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Ce premier film est en partie inspiré du roman 1984, ainsi que de Un bonheur insoutenable, de Ira Levin. Il exprime des idées politiques plutôt radicales et inspirées du marxisme de l'école de Francfort, avec une identité visuelle très personnelle. Il présente des ressemblances avec certains aspects de Alphaville, de Godard (ordinateur central, bonheur obligatoire, interdiction de l'amour, fuite finale du protagoniste). Encore proche des premiers courts-métrages expérimentaux de George Lucas, le film met l'accent sur l'aspect introspectif et cauchemardesque de cette société future, où les murs blancs, entourant des personnages eux aussi vêtus de blanc suppriment toute profondeur et renforcent chez le spectateur le caractère aseptisé de cet univers.
À l'époque, en matière de science-fiction, la référence était encore, pour tous les réalisateurs, le 2001: l'odyssée de l'espace de Kubrick, qui ne sera dépassé techniquement (et encore, uniquement au niveau effets spéciaux) que par La Guerre des étoiles en 1977. En 1971, Lucas n'avait évidemment pas encore les moyens dont disposait Kubrick, mais il reprit certains concepts esthétiques de 2001 : couleurs très blanches, presque pastel, une bande-son extrêmement sophistiquée (voix inquiétantes continuelles des agents de surveillance contrôlant en permanence les faits et geste des individus) et l'utilisation de la musique classique pour la scène la plus poignante (la Passion selon saint Matthieu de Bach).
D'un point de vue subliminal, la ville souterraine ne peut manquer d'être une métaphore des enfers. L'idée qu'une guerre nucléaire a ravagé la surface, censée être « radio-active » et donc impraticable, permit à Lucas de brillamment varier sur un vieux thème de la science-fiction : une communauté fermée reste coincée dans sa hantise du « dehors » par l'effet de ses croyances. Un bonheur insoutenable en est un exemple, tout comme Le Monde aveugle (Dark Universe, 1961), de Daniel Galouye, Croisière sans escale (non stop), de Brian Aldiss, ou encore La Cité et les Astres, de Arthur C. Clarke. Invariablement, un individu isolé se rebiffe contre l'ordre social et s'échappe.
Ce schéma très classique ne pouvait qu'inspirer un jeune étudiant de gauche, qui comme son contemporain Philip K. Dick, considérait sans doute l'Amérique de Nixon comme la cible désignée de toutes les satires libertaires. Les « flics » robots, au coup de matraque facile, ressemblent étrangement aux policiers anti-émeute (CRS en France) avec lesquels les étudiants remuants s'affrontaient à l'époque des deux côtés de l'Atlantique. Décrit par George Lucas comme une « métaphore des années 1970 », le film garde, selon son auteur, toute son actualité. Le mensonge d'État, à la fin, n'est que brièvement matérialisé par un oiseau passant devant un magnifique soleil couchant, trait poétique invalidant la propagande selon laquelle la planète est morte et impraticable. Cela faisait donc des lustres que l'humanité restait enterrée dans un vaste hôpital psychiatrique souterrain uniquement parce qu'elle ignorait que la radioactivité justifiant cet enterrement avait cessé.
Ce film d'art et d'essai a su faire beaucoup d'effet avec peu de moyens, de façon bien plus professionnelle qu'Alphaville. Lucas, n'ayant pas les budgets pour des maquettes géantes « à la Kubrick » dont il ne disposera que plus tard, s'est servi d'installations souterraines réelles : tunnels autoroutiers, parkings, escaliers roulants, centres commerciaux utilisés aux heures de fermeture, égouts, postes de contrôles et divers établissement publics (hôpitaux, etc) prêtés par la municipalité de San Francisco dont le Marin County Civic Center de l'architecte Frank Lloyd Wright, réutilisé dans une autre production de SF, Gattaca. Ces décors « naturels », très habilement choisis, donnent une grande impression de vraisemblance et d'unité. De simples ajouts peu coûteux (panneaux, slogans totalitaires, etc) suffisent à créer l'ambiance. D'autres réalisateurs s'inspireront ensuite de ces techniques, comme Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet avec Le Bunker de la dernière rafale.
La version définitive (DVD director's cut) comporte des ajouts utilisant les technologies actuelles (images de synthèse) récemment incrustés, permettant ainsi de montrer de plus grandes foules et, notamment, une chaîne d'assemblage d'une usine de robots.
THX 1138 est, en dépit de ses faibles moyens financiers, considéré aujourd'hui par les cinéphiles comme l'un des chef-d'œuvres de la science-fiction, à parité avec des films de valeur qualitative comparable mais qui ont été beaucoup plus coûteux à produire (2001: l'odyssée de l'espace, Soleil Vert, la Planète des singes, Rencontres du troisième type, etc.).