Gabriel Calloet-Kerbrat - Définition

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Les publications agronomiques

Colbert, peint par Philippe de Champaigne en 1666, l'année où Gabriel Calloet-Kerbrat lui présente ses travaux.

Ruiné par un procès, il s'installe à Paris. C'est là qu'il publie de 1666 à 1680 une série de brochures concernant l'amélioration zootechnique des chèvres, brebis, vaches et chevaux, bien qu'il traite volontiers de sujets annexes, tels le choix du sexe des enfants, une critique du port de la perruque, la publicité pour son remède universel et une critique de la chicane juridique - l'un des thèmes favoris de la Compagnie du Saint-Sacrement. Il s'agit de textes courts, écrits dans un style direct puisque, à la manière d'Olivier de Serres, il tutoie son lecteur, avec des pointes d'humour et de nombreuses références à ses expériences personnelles, tout autant qu'à la culture classique. Audren de Kerdrel, son premier biographe, notait le ton familier avec lequel Calloet-Kerbrat s'adressait aux grands personnages, y compris au roi, attribuant ce trait de caractère à ses origines bretonnes. On pourrait tout autant y voir l'influence des pratiques de la Compagnie, où la préséance fondée sur le rang était exclue.

Calloet-Kerbrat a cherché à rencontrer Colbert. Plusieurs historiens considèrent que Calloet-Kerbrat fut l'inspirateur de la politique du contrôleur général des finances en matière d'amélioration de l'élevage, et l'historien de l'agronomie André Jean Bourde lui-même écrivait : « On ne peut traiter de l’activité de Colbert dans le domaine de l’agriculture sans dire quelque chose d’une remarquable personnalité agronomique, Calloet-Querbrat ou Calloet de Kerbrat ». Les traces de leur rencontre font néanmoins défaut, mais elle est effectivement probable, puisque la Bibliothèque nationale conserve une lettre, en date du 6 février 1666 par laquelle ce dernier sollicite un rendez-vous auprès de Colbert, sur recommandation du Duc de Mazarin, lieutenant général de Bretagne : « Poür ces chevaux, brebis, et vaches, M. le Duc Mazarin, m’a demandé des mémoires, qu’il m’a dit vous avoir donné, et que vous désiriez me parler ». Il y fait référence à ses première brochures, qui viennent de paraître. L'une d'entre elle est dédiée au ministre, qui en reçoit un exemplaire spécialement imprimé sur velin - aujourd'hui conservé à la Bibliothèque nationale dans cette dédicace, Calloet-Kerbrat lui rappelle que c'est sur sa demande qu'il a rédigé ces mémoires.

Les solutions proposées par Calloet-Kerbrat sont d'inspiration colbertiste. Il suggère, par exemple, d'envoyer dans chaque paroisse, un taureau flandrin, afin de le croiser aux vaches locales, afin de créer une race plus grande et plus féconde, et d'accorder à leurs gardes des privilèges fiscaux, comme cela se fait pour les étalons en Poitou. Colbert a commencé dès 1659 à s'intéresser à la question des chevaux, puis de celle des bovins en 1662. Il croit à la possibilité de l'amélioration par croisement avec des reproducteurs importés, puisqu'il se préoccupe de faire venir en France étalons, béliers et taureaux. Sur ce point, il est en accord avec les idées de Calloet-Kerbrat, contre l'idée dominante selon laquelle l'animal est un simple reflet du sol, et que les croisements aboutissent à une dégénérescence rapide. Sur d'autres points, au demeurant, il se situe aux antipodes de la pensée de l'agronome breton : alors que celui-ci propose le doublement des surfaces pâturées du royaume, Colbert fait passer l'édit de triage (1667), qui attribue aux seigneurs - et à défaut de seigneur, au Roi - le tiers des surfaces non-cultivées, lesquels vont généralement les transformer en terres cultivées plutôt qu'en pâtures. L'influence de Calloet-Kerbrat sur la pratique colbertienne est donc probable, mais limitée.

Moutons dans la Marais Poitevin. Calloet-Kerbrat s'intéressait aux animaux amenés par les Hollandais qui travaillaient à l'assèchement de ce marais.

