévoit que la Diyya (pluriel : Diyyat ; arabe : دية, un ancien mot de l’époque pré-islamique qui signifie à la fois le « prix du sang » et la « rançon » mais qui a été cité dans le Coran pour en déterminer les conditions d’usage et la moralité) peut constituer une réparation « juste » pour un crime, si elle ne donne pas lieu à une rétribution (destinée à l’enrichissement ou au profit d’autres personnes) mais seulement une indemnisation du seul crime à ses seules victimes, et elle annule alors toute autre demande de réparation ou condamnation si elle leur est versée directement. La loi coranique interdit aussi à quelque autre personne de tirer profit d’une partie des réparations ou condamnations (le droit des victimes prévaut s’il est suffisant et juste, et le droit commun civil ne peut se substituer à ce droit privé).

Dans le cas présent, il s'agissait de l'arrangement financier avec les familles des enfants contaminés, et que la Bulgarie, l’Union européenne, de nombreux autres pays européens, ainsi que certains pays arabes concernés aussi par l’aide médicale humanitaire en Libye, et les organisations humanitaires internationales se déclaraient prêtes à leur verser directement et immédiatement via le fond d’aide commun mis en place en Libye, indépendamment de la « justification » judiciaire civile libyenne jugée par tous les négociateurs comme inacceptable.

Cette solution amiable avec les familles précipite les choses. Le président français donne une invitation personnelle à l’émir du Qatar aux cérémonies militaires de la fête nationale française sur les Champs-Élysées le 14 juillet. Aucune indication n’est donnée à la presse concernant la nature des tractations diplomatiques ou commerciales qui ont lieu ce jour-là. Le président français a, il est vrai, déjà dépêché le 12 juillet sa femme comme émissaire personnel en Libye pour obtenir la clémence du président libyen, et celle-ci rentre et le tient informé des conditions voulues pour le président libyen.

Lors de sa visite aux détenus bulgares, la première dame leur a annoncé la bonne nouvelle : elle a réussi à obtenir le soutien du gouvernement libyen pour aider à trouver une solution directement avec les familles libyennes, qui ne s’opposeraient plus à leur libération pourvu que les règles de la loi islamique soient strictement observées. Sans être en mesure de leur dire quand une telle solution aboutirait, elle leur a confirmé à eux et à leurs familles et soutiens bulgares que tout serait fait pour que cette solution permette de clore la procédure judiciaire désastreuse dont ils ont été l’objet. Cette intervention irrite dans un premier temps les émissaires de l’Union européenne qui n’ont pas été tenus immédiatement informés de la mission secrète de la première dame française, alors qu'ils négociaient depuis des années conjointement avec le Conseil de l’Europe (avant l’adhésion de la Bulgarie à l’Union). Toutefois, l’association bulgare « Vous n’êtes pas seuls » de soutien aux infirmières (relayée par la majeure partie de la presse bulgare initiatrice de cette association) adhère totalement à cette initiative, que le président français avait promise à sa présidente en décembre 2006 lors de la campagne présidentielle française. Le jour même, l’association publie une lettre de soutien sans réserve à cette intervention française, alors immédiatement appuyée par les autorités bulgares. Les quelques critiques européennes s’éteignent aussitôt pour ne pas compromettre les chances d’un règlement rapide après des années d’incertitude et d’inquiétude sur le sort des détenus bulgares.

Pourtant, la présidence libyenne a encore insisté pour obtenir des réparations et avantages politiques supplémentaires pour obtenir une mesure de clémence de la part de la justice civile libyenne, ce qui était fermement dénoncé par les négociateurs européens comme un « chantage » inacceptable car les « indemnisations » demandées l'étaient sous la menace d’une peine de mort immédiatement applicable par la décision de la justice civile libyenne, et uniquement pour le profit direct de l’État ou d'organisations commerciales libyen et non des seules familles de victimes concernées dans les procès (ce qui est totalement contraire à l'esprit de la loi islamique qui interdit tout profit dans ces réparations), et en faisant ainsi ils menaçaient d’annuler le recours à la loi islamique et donc de faire appliquer la sentence civile de mort en dépit de l’accord trouvé avec les familles libyennes. Ces nouvelles demandes libyennes sont alors dénoncées par l’association bulgare de défense qui relève les ambitions économiques et politiques libyennes et l’incohérence des promesses des autorités jamahyriennes.

Grâce libyenne, peines commuées en prison à vie et demandes d’extraditions

Les familles renoncent à demander la peine capitale pour les auteurs présumés des crimes contre la somme de un million de dollars par victime (460 au total dont 56 décédés) qui est versée avant la décision du Conseil supérieur des instances judiciaires, dix fois moins que ce qui avait été demandé au départ (mais les mêmes familles avaient déclaré que ce montant initial restait négociable pourvu qu’on veuille bien les entendre et soigner leurs enfants les plus atteints dans les hôpitaux européens, ce qui a été fait pour plusieurs centaines d’entre eux, dont 80 en France, et près d’autant soignés en Suisse et en Italie). L’argent vient d’un fonds alimenté par la Bulgarie, l’Union européenne, les États-Unis et les nombreuses organisations de soutien aux prisonniers, ainsi que par la Libye (via une organisation humanitaire dirigée par le frère du président libyen).

En outre, les condamnés font une « demande de pardon et de clémence » déposée en présence d’ambassadeurs de pays européens. Elle s’accompagnerait d’un « engagement pour garantir que les six détenus n'engageraient pas de poursuite contre l’État libyen.»

Le 19 juillet, la Bulgarie a officiellement demandé à la Libye d'autoriser le transfert à Sofia des cinq infirmières et du médecin bulgares. Sous les pressions internationales, le président libyen accorde la clémence et fait commuer la condamnation à mort en prison à vie, ce que confirme alors le Conseil supérieur des instances judiciaires qui avait pourtant confirmé définitivement les condamnations quelques jours auparavant. Techniquement, cette mesure ne remet pas en cause la culpabilité des mis en cause et leurs condamnations mais change la nature des peines infligées, conformément aux vœux des familles libyennes.

Le 22 juillet, la femme du président français Cécilia Sarkozy et son secrétaire général à l’Élysée accompagnent la commissaire européenne aux Relations extérieures Benita Ferrero-Waldner qui se rendent en Libye en « visite humanitaire » dans l’avion présidentiel français, afin de rencontrer les 6 prisonniers. Mais leur intention est de tout faire maintenant pour obtenir l’expulsion ou l’extradition des 6 prisonniers bulgares (y compris le médecin palestinien qui a obtenu cette nationalité lors des négociations). La Libye s’attendait à la négociation directement par le président français (qui serait venu en visite officielle), mais ce dernier s’est déclaré peu disposé à se rendre lui-même en Libye pour cela, même s’il suivait très directement le dossier. Il en fait même une condition : pas de visite officielle tant que la question de la libération des personnels médicaux bulgares n’est pas réglée.

Bien au contraire, le président français (qui milite actuellement pour un partenariat renforcé de l’Union européenne avec une future « Union de la Méditerranée ») s’est bien gardé de visiter la Libye après ses visites au Maroc, en Algérie et en Tunisie. Le 23 juillet, il a confirmé son intention de ne pas céder à l’insistance et au marchandage libyens, et de ne pas s’y rendre directement en visite officielle, raison pour laquelle il n'y a dépêché que sa femme et son secrétaire général de l’Élysée (pour l’assister dans ses démarches locales avec la représentante européenne).

Mais le président libyen insiste encore le 23 juillet pour obtenir des « dédommagements » supplémentaires (une autoroute reliant la Tunisie à l’Égypte, une voie ferrée vers le sud du pays, une gare nouvelle à Tripoli, un partenariat privilégié avec l’Union européenne, une aide au développement, des aides pour des fouilles archéologiques, le développement de zones touristiques…) ce que dénoncent les autorités politiques européennes comme un « chantage » inacceptable, dont le montant total avoisinerait plusieurs milliards d’euros (sans compter l’avantage commercial que cela procurerait à la Libye encore soumise à un embargo international suite à sa compromission dans le terrorisme, ce qui serait vu comme infamant pour les victimes européennes de ce terrorisme, et même particulièrement injuste par rapport à d’autres États du Maghreb qui font cette demande de partenariat renforcé depuis des années mais qui ont consenti à de nombreux efforts pour y parvenir), là où le fond d’indemnisation directe des victimes n'en recevrait au mieux qu'un demi-milliard (non compris les montants supplémentaires qui auraient pu être investis dans l'aide humanitaire privée, aujourd’hui largement suspendue ou diminuée, quelle qu’en soit l’origine, même celle des pays arabes et organisations humanitaires islamiques du fait même de l'action judiciaire libyenne depuis 8 ans à l’encontre des infirmières et médecins condamnés).

Là encore, l’association bulgare de défense envoie et publie une chaleureuse lettre de soutien à la première dame française, et dénonce les dernières demandes libyennes qui sortent de l’accord obtenu avec les familles libyennes et les promesses faites par le gouvernement libyen de soutenir ce règlement amiable. Ces demandes supplémentaires apparaissent indignes même pour les familles de victimes concernées dans la mort des enfants et qui avaient accepté l’arrangement financier selon la loi islamique, et se satisfaisaient de la reprise de l’indispensable assistance médicale humanitaire en Libye pour le lourd traitement contre le VIH d’enfants contaminés et la sécurisation sanitaire des hôpitaux libyens voulue par tous. Ce que confirme l’association libyenne de défense des familles d’enfants contaminés (présidée par le fils du président libyen) qui tiennent avant tout à la promesse de soins en Europe et à l’aide médicale que rendrait possible l’accord financier obtenu.

Ces demandes sont de plus jugées précipitées car le gouvernement libyen cherche à obtenir ainsi sous la menace une partie de ses demandes antérieures en vue de la normalisation négociée (indépendamment de cette affaire) avec l’Union européenne dans le cadre du « Processus de Barcelone », qui prévoyait une collaboration avec une « Union méditerranéenne et arabe » (UMA) dont la Libye devrait faire partie à terme, des négociations au cours desquelles l’Union européenne a rappelé que cela ne devait pas se faire sans condition, ceci incluant la résolution plus générale des problèmes liés aux droits de l’homme en Libye, la déconcentration des pouvoirs, la demande européenne concernant l’abolition de la peine de mort en Libye (encore appliquée pour les crimes, mais difficile à abolir avant un long terme), permettant alors la participation de l’Union Européenne au développement de communications routières et ferroviaires avec le Sud de la Libye et les pays voisins (Niger, Tchad, Soudan), ainsi que la collaboration totale de la Libye dans la lutte contre le terrorisme (y compris l’acceptation totale du jugement de la Cour de Lockerby concernant les attentats contre des avions européens, et le règlement des indemnités dues par elle), le maintien de la paix et la stabilité dans la région. L’Union Européenne a aussi rappelé lors de ce processus qu’elle ne pourrait soutenir la demande d’adhésion de la Libye à l’OMC sans adhérer pleinement aux traités internationaux.

Médiation franco-européenne pour la libération des condamnés

Le 24 juillet 2007, après 8 longues années de procédures, les tractations françaises très largement soutenues par la Bulgarie et tous les autres pays de l'Union européenne ont permis d'obtenir la libération des 5 infirmières bulgares et du médecin palestinien. À 6h29 CEST (heure d’été de Paris, UTC+02), ils ont pris place avec la commissaire européenne Benita Ferrero-Waldner, la femme du Président français, et Claude Guéant, secrétaire général de l'Élysée, dans l'avion présidentiel français, à destination de Sofia, et avec quelques membres des familles des prisonniers.

Légalement, les 6 prisonniers étaient toujours condamnés et seulement extradés. À leur arrivée à Sofia, ils seront placés en observation dans une résidence de la présidence bulgare pour y recevoir des soins et examens de santé. À 8h45 CEST, alors qu’ils sont acclamés à l’aéroport et viennent à peine de revoir leurs familles (y compris celle du médecin d’origine palestinienne, dont la famille avait dû fuir précipitamment la Libye, pour trouver refuge aux Pays-Bas, suite à une campagne de presse haineuse qui les avait dénoncés eux aussi comme des « assassins d’enfants innocents »), le président bulgare leur fait parvenir un message qui leur accorde officiellement la grâce présidentielle, ce qui annule immédiatement l’exécution des peines infamantes auxquelles ils restaient encore théoriquement soumis suite à leur extradition.

Les 6 condamnés sont donc aujourd’hui totalement libres, les familles des enfants libyens contaminés ont bien obtenu réparation selon la loi islamique applicable en Libye via la mise en place du fond d’indemnisation et l’aide médicale obtenue, toutefois, la Libye considère qu'aucun argent libyen n'a été donné aux familles des victimes. Selon l'Union européenne, le Conseil de l’Europe et la Bulgarie, ils ont toujours été considérés comme innocents, mais la grâce présidentielle bulgare ne suffit pas à lever leur culpabilité toujours reconnue légalement par la condamnation libyenne. Une décision judiciaire bulgare pourrait réhabiliter ultérieurement les condamnés (au moins en Europe).

Cependant, les condamnations civiles libyennes n’ont pas encore été annulées, en dépit de l’application effective de la loi islamique qui aurait dû éteindre ces condamnations civiles infamantes. Cela pourrait rendre encore possible une action judiciaire civile internationale contre l’État libyen (par les 6 prisonniers libérés ou par les familles libyennes d’enfants contaminés) sans remettre en cause les versements au fond d’indemnisation des familles selon la loi islamique, d’autant qu’existe encore des pressions contre les familles libyennes pour leur confisquer ou détourner une partie des fonds qu'elles ont pu obtenir (fonds qui sont aussi destinés à aider aux soins des enfants encore vivants contaminés dans les hôpitaux libyens, alors que l’État libyen n’a toujours pas pris les mesures sanitaires appropriées contre les sources possibles de contamination).

Les choses négociées lors de cette médiation sont restées secrètes, mais certains observateurs ont considérés que des transfert concomitants auraient pu être l'objet de cette médiation.

Ainsi, la Fondation Kadhafi a versé de l'argent aux familles des enfants libyens contaminés. Cet argent sera remboursé par le Fonds international de Benghazi, l'Union européenne s'est portée caution.

Benita Ferrero-Waldner, commissaire européenne aux relations extérieures, et Abdelati Al-Obeidi, secrétaire d'État libyen aux affaires européennes, ont signé un mémorandum signé publié Bruxelles, dans lequel la Commission européenne «s'engage à ce que le Fonds international de Benghazi reverse au Fonds de développement économique et social libyen les sommes collectées dans le cadre de l'accord de financement du 15 juillet 2007, dont le montant s'élève à 598 millions de dinars libyens». Les sommes engagées sont de 335 millions d'euros, soit 461 millions de dollars étasuniens.

Cette transaction a été médiatisée à la fois par Nicolas Sarkozy et par Abdelrahman Chalgham qui considéraient pour l'un que «ni l'Europe ni la France» n'avaient «versé la moindre contribution financière à la Libye», et pour l'autre que «Tout le monde a payé le Fonds, y compris l'Union européenne et la France. Ils ont couvert les sommes versées aux familles et même plus».

Conséquences et réactions après la libération

La question du règlement effectif de ces fonds aux familles libyennes (ou dans les programmes d’aide médicale humanitaire, selon les demandes faites par chaque famille libyenne d’enfant malade ou décédé) reste encore en suspens (et les négociateurs européens vont veiller à ce que cet argent ne soit pas détourné).

Nicolas Sarkozy, dans une conférence de presse tenue à l'Élysée, en compagnie de Bernard Kouchner (ministre des Affaires Étrangères et très concerné en tant qu’ancien président d'organisation humanitaire médicale, mais qui s'est très peu exprimé), reprise sur les principales chaînes de télévision et radios francophones ou européennes, a annoncé que la médiation finale du gouvernement « ami » du Qatar a été « déterminante » pour trouver une conclusion heureuse à cette négociation, dans la nuit du 23 au 24 juillet. La nature de la médiation du Qatar n’a pas été précisée par le président français, qui a souhaité laisser le « gouvernement qatarien » (au lieu de qatari) « s’exprimer lui-même à ce sujet » quand il le souhaitera.

Il a également insisté sur le fait que la France, la Bulgarie, ou l'Union européenne ne verserait pas un euro directement à la Libye, en dehors du cadre de l’accord financier intervenu avec les familles libyennes quelques jours plus tôt.

Il a remercié le président libyen Mouammar Kadhafi pour avoir accepté et rendu possible cette libération, après avoir confirmé qu’il avait agi avec le plein soutien de tous les pays qui pouvait l’aider à trouver une voir de sortie « sans offenser personne », et que son intervention a été faite avec le complet accord du gouvernement bulgare, et des représentants européens. Il a aussi chaleureusement félicité sa femme dans cette mission humanitaire délicate, car elle avait pu facilement rencontrer tous les interlocuteurs, ainsi que les prisonniers eux-mêmes.

Il a précisé que la première personne libérée dans la nuit (juridiquement expulsée par la Libye) et à avoir rejoint l’avion présidentiel français était le médecin bulgare, mari d’une des infirmières condamnées et qui avait lui-même été condamné à 4 ans de prison (qu’il a effectués en Libye, sur le motif moins grave d’importation de devises étrangères alors qu’il comptait utiliser cet argent pour la libération de sa femme) avant d’être assigné à résidence permanente dans l’ambassade bulgare en Libye, où il vivait depuis plusieurs années faute de pouvoir obtenir un visa de sortie. Il y a été rejoint tôt dans la matinée par les 6 condamnés (juridiquement extradés de la Libye à la Bulgarie à la demande de la justice bulgare). Il a rappelé aussi que le président bulgare a aussitôt gracié les 6 condamnés dès leur arrivée sur le sol bulgare.

Il précise aussi que cette conclusion heureuse devrait permettre enfin de rétablir des relations officielles normales avec la Libye, et qu’il ne voyait pas en quoi cela devrait empêcher maintenant la France de s’y rendre officiellement pour négocier des accords alors que d’autres pays y sont aussi présents officiellement depuis huit ans. (Le Secrétariat général de l’Élysée avait précisé un peu auparavant que le président français se rendrait bien en Libye dans les prochains jours.)

Réactions libyennes

La Libye a protesté le mercredi 25 juillet contre la grâce accordée aux infirmières bulgares et au médecin d'origine palestinienne.

Le ministre libyen des Affaires étrangères, Abdelrahman Chalgham a déclaré que les détenus devaient être remis dès leur arrivée à un établissement pénitencier et non pas libérés de manière festive et illégale. De son côté le Premier ministre Baghdadi Mahmoudi a affirmé que Sofia a violé les procédures légales en matière d’extradition, prévues par le droit international et par l’accord d’entraide judiciaire signé entre les deux pays en 1984.

Témoignage des infirmières et du médecin sur leurs conditions de détention

Le médecin palestinien, Achraf Hajouj, déclare que enfermé les premiers jours dans une pièce avec trois chiens, qui ont reçu l'ordre de m'attaquer. (…) Une des choses qu'ils m'ont faite est d'enrouler un fil métallique autour de mon pénis et de me tirer à travers la salle. Je hurlais. Le pire, c'était la machine à torturer avec l'électricité. Ils mettaient un fil sur un doigt, et l'autre sur mes oreilles ou sur mes parties génitales. (…) Parfois, j'étais torturé dans la même pièce [que les infirmières].J'étais nu devant elles, et elles à moitié nues. J'ai honte de dire ce qu'ils ont fait aux femmes. Elles ont été violées.

Saïf Al-Islam Kadhafi affirme le 9 aout 2007 que les infirmières bulgares ont été torturées : Ils ont été torturés à l'électricité et on les a menacés de s'en prendre à leur famille. Mais une grande partie de ce que le médecin d'origine palestinienne a affirmé est un pur mensonge

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