Ses premières publications sur les accusations d’inceste au cours des séparations parentales témoignent d’une réflexion engagée bien avant les rebondissements de l’affaire d'Outreau. A l’heure où avocats et associations demandaient à la Chancellerie une « présomption de crédibilité » pour les mineurs victimes et où la parole de l’enfant présumé victime était sacralisée, sans prendre en considération la possibilité d’induction par un adulte proche – si fréquente dans les séparations parentales très conflictuelles- peu d’experts français osaient travailler dans le champ de ce que la littérature dénomme les « fausses allégations d'abus sexuels » (en:false allegation of child sexual abuse). L’expression suivante apparaît la première fois dans PubMed en 1986 dans un article américain (Presbyterian hosp., New York) de Green A. H. intitulé : « True and false allegations of sexual abuse in child custody disputes» et qui décrivait une méthode d'évaluation de la véracité des allégations d'enfants affirmant avoir été l'objet d'abus sexuel d'un parent.
Le propos était alors très sensible et les détracteurs n’avaient pas manqué de le caricaturer : il fallait « croire » (la parole de l’enfant) et donc la valider pour ne pas s’exposer aux foudres des associations les plus radicales, promptes à accuser un expert prudent de « déni » de la parole de l’enfant, voire de soutien à son abuseur.
Paul Bensussan a pourtant insisté sur ce point et tel était précisément le sens du titre de son premier ouvrage, "Inceste, le piège du soupçon" : dès lors qu'un abus sexuel est allégué dans une séparation conflictuelle, l'enfant est la première victime, que l'abus soit avéré ou non. S'il est habituel de dénoncer la gravité de l'inceste, il montre les ravages causés par les fausses allégations : il n'est pas anodin de grandir dans la conviction d'avoir été abusé par l'un de ses parents ... si cette conviction est erronée ou induite par les craintes du parent qui accuse. Ce n'est donc pas l'abuseur présumé que l'expert préserve dans le cas d'un dévoilement jugé peu fiable, mais avant tout l'enfant présumé victime, auquel il faudra pourtant garantir ce droit élémentaire : celui de grandir en conservant un lien avec ses deux parents.
Madame Andrée Ruffo, juge des enfants au Canada, fondatrice du Bureau International des Droits des Enfants à l’origine de la Convention internationale des Droits de l’Enfant adoptée en 1989 et signée par 192 pays, préfaçait cet ouvrage qu’elle estimait « salutaire et courageux».
La rigueur méthodologique, la prudence et la technicité … et le séisme d’Outreau ont pourtant contribué à éviter d’ériger la parole de l’enfant en vérité judiciaire.
Dans le domaine relatif aux « fausses allégations d'abus sexuels », il existe des échelles ou procédures mais leur application adéquate requiert des moyens qui ne sont pas systématiquement disponibles en France, ce qui compromet l’utilisation rigoureuse de ces outils en suivant la méthodologie préconisée. La méthode la plus connue : la SVA (Statement Validity Analysis) est une procédure systématique d'évaluation de la crédibilité de signalements de mémoire, utilisée avec des témoins enfants. La SVA possède une bonne fidélité inter-juges, mais suppose une analyse de l'audition filmée du mineur victime. De surcroît, on ne peut filmer ses propres auditions : la cotation doit être faite par un autre investigateur que celui qui a conduit l'entretien.
Dans ce contexte, Paul Bensussan décrit sa méthodologie en faisant référence aux travaux d’Hubert Van Gijseghem : « L’école québécoise a montré que la validité du témoignage d’un enfant ne peut être appréciée indépendamment du contexte dans lequel se produit la « révélation » … Les spécialistes s’accordent à reconnaître que le récit du mineur peut mêler erreurs d’interprétation, fabulation, mais aussi (plus rarement) mensonge. L’enfant peut souffrir de troubles psychiques ou psychologiques ou être mis « en condition » par un adulte manipulateur – que la manipulation soit volontaire ou non. Mais surtout, il peut se mêler dans des proportions variables l’imaginaire et la réalité».
Hubert Van Gijseghem a défini 6 paramètres qui devraient être pris en considération dans l’évaluation de la crédibilité d’un mineur (lorsque celui-ci dénonce de façon directe), ou de la validité d’une allégation (lorsque l’entourage familial est à l’origine du signalement) :
En étudiant l’ensemble des items (le contenu des révélations n'est que l'un de ces 6 paramètres), l’expert peut donner (cliniquement) une conclusion "probabiliste" au magistrat. C’est ainsi que dans les cas de révélations surgies au décours d’une séparation très conflictuelle, Paul Bensussan a régulièrement sollicité (et obtenu) des magistrats l’extension de sa mission au parent qui accuse, sortant ainsi de la dualité auteur/victime propre à la procédure pénale : que l’abus ait eu lieu ou non, l’audition du parent ayant recueilli les premières révélations est plus qu’intéressante : elle est selon lui nécessaire.