Dédaignant les races locales, Calloet-Kerbrat est bien informé des méthodes d'élevage à l'étranger. Il fait l'éloge des vaches flandrines, que les Flamands de Bradley travaillant à l'assèchement du Marais poitevin ont importées dans le Poitou ; propose la première description en langue française des moutons anglais, et de leurs croisements fructueux avec des bêtes espagnoles ; signale également les ovins hollandais. La fréquentation de l’ambassadeur du Danemark, pays où l’agronomie était plus avancée que la France, a pu jouer un rôle pour lui faire connaître les pratiques de ce pays, qu'il cite souvent en référence.

Calloet-Kerbrat est donc le premier théoricien de l'amélioration par croisement en France. Les agronomes de la Renaissance, tels le Praedium Rusticum d’Estienne (1554), la Maison rustique de Liébaut (1564), ou encore le Théâtre d’agriculture d’Olivier de Serres (1600), n'envisagent pas cette possibilité. Conformément à la pensée médicale du siècle, Calloet-Kerbrat place sa réflexion dans le cadre aristotélicien de l'opposition du chaud et du froid, du sec et de l'humide. En effet, il est alors communément admis que les animaux importés de pays froids dégénèrent lorsqu'ils sont transportés vers des pays chauds. L'agronome breton postule, pour sa part, une chaleur initiale de chaque espèce, liée à son origine première, et qui est invariable - et il s'ingénie à démontrer que les animaux dont il propose l'importation, comme les chevaux danois, proviennent initialement des pays chauds. Ce faisant, il écarte l'idée déjà mentionnée de l'animal comme simple reflet du sol. Certains auteurs, notamment Solleysel, admettaient déjà cette possibilité pour les chevaux, mais Calloet-Kerbrat semble bien être le premier à l'avoir étendu aux animaux non-nobles, tels que vaches, chèvres et moutons. Il est possible que la réticence, dans la pensée française du XVIIe siècle, à imaginer cette possibilité, soit liée aux structures sociales : affirmer que les animaux non-nobles peuvent être améliorés par croisement, laisse penser que cela pourrait s'appliquer aux humains également, chose difficile à admettre alors même que l'idéologie aristocratique de l'époque tend à considérer la noblesse comme une race.

Les brochures de Calloet-Kerbrat sont bien plus courtes que les ouvrages agronomiques qui font alors référence, dans une volonté explicite de large diffusion : « Quand les riches ne feroient pas faire ces établissemens, ils doivent du moins envoyer ce livre à leurs fermiers, pour leurs apprendre à tirer plus de profit qu’ils ne font de leurs bestiaux communs, ménageant leurs paturages l’esté, & augmentant leur fourage l’hyver, par ce sain-foin d’hyver & autres moyens marquez cy-dessus ». Calloet-Kerbrat y développe un système agricole complet (répartition de l'occupation des sols, choix des productions et relations entre elles). Il se singularise en proposant de voir dans l'élevage, non pas un mal nécessaire — selon l'expression employée couramment — mais comme une source de profit en soi. Mieux, il suggère d'organiser l'agriculture en fonction de l'élevage, et non le contraire.

Cette volonté de transformer le système agricole est dominée par l'idée centrale de Calloet-Kerbrat, à savoir la lutte contre la pauvreté. Il considère que ses propositions sont susceptibles d'enrichir les paysans, et par conséquent de diminuer le poids que l'impôt fait peser sur eux : « le peuple n'en est pas mieux, quelque fertile que soit la terre, si on l'épuise par la Taille et autres subsides sans lui donner les moyens de faire quelque profit extraordinaire à quoi s'étudient les États voisins », écrit-il, non sans se couvrir de l'autorité des confidences que lui aurait fait le Maréchal de la Meilleraye - un proche de la Compagnie du Saint-Sacrement.

Au XVIIIe siècle, les idées de Calloet-Kerbrat furent couramment reprises dans la littérature agronomique, parfois reproduites intégralement dans des ouvrages sans toujours que son nom apparaisse. Il est notamment repris par le Dictionnaire œconomique de Noël Chomel (1708) et dans la Nouvelle maison rustique (1772), tandis que l'abbé Grégoire fait son éloge dans l'introduction de son édition des oeuvres d'Olivier de Serres.

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