Si l'œuvre de René Le Senne ne se limite pas à sa production en matière de caractérologie, la qualité de son Traité de Caractérologie, publié en 1945, lui a donné une notoriété sans précédent. Mais c'est avec Gaston Berger, qui a complété le modèle du maître, que la caractérologie a connu son vrai succès dans le public et chez de nombreux chercheurs.
René Le Senne souligne particulièrement, parmi tout ce qu'il a exploité pour sa synthèse, les travaux de deux professeurs néerlandais de l'université de Groningue vers 1910 : Gérard Heymans, psychologue et Enno Dirk Wiersma, psychiatre. Comme son propre traité qui en est un développement magistral, ces travaux combinaient une exploitation des données contenues dans des biographies et celle de données statistiques portant sur une population ordinaire.
La « classification de Groningue » est donc le titre donné par Le Senne lui-même à la forme initiale et strictement universitaire des bases qu'il développe dans son ouvrage.
Dès les premières lignes de l'introduction de son traité magistral, René Le Senne définit résolument le caractère comme « l'ensemble des dispositions congénitales qui forme le squelette mental d'un homme. » L'auteur développe et précise de belle manière cette définition quelque peu abstraite et métaphorique, mais il insiste avant tout sur la stabilité qu'il faut reconnaître au caractère tel qu'il le conçoit.
Cette fixité ainsi soulignée, René Le Senne emploie alors les concepts de « personnalité » ou de « moi » pour les formes ou aspects partiellement imprévisibles que peut prendre le caractère dans un destin particulier, c'est-à-dire en se révélant à travers des événements et circonstances ou comme modulé par la capacité de maîtrise partielle qu'il reconnaît à l'individu face à ses données natives. Dans son traité, le philosophe, qui n'est jamais loin du psychiatre, souligne à maintes reprises ce que l'individu réel - chaque homme - peut envisager de faire de ce caractère, que l'approche scientifique étroite tendrait à rendre implacable.
Comme leur nom l'indique, le caractère présente trois propriétés :
Si plusieurs facteurs seront décelés et introduits ultérieurement dans le traité ou après lui, ces trois propriétés sont celles dont la combinaison chez les individus marque le plus fondamentalement le caractère.
Les combinaisons extrêmes, c'est-à-dire dans lesquelles les propriétés présentent soit leur minimum, soit leur maximum, conduisent directement à une typologie : typologie dans laquelle personne ne devrait se reconnaître mais dans laquelle chacun peut se retrouver.
Selon l'ordre de présentation du traité, les huit types de base (déjà élaborés par Heymans et Wiersma)) résultant des combinaisons des propriétés constitutives sont :
On observe que deux par deux, ces types présentent deux propriétés communes pour une seule les différenciant. Mais les proportions s'inversent en quelque sorte dans les conséquences exprimées par le caractère. En effet, les descriptions extrêmement riches que René Le Senne fait de ces types montrent qu'un monde sépare généralement deux types qui ne s'opposent pourtant que par une propriété.
L'essentiel de l'œuvre de René Le Senne procède de son talent pour nourrir les déductions permises par son modèle (et la classification de Groningen) d'une multitude d'éléments plus humains tirés de ses nombreuses et perspicaces lectures, en particulier de biographies et de journaux intimes ou mémoires. Plusieurs de ses successeurs continueront dans cette voie. Cette collectivité a donné naissance à la Collection Caractères (PUF), à la confection de questionnaires permettant d'évaluer les facteurs secondaires (E. Caille, Gex), de prendre en considération les effets du caractère sur l'exercice de l'intellect (Maistriaux) ou sur les caractéristiques graphologiques (René Resten).
Le projet caractérologique rejoint celui, plus ambitieux des biotypologies, telles celles de Martiny, Viola, Pende, Mac Auliffe, Sheldon.
Dits « facteurs de tendances », ces facteurs sont en périphérie de l'œuvre de René Le Senne comme ils sont eux-mêmes en périphérie de la typologie de base. Leur objectivité est plus problématique et leur utilité est aussi moins manifeste. Il importe avant tout de comprendre les types de base même si cela peut passer aussi par la considération des facteurs complémentaires qui peuvent parfois faire écran.
Les facteurs présentés par Gaston Berger sont les suivants :
Gaston Berger a publié un questionnaire qui, associé à son ouvrage d'initiation, permet à chacun de se situer et de se connaître un peu plus par rapport à la typologie proposée par la caractérologie néerlando-française.