Tribu (mathématiques) - Définition

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Histoire du concept

La notion de tribu est étroitement liée à celle de mesure, qui est elle-même une généralisation des notions de longueur (sur une droite), d'aire (dans le plan) et de volume (dans l'espace à trois dimensions). Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, la question de savoir quels ensembles peuvent être mesurés se pose. La longueur d'un intervalle de bornes a et b est ba. Bernhard Riemann, avec l'intégrale qui porte son nom, est le premier à permettre de mesurer des parties de la droite réelle qui ne sont pas des intervalles.

À sa suite, d'autres mathématiciens cherchent la meilleure façon de définir les ensembles mesurables : Stolz et Harnack considèrent les réunions finies d'intervalles, dans \R . Cependant, Harnack, en 1884, est le premier à évoquer une union dénombrable d'intervalles, il prouve ainsi que tout ensemble dénombrable (dont l'ensemble des nombres rationnels) inclus dans \R est de mesure nulle.

« pour éviter de fausses interprétations, je remarque incidemment que dans un certain sens, tout ensemble “dénombrable” de points peut être confiné dans des intervalles dont la somme des longueurs est arbitrairement petite. Ainsi peut-on par exemple inclure, quoiqu’ils soient denses dans le segment, tous les nombres rationnels entre 0 et 1 dans des intervalles dont la somme des longueurs est aussi petite qu’on veut. »

Cela n'est pas admis par les mathématiciens de l'époque, car paraît contradictoire avec le fait que l'ensemble des nombres rationnels est dense dans celui des réels. En effet, un ensemble de mesure nulle est perçu « très petit » alors qu'un ensemble dense est « très grand ».

Ce paradoxe apparent conduit les mathématiciens (dont Camille Jordan en 1892) à ne considérer comme mesurables que les sous-ensembles de \R égaux à une union finie d'intervalles.


En 1898, Émile Borel s'appuie sur les réunions dénombrables d'intervalles ouverts disjoints et construit, par récurrence transfinie, l'ensemble de parties qu'on appelle aujourd'hui la tribu borélienne de la droite réelle. Les boréliens ont la propriété suivante : la mesure d'une réunion d'ensembles boréliens deux à deux disjoints est égale à la somme des mesures de chacun de ces ensembles.

Les travaux contemporains de René Baire méritent aussi d'être mentionnés. Ils ont en effet nourri l'inspiration de ses contemporains en prouvant l'efficacité des techniques ensemblistes en analyse, même si c'est ailleurs que dans les fondements de l'intégration qu'ils ont révélé leur fécondité.

Les années 1901 à 1904 voient la publication par Henri Lebesgue de la théorie de la mesure des parties de l'espace euclidien et de la théorie de l'intégration qui portent son nom. Les ensembles mesurables qu'il définit forment un deuxième exemple de tribu, qui est l'ensemble de définition de la mesure de Lebesgue. On sait rapidement qu'en présence de l'axiome du choix il existe des ensembles non mesurables : il n'est plus question d'espérer mesurer toute partie de l'espace.

Les années 1910 voient se développer des recherches où l'accent est mis sur les fondements ensemblistes de la théorie de l'intégration et désormais aussi des probabilités. Felix Hausdorff et surtout Constantin Carathéodory, dont l'axiomatique des mesures extérieures étend à un cadre abstrait les travaux de Lebesgue, ont fait progresser ces recherches. En 1915, Maurice Fréchet publie un article qui propose déjà une définition des mesures très voisine de celle admise de nos jours. Il les définit sur ce qu'on appelle aujourd'hui des sigma-anneaux et est le premier à considérer des « ensembles abstraits » sans relation avec les nombres réels. Dans un article de 1927, Wacław Sierpiński introduit ce qu'on nomme aujourd'hui la tribu engendrée.

Dans les années 1930, la maturation du formalisme moderne est terminée. Pour la première fois semble-t-il, un article de 1930 d'Otton Nikodým énonce explicitement les définitions de sigma-algèbre et de mesure utilisées aujourd'hui. Deux traités influents parus pendant cette décennie popularisent définitivement la notion : Théorie de l'intégrale de Stanisław Saks pour l'analyse et Fondements de la théorie des probabilités d'Andreï Kolmogorov. Quant au terme de « tribu » utilisé en français pour dénommer les σ-algèbres, il a été introduit dans un article publié en 1936 par René de Possel, membre du groupe Bourbaki.

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