L’alexithymie a pu donc être mis en rapport avec la présence de certains troubles psychosomatiques. C’est en effet ce que la majorité des études ont démontré. Noel et Rime (1998) indiquent ainsi que 80 % des études qui ont comparé un groupe de sujets psychosomatiques avec un groupe contrôle ont observé des scores d’alexithymie significativement plus élevés dans le premier groupe. Cela pourrait montrer comment des perturbations de l’expression des émotions ont un effet sur l’adaptation de l’individu à son milieu.
Depuis une dizaine d’années, les études sur l’alexithymie se multiplient, et tendent à mieux circonscrire la personnalité des malades psychosomatiques en proposant un certain nombre d’explications.
En voici quelques exemples permettant d’affiner la définition générale de l’alexithymie, et d’exposer les principales hypothèses étiologiques.
Montreuil et Lyon-Caen (1993) ont montré la nature alexithymique des patients atteints de sclérose en plaques.
Pour eux, le concept d’alexithymie permet de comprendre l’importance des liens entre les expériences physiologiques, les sensations physiques perçues très tôt dans la vie et les représentations mentales telles que sentiments, pensées, et indique aussi la nécessité de leur expression par le biais de la verbalisation des émotions.
Ils ont permis de dégager certaines données neuropsychologiques de l’alexithymie : Des patients atteints d’une épilepsie rebelle ayant subi une section du corps calleux et de la commissure antérieure présentent un fonctionnement rappelant l’alexithymie. Selon Bertagne (1992), l’alexithymie correspondrait à une dysconnexion fonctionnelle ou structurelle des hémisphères cérébraux.
Leur recherche a également permis l’objectivation d’une pauvreté affective, d’une inertie mentale, de manifestations mimiques, gestuelles, sensori-motrices et algiques chez les sujets alexithymiques.
Fukunishi, en 1994, a établi que l’alexithymie était corrélée négativement avec les scores de desirabilité sociale et de personnalité narcissique, et corrélée positivement avec les scores de l’échelle d’hostilité du MMPI (en).
Suite à cette recherche, Rubino teste 181 personnes atteintes d’asthme, de psoriasis et d’eczéma, avec le Toronto Alexithymia Scale (Taylor, Ryan, et Bagby, 1985), le TAS, qui mesure l’agressivité, et le MMPI Panic-Fear Personnality scale (MMPI-PF). Les résultats indiquent que l’alexithymie est corrélée positivement (.35) avec la personnalité peur panique (avec p < .01), mais n’est pas ou peu corrélée avec l’agressivité (.11) (Rubino, 1995).
Rad et al. (1977) ont mis en évidence des différences dans le lexique employé par des alexithymiques et des névrosés pour décrire certains affects. Ces auteurs en ont conclu que le déficit porterait davantage sur la fonction de communication que sur un défaut de verbalisation.
Tenhouten, en 1986, a étudié des malades présentant une commissurotomie pour mettre en évidence cette incapacité de passer de la chose au mot, en proposant « un modèle de commissurotomie fonctionnelle », posant ainsi l’hypothèse d’une dissociation entre des représentations verbales et non verbales.
Dans une recherche de 1989, Pedinielli a voulu mettre en évidence des différences dans les productions verbales spontanées de malades psychosomatiques présentant les mêmes troubles respiratoires, mais différant par le degré d’alexithymie (un groupe alexithymique et un groupe non alexithymique). Il a caractérisé les productions verbales des malades psychosomatiques concernant leur maladie du point de vue lexical et de l’organisation générale du récit.
Les résultats font clairement apparaître l’existence de productions verbales différentes chez les malades alexithymiques. Cependant, ces différences sont plus frappantes dans le cas d’une production langagière liée aux symptômes actuels, et moins avec le récit historique de la maladie. Ceci fait dire aux auteurs que l’alexithymie doit être interprétée en termes de style cognitif variant selon le contexte, et non pas en termes de dimension stable de la personnalité.
La plupart des études psychanalytiques sur l’alexithymie visent à expliquer son apparition dans sa relation à l’inconscient : fixation, régression, impossibilité de constitution d’un objet transitionnel, prédominance du déni et de l’isolation, arrêt du développement affectif (Pedinielli, 1989).
Ainsi, Wise, Mann, et Epstein (1991), ont montré que l’alexithymie est fortement associée à des styles défensifs immatures, comme l’inhibition ou la projection.
Selon Joyce McDougall, l’alexithymie est un mécanisme de défense du moi qui, par forclusion, rejetterait l’affect. Ce mécanisme peut parfois faciliter l’adaptation, notamment chez des gens ayant du subir des épreuves douloureuses.
L’alexithymie reste globalement un concept permettant de décrire le malade psychosomatique, et non d’expliquer l’apparition de la maladie.