Les onze aqueducs de Rome sont construits au fil des siècles pour approvisionner suffisamment en eau la population de Rome. Leur capacité combinée atteint près de 1 030 000 mètres cubes par jour pour la ville (soit théoriquement plus de 1 000 litres par habitant, ce qui est plus du double de ce que reçoivent les Romains d'aujourd'hui). Des statistiques détaillées de chaque aqueduc de la ville sont notées autour de 97 par Sextus Julius Frontinus dans son traité Des aqueducs de la ville de Rome (De aquæductibus urbis Romæ), conservateur des aqueducs de Rome pendant le règne de Nerva. Les principales informations que nous avons recueillies sur les aqueducs de Rome viennent de ses écrits sur le sujet, ce qui explique le manque de détails sur les deux derniers aqueducs, qui lui sont postérieurs.
Nom français | Nom latin | Date de construction | Ordonné par | Longueur | Débit entrant (Frontin) | Débit reçu (règlements) | Débit constaté (Frontin) | Altitude de départ | Altitude d'arrivée |
Aqueduc de l'Aqua Appia | Aqua Appia | 01312 av. J.-C. | Appius Claudius Caecus Caius Plautius Venox | 16,6 km | 076 000 m³/jour | 035 000 m³/jour | 029 000 m³/jour | ~020 mètres | 08,37 mètres |
Aqueduc de l'Anio Vetus | Aqua Anio Vetus | 02272 à 269 av. J.-C. | Lucius Papirius Cursor Manius Curius Dentatus Marcus Fulvius Flaccus | 63,7 km | 183 000 m³/jour | 060 000 m³/jour | 063 000 m³/jour | ~280 mètres | 25,17 mètres |
Aqueduc de l'Aqua Marcia | Aqua Marcia | 03144 à 140 av. J.-C. | Quintus Marcius Rex | 91,4 km | 195 000 m³/jour | 090 000 m³/jour | 080 000 m³/jour | ~318 mètres | 37,48 mètres |
Aqueduc de l'Aqua Tepula | Aqua Tepula | 04125 av. J.-C. | Lucius Cassius Longinus Cnaeus Servilius Caepio | 18 km | 018 000 m³/jour | 017 000 m³/jour | 018 000 m³/jour | ~151 mètres | 38,23 mètres |
Aqueduc de l'Aqua Julia | Aqua Iulia | 0533 av. J.-C. | Marcus Vipsanius Agrippa | 22,9 km | 050 000 m³/jour | 027 000 m³/jour | 033 000 m³/jour | ~350 mètres | 39,71 mètres |
Aqueduc de l'Aqua Virgo | Aqua Virgo | 0619 av. J.-C. | Marcus Vipsanius Agrippa | 20,9 km | 104 000 m³/jour | 031 000 m³/jour | 104 000 m³/jour | ~015 mètres | 10,43 mètres |
Aqueduc de l'Aqua Alsietina | Aqua Alsietina | 072 av. J.-C. | Auguste | 32,9 km | 016 300 m³/jour | 016 300 m³/jour | ~209 mètres | 05 mètres | |
Aqueduc de l'Anio Novus | Aqua Anio Novus | 0838 à 52 | Caligula & Claude | 87 km | 197 000 m³/jour | 135 000 m³/jour | 168 000 m³/jour | ~400 mètres | 47,52 mètres |
Aqueduc de l'Aqua Claudia | Aqua Claudia | 0938 (?) à 52 | Caligula (?) & Claude | 68,7 km | 191 000 m³/jour | 118 000 m³/jour | 066 000 m³/jour | ~320 mètres | 47,42 mètres |
Aqueduc de l'Aqua Trajana | Aqua Traiana | 10109 | Trajan | 59,2 km | ~250>250 mètres | 30~30 mètres | |||
Aqueduc de l'Aqua Alexandrina | Aqua Alexandriana | 11226 | Sévère Alexandre | 22 km | ~250>250 mètres | 20~20 mètres |
Jusqu'en 312 av. J.-C., alors que l'approvisionnement en eau des cités grecques se fait généralement grâce à des sources naturelles, les Romains se contentent des eaux du Tibre, de puits et de sources, qui sont des objets de vénérations et de culte pour eux, car l'on croyait que cela rendait la santé aux malades. C'est le manque de salubrité et le caractère peu pratique de cet approvisionnement qui conduisent à l'invention d'aqueducs destinés à amener de grandes quantités d'eau pure depuis les collines situées aux alentours de la cité. C'est ainsi que les deux censeurs lancent la construction du premier aqueduc. Il capte l'eau depuis les collines de la Sabine, puis l'emmène à Rome par des canaux, et est presque entièrement souterrain. La différence d'altitude entre la source et la destination n'est que de 10 mètres en 16,6 kilomètres, et l'aqueduc atteint la ville sous 30 mètres de terre, édification remarquable de technologie pour le IVe siècle av. J.-C., et qui apporte à Rome 76 000 m³/jour.
Tout au long de la République romaine, de nouveaux aqueducs sont édifiés. Celui de l'Anio Vetus au IIIe siècle av. J.-C. capte ses eaux au-delà de la ville antique de Tibur et apporte plus du double en volume d'eau que le premier, avec 183 000 m³/jour. Au siècle suivant, deux nouveaux aqueducs sont édifiés, dont celui de la Marcia, qui amène à Rome de l'eau très pure en très grande quantité. Ces quatre premiers aqueducs arrivent à Rome au même point, vers l'Esquilin, là où plus tard se dressera la Porte Majeure. Par méconnaissance de l'art de niveler avec précision ou par choix, ils sont tous quasiment souterrains de tout leur long, peut-être enterrés car Rome devait souvent soutenir des guerres contre les Italiques. Qui plus est, l'aqueduc de l'Aqua Marcia est très long avec ces 91 kilomètres, car on se borne à suivre les lignes de niveaux pour franchir les vallées à leur tête.
Le consulaire Marcus Vipsanius Agrippa redevient édile et curateur des eaux en 33 av. J.-C., ce qui montre l'importance des travaux publics pour Auguste, et fait un nouvel aqueduc, puis un deuxième quelques années plus tard. La mise en chantier d'un tel ouvrage constitue pour la collectivité un engagement financier assez lourd, si bien que l'administration impériale s'en soucie personnellement et c'est pourquoi l'Empereur contribue de lui-même à financer la construction d'un tel édifice. Auguste en fait d'ailleurs construire un nouveau uniquement pour alimenter sa naumachie.
Enfin, sous Caligula puis sous Claude, le volume d'eau arrivant à Rome se trouve insuffisant, les détournements sans autorisation de l'empereur romain étant de plus en plus nombreux, deux nouveaux aqueducs sont alors construits, l'un, celui de l'Anio Novus, connu pour son eau abondante mais impure, l'autre, celui de la Claudia, connu pour son eau très claire et limpide à l'instar des eaux de la Marcia. L'Aqueduc de l'Anio Novus capte par ailleurs ses sources bien plus en amont que tous les autres aqueducs de l'Anio, mais les progrès techniques font qu'il est moins long de 4 kilomètres que l'Aqueduc de l'Aqua Marcia, pouvant couper tout droit sur arches où les canaux de l'autre doivent suivre les courbes de niveau. Sous Néron, les fraudes se font de plus en plus nombreuses, et il faut attendre le règne de Nerva pour que les choses bougent.
D'après Frontin, à la fin du Ier siècle, il y a un débit entrant total de 24 800 quinaires (1 030 000 m³/jour) mais seulement un débit constaté, selon les règlements, de 12 400 quinaires (513 000 m³/jour) avec près de 13 900 quinaires (580 000 m³/jour) de réellement distribués d'après les calculs du curateur des eaux. Ce dernier a constaté de très nombreux détournements frauduleux, près de 10 900 quinaires (450 000 m³/jour), soit environ 44% des eaux amenées à Rome, quasiment la moitié !
Sur les 13 900 quinaires (580 000 m³/jour) distribués par les aqueducs sous le règne de Nerva, 4 063 quinaires (169 000 m³/jour) le sont hors de la ville :
Les 9 premiers aqueducs fournissent 9 952 quinaires (413 000 m³/j) pour les 14 régions de la Rome augustéenne au moyen de 247 châteaux d'eau :
L'administrateur principal des eaux remet en place la distribution initiale des aqueducs, après avoir mis fin aux détournements frauduleux et aux pertes dues aux négligences, et de nouvelles arcades sont construites. De plus, l'empereur Nerva décide de conduire toutes les eaux dans des canaux séparés, pour éviter que les mélanges altèrent la qualité des meilleures eaux comme celle de la Marcia ou de la Claudia, notamment par celle de l'Anio Novus. Et chaque eau, selon sa qualité, est utilisée pour des usages différents, les meilleures pour la boisson et les plus troubles pour les jardins de Rome. Après ces réformes, on retrouve les près de 1 030 000 mètres cubes par jour pour la ville, auxquels vont s'ajouter les eaux de la Trajana au IIe siècle et la Alexandrina au IIIe siècle.
En outre, l'eau qui coulait dans les aqueducs était propriété publique; à son arrivée, elle était entreposée dans des réservoirs appelés castella et distribuée par la suite dans les fontaines publiques, les thermes et enfin dans les propriétés privées des riches patriciens. Par la suite, l'eau était distribuée aussi dans les villes par l'intermédiaire de tuyaux de plomb qui parcouraient la ville jusqu'à leur destination et en étant situés sous les trottoirs. Les aqueducs pénétraient tous dans la ville au même lieu, dans le quartier de la Vieille Espérance, à proximité de la porte Majeure. Leur parcours demeurait presque entièrement souterrain, notamment pour éviter qu'ils ne soient coupés par l'ennemi ou que l'eau ne soit prélevée illégalement par les romains habitant à proximité des conduits